L'expérience peut-elle se passer de présupposés théoriques ?
Extrait du document
«
Toute connaissance passe d'abord par les sens.
«L'expérience, c'est là le fondement de toutes nos connaissances.» Locke, Essai sur l'entendement humain (1690).
• La théorie empiriste, dont Locke est un des représentants, fait dépendre toute connaissance de l'expérience.
Il n'y
a pas, pour elle, d'idées innées: toutes les idées sont acquises, y compris celles des nombres, à travers des
processus plus ou moins complexes selon qu'il s'agit d'idées simples qui viennent directement des sens, ou d'idées
complexes qui nécessitent une élaboration.
• L'induction est le processus mental qui permet de former une idée générale à partir des multiples données des
sens.
Aristote parlait à son sujet d'un regroupement progressif, comme des troupes qui battent en retraite.
• L'empirisme philosophique et scientifique de Locke ne méconnaît pas le rôle de la réflexion rationnelle dans la
formation des idées et des théories, mais il le place en second (ce qui ne veut pas dire qu'il soit secondaire).
Pour Hume, sont données à l'esprit d'abord des impressions, à savoir des perceptions vives, et en second lieu les
idées qui en sont les copies affaiblies (Traité de la nature humaine).
Au point de départ de sa philosophie, nous
rencontrons donc, non seulement des données élémentaires, mais encore des données qui ne se distinguent que par
la manière dont nous en faisons l'expérience.
Il n'y a pas d'extériorité, celle des choses* dont nous instruisent les
sens, ni d'intériorité, celle de l'esprit quand il réfléchit sur lui-même : il n'y a que l'expérience et ses critères, la
vivacité ou la faiblesse du senti.
Toute la pensée relève alors des relations entre ces données et de la manière dont nous les éprouvons.
C'est dire
qu'il n'y a aucune relation, si ce n'est celles que l'esprit établit.
Ainsi, l'idée de causalité, qui signifie qu'il y a une
connexion nécessaire entre deux choses, la cause et l'effet, n'est pas perçue dans les choses mêmes, mais vient de
ce que l'esprit prend l'habitude de les lier (Enquête sur l'entendement humain).
C'est une simple tendance de l'esprit,
une association spontanée entre ses idées, qui nous fait croire à une causalité que nous n'observons jamais.
La raison a raison, même contre l'expérience.
«...car j'ai dessein d'expliquer les effets par leurs causes, et non les causes
par leurs effets.» Descartes, Les Principes de la philosophie (1644), II, 4.
• Descartes est le représentant par excellence d'un rationalisme non
empirique.
Pour lui, en effet, la science physique est à peine plus
expérimentale que les mathématiques (qui, elles, sont totalement a priori,
c'est-à-dire indépendantes de l'expérience).
La science physique, en effet,
consiste à dérouler les propriétés de la notion de substance, à partir de ses
qualités premières (grandeur, figure et mouvement).
Les idées innées, qui
nous donnent les connaissances mathématiques, nous permettent donc aussi
de construire un modèle rationnel de la structure générale de la nature.
• C'est pourquoi Descartes dit qu'il faut «expliquer les effets par les causes»:
la théorie est construite d'abord pour être ensuite confrontée à l'expérience;
on ne peut pas partir des effets (les phénomènes empiriques) pour remonter à
leurs causes.
• Avec Descartes, on aurait presque l'impression qu'un aveugle doué de raison
pourrait bâtir un modèle de l'univers.
Descartes ne méconnaît cependant pas
le rôle de l'expérience, mais celle-ci ne vient qu'en second, pour préciser les
détails concrets de l'univers..
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