L'expérience et la pensée ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
PENSÉE: Faculté de connaître, de comprendre, de juger, de raisonner, qui est censée caractériser l'homme, par
opposition à l'animal.
Synonyme d'entendement, de raison.
PENSER: Exercer une activité proprement intellectuelle ou rationnelle; juger; exercer son esprit sur la matière de
la connaissance; unir des représentations dans une conscience.
EXPÉRIENCE: a) Sens courant (expérience vécue): instruction acquise par une longue pratique des choses
(l'expérience de la vie).
b) Connaissance acquise par les données ou impressions des sens.
c) En science,
observation méthodique et réfléchie de certains phénomènes, en vue de vérifier une hypothèse (synonyme
d'expérimentation).
1.
Seul l'entendement connaît
Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche : [...] sa couleur, sa figure, sa grandeur
sont apparentes ; il est dur, il est froid [...].
Mais voici que, cependant que je parle, on l'approche du feu ; ce qui y
restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il
devient liquide, il s'échauffe [...].
La même cire demeure-t-elle après ce changement ? Il faut avouer qu'elle
demeure, et personne ne le peut nier.
Qu'est-ce donc que l'on connaissait en ce morceau de cire avec tant de
distinction ? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j'y ai remarqué par l'entremise des sens, puisque toutes les
choses qui tombaient sous le goût, ou l'odorat, ou la vue, ou l'attouchement, ou l'ouïe, se trouvent changées, et
cependant la même cire demeure.
Dans ses Méditations métaphysiques, Descartes expose son cheminement, partant de la nécessité du doute à la
première certitude du Cogito, suivie par la garantie d'un savoir enfin possible grâce à la certitude de l'existence de
Dieu.
Dans ce passage, extrait de la Méditation seconde, il n'est pas encore parvenu à cette certitude.
Ainsi,
comment un morceau de cire peut-il être encore de la cire, alors que sous l'action de la chaleur, il change du tout
au tout ?
Problématique
Sous leur apparente stabilité, les choses sont changeantes, au point qu'il est difficile d'en dégager des
caractéristiques solides.
Et pourtant, les images diverses par lesquelles je me représente la cire ne sont pas le fait
de l'imagination.
Dès lors, qu'est-ce, finalement, que ce morceau de cire ? Un objet doit toujours être identique à
lui-même pour être dénommé et connu en tant que tel.
Enjeux
Comment pouvons-nous penser les objets en eux-mêmes ? Les données que nous fournissent les sens et
l'imagination reproductrice ne sont-elles par erronées ? Pour être objective, la connaissance doit dépasser la
multiplicité des représentations sensibles.
La connaissance suppose la clarté et la distinction des idées : je ne peux en effet retenir pour vrai que ce que je
comprends avec netteté.
Or les perceptions par lesquelles je connais ce morceau de cire sont distinctes : je ne
peux pas confondre l'odeur de la ruche avec une autre, ni la couleur caractéristique de la cire avec une autre.
Il
semblerait donc que j'ai affaire immédiatement à une vraie connaissance.
Pourtant, il suffit que l'on approche ce morceau de cire du feu pour qu'il perde toutes les qualités qui me le faisaient
connaître : malgré ce changement radical, je sais qu'il s'agit encore du même morceau de cire ; ma connaissance ne
provient donc pas des sensations.
Je découvre en moi une connaissance implicite : pour pouvoir affirmer que la cire demeure alors que les sensations
qu'elle m'offrent différent radicalement, il fallait que je sache qu'elle « n'était pas ni cette douceur du miel, ni cette
agréable odeur des fleurs, ni cette blancheur (...) mais seulement un corps qui, un peu auparavant, me paraissait
sous ces formes et qui maintenant se fait remarquer sous d'autres ».
La question est donc maintenant de savoir d'où vient cette connaissance si la sensation est incapable de la donner.
Une première réponse est avancée : l'imagination, permettant de se représenter les choses de façon sensible même
en leur absence, serait la faculté par laquelle je penserais les différentes figures que ce morceau de cire peut
prendre.
Cette réponse s'avère rapidement insuffisante : ce morceau de cire, essentiellement muable et flexible, se
caractérise par la capacité à assumer une infinité de formes possibles ; or l'imagination ne peut embrasser l'infinité
des formes.
Il faut pour cela une faculté qui n'ait pas à se représenter le dessin de chacune des formes les unes
après les autres, mais qui puisse se former l'idée générale d'une infinité de formes possibles : seule la faculté de
concevoir peut accomplir cela.
Ainsi, lorsque nous disons que nous voyons, il serait plus juste de dire que nous jugeons : notre vision est toujours
déjà construite par l'esprit.
2.
Sentir et inventer.
»
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