L'experience seule peut-elle rendre compte de l'objectivité d'une connaissance ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
-L'origine étymologique du mot « expérience » est celle de « experio » qui, en latin, signifie : « éprouver ».
L'expérience, c'est donc le résultat individuel de la vie et du ressenti de chacun.
Ainsi, dans un sens général, l'expérience est la somme des impressions, données sensibles, vécues par un individu et
qui le constituent tel qu'il est.
Dans le sens d' « expérimentation », l'expérience est relative au domaine scientifique.
Il s'agit alors de désigner les
procédures par lesquelles on confirme ou l'on infirme une proposition.
-Quant à la « connaissance », elle est ce que l'esprit humain déduit de l'expérience et élabore sous la forme d'une
théorie.
Elle est à ce titre une construction de l'esprit humain à partir du matériau qu'est l'expérience.
Problématique :
Dans la mesure où l'expérience est subjective et individuelle, puisque résultant du donné des sens, comment peutêtre être raisonnablement considérée comme la source des connaissances humaines ? Quelle est son objectivité et
sa légitimité lorsqu'il s'agit de la poser comme fondement de la science ?
Proposition de plan
1.
L'expérience est trompeuse :
La tradition philosophique issue de Platon a toujours abaissé l'expérience sensible au rang de science inférieure, en
raison du caractère trompeur des sens.
Maintenant, repris-je, représente-toi de la façon que voici l'état de notre nature relativement à l'instruction et à
l'ignorance.
Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur
une entrée ouverte à la lumière ; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte
qu'ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête [...].
Considère
maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on les délivre de leurs chaînes et qu'on les guérisse de leur
ignorance.
Qu'on détache l'un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser immédiatement, à tourner le cou, à
marcher, à lever les yeux vers la lumière : en faisant tous ces mouvements il souffrira, et l'éblouissement
l'empêchera de distinguer ces objets dont tout à l'heure il voyait les ombres.
Que crois-tu donc qu'il répondra si
quelqu'un lui vient dire qu'il n'a vu jusqu'alors que de vains fantômes, mais qu'à présent, plus près de la réalité et
tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste ? Si, enfin, en lui montrant chacune des choses qui passent, on
l'oblige, à force de questions, à dire ce que c'est ? Ne penses-tu pas qu'il sera embarrassé, et que les ombres qu'il
voyait tout à l'heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu'on lui montre maintenant ? - Beaucoup plus vraies,
reconnut-il.
- Et si on le force à regarder la lumière elle-même, ses yeux n'en seront-ils pas blessés ? n'en fuira-t-il
pas la vue pour retourner aux choses qu'il peut regarder, et ne croira-t-il pas que ces dernières sont réellement plus
distinctes que celles qu'on lui montre ? - Assurément.
- Et si, repris-je, on l'arrache de sa caverne par force, qu'on
lui fasse gravir la montée rude et escarpée, et qu'on ne le lâche pas avant de l'avoir traîné jusqu'à la lumière du
soleil, ne souffrira-t-il pas vivement, et ne se plaindra-t-il pas de ces violences ? Et lorsqu'il sera parvenu à la
lumière, pourra-t-il, les yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une seule des choses que maintenant nous
appelons vraies ? - II ne le pourra pas, répondit-il ; du moins dès l'abord.
- Il aura, je pense, besoin d'habitude pour
voir les objets de la région supérieure.
D'abord ce seront les ombres qu'il distinguera le plus facilement, puis les
images des hommes et des autres objets qui se reflètent dans les eaux, ensuite les objets eux-mêmes.
Après cela, il
pourra, affrontant la clarté des astres et de la lune, contempler plus facilement pendant la nuit les corps célestes et
le ciel lui-même, que pendant le jour le soleil et sa lumière.
- Sans doute.
- A la fin, j'imagine, ce sera le soleil [...]
lui-même à sa vraie place, qu'il pourra voir et contempler tel qu'il est.
- Nécessairement, dit-il.
- Après cela il en
viendra à conclure au sujet du soleil, que c'est lui qui fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le
monde visible, et qui, d'une certaine manière, est la cause de tout ce qu'il voyait avec ses compagnons dans la
caverne.
- Évidemment, c'est à cette conclusion qu'il arrivera.
- Or donc, se souvenant de sa première demeure, de
la sagesse que l'on y professe, et de ceux qui furent ses compagnons de captivité, ne crois-tu pas qu'il se réjouira
du changement et plaindra ces derniers ? - Si, certes.
PLATON (allégorie de la caverne)
2.
L'expérience comme fondement de toute connaissance :
Mais à partir de Bacon, Hume et Locke, un courant philosophique a voulu poser l'expérience comme fondement de
toute science : on parla alors d'empirisme.
Supposons donc qu'au commencement l'âme est ce qu'on appelle une table rase, vide de tous caractères, sans
aucune idée, quelle qu'elle soit.
Comment vient-elle à recevoir des idées ? [...] D'où puise-t-elle tous ces matériaux
qui sont comme le fond de tous ses raisonnements et de toutes ses connaissances ? À cela je réponds en un mot,
de l'Expérience : c'est là le fondement de toutes nos connaissances, et c'est de là qu'elles tiennent leur première
origine.
Les observations que nous faisons sur les objets extérieurs et sensibles, ou sur les opérations intérieures de
notre âme, que nous apercevons et sur lesquelles nous réfléchissons nous-mêmes, fournissent à notre esprit les
matériaux de toutes ses pensées.
Ce sont là les deux sources d'où découlent toutes les idées que nous avons, ou
que nous pouvons avoir naturellement.
Et premièrement nos Sens étant frappés par certains objets extérieurs, font
entrer dans notre âme plusieurs perceptions distinctes des choses, selon les diverses manières dont ces objets
agissent sur nos Sens.
C'est ainsi que nous acquérons les idées que nous avons du blanc, du jaune, du chaud, du.
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