l'expérience de la conscience est-ce l'expérience de la liberté ?
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Introduction
Le terme d'expérience demande une analyse précise, car il contient une ambiguité.
En effet, l'expérience peut être
assimilée au simple sentiment conscient : elle est alors simple perception.
Mais un sens plus fort de l'expérience est
possible, dans une optique scientifique et existentielle : faire une expérience, c'est confronter un état de fait à une
vérification de son sens et de sa légitimité ; et faire l'expérience de quelque chose, c'est aussi traverser une
épreuve, qui fait que l'expérience nous transforme, qu'elle n'est plus simplement passive mais qu'elle agit sur nous.
A
partir de là, le problème sera le suivant : en quoi notre expérience immédiate de liberté que nous fournit la
conscience est-elle susceptible d'être validée ou non comme une observation légitime de notre liberté ?
I La conscience comme production et perception d'une expérience de liberté : Freud et Rousseau
-Freud : la conscience s'expérimente spontanément comme libre ; mais le moi conscient normal procède en fait
d'une confrontation entre le fonds pulsionnel du ça et l'instance morale du surmoi, qui permet au sujet d'intérioriser
les normes de la société (Le ça et le moi).
L'origine de la conscience est donc en partie au moins déterminée ; il
n'empêche que cette genèse psychologique du moi aboutit à un sentiment positif de liberté, qui recouvre l'influence
déterminante du surmoi.
Pour Freud, l'expérience de la conscience peut donc être objectivement décrite comme
production d'une expérience de liberté.
-Rousseau exploite cette affinité nécessaire du sentiment de liberté et de la conscience dans Emile ou de
l'éducation : la conscience est le siège même du sentiment moral, qui met l'homme en communication avec Dieu.
A
travers ce sentiment, l'homme se ressent comme libre.
C'est la seule expérience de liberté que peut connaître
l'homme : celle de la conscience morale.
L'expérience de la liberté est donc réduite au simple sentiment, qui est
fondé par son caractère inné, d'origine divine : il outrepasse ainsi les limites de l'entendement et de la raison
humaine.
II L'expérience de la liberté comme soumise à l'examen de la raison : Spinoza et Kant.
-Spinoza : ce caractère immédiat du sentiment de liberté est trompeur.
Pour
Spinoza, cette utilisation du terme "expérience" serait erronée : l'expérience
n'est pas le sentiment, elle est une démarche de la raison qui requiert une
méthode objective d'examen.
Ainsi, faire l'expérience au sens fort de la
liberté, ce serait examiner les causes qui déterminent mon existence.
Puis-je
être la cause de moi-même ? C'est impossible pour Spinoza : je suis causé par
Dieu et par la série des causes empiriques du monde, lui-même créé par Dieu.
Dès lors, toute expérience véritable de ma liberté, soumise à un examen
critique, rationnel et conscient, ne peut aboutir qu'au constat de mon
absence de liberté.
Le rationalisme cartésien nous montre déjà qu'une volonté infiniment libre,
mais privée de raison, est une volonté perdue.
Plus nous connaissons, plus
notre liberté est grandie et fortifiée.
Si nous développons notre connaissance
au point de saisir dans toute sa clarté l'enchaînement rationnel des causes et
des effets, nous saisirons d'autant mieux la nécessité qui fait que telle chose
arrive et telle autre n'arrive pas, que tel phénomène se produit, alors que tel
autre ne viendra jamais à l'existence.
Pour Spinoza, une chose est libre quand
elle existe par la seule nécessité de sa propre nature, et une chose est
contrainte quand elle est déterminée par une autre à exister et à agir.
Au
sens absolu, seul Dieu est infiniment libre, puisqu'il a une connaissance absolue de la réalité, et qu'il la fait être et
exister suivant sa propre nécessité.
Pour Spinoza et à la différence de Descartes, la liberté n'est pas dans un libre
décret, mais dans une libre nécessité, celle qui nous fait agir en fonction de notre propre nature.
L'homme n'est pas
un empire de liberté dans un empire de nécessité.
Il fait partie du monde, il dispose d'un corps, d'appétits et de
passions par lesquelles la puissance de la Nature s'exerce et s'exprime en nous, tant pour sa propre conservation
que pour la nôtre.
Bien souvent nous croyons être libres, alors que nous ne faisons qu'être mus, par l'existence de
causes extérieures :
la faim, la pulsion sexuelle, des goûts ou des passions qui proviennent de notre éducation, de notre passé, de notre
culture.
Nul homme n'étant coupé du milieu dans lequel il vit et se trouve plongé, nous sommes nécessairement
déterminés à agir en fonction de causes extérieures à notre propre nature.
"Telle est cette liberté humaine que tous
les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs, et
ignorants des causes qui les déterminent."
-Kant : la notion spinoziste d'expérience est encore insuffisante : il faut se demander ce qui permet l'expérience de
la conscience.
Quelle est sa condition de possibilité ? Kant définit la liberté par la capacité de l'homme d'obéir aux
lois universelles du bien et du mal qu'il détermine lui-même.
A cette liberté ne correspond plus un sentiment de
liberté comme abstraction de toute causalité, mais un sentiment moral, qui fait de la liberté la condition de
possibilité même de toute conscience morale.
L'expérience de la conscience est donc une épreuve, qui soumise à
l'exigence de l'universalité, nous mène à l'expérience du sentiment moral.
La liberté ne peut être directement.
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