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L’expérience: cours de philo

Publié le 19/10/2022

Extrait du document

« L’expérience L’expérience est une des trois catégories qui permettent d’organiser l’étude de la vie mentale humaine, avec l’action et la pensée. I : Définition et problèmes Les définitions sont tirées du Dictionnaire de la philosophie et des sciences humaines de L.

M Morfaux Au sens psychologique : Acceptation immédiate du réel, soit par l’intuition sensible (données des sens : expérience externe), soit par l’intuition psychologique (données de la conscience : expérience interne). Arrêtons-nous un instant sur cette définition.

Dans la mesure où l’expérience est constituée des données immédiates des sens et de la conscience, elle présuppose comme une sorte de passivité du sujet par rapport à l’expérience.

L’expérience du retard d’un train ou d’un avion est totalement subie par le sujet. Pourtant, l’expérience nous met en contact avec le monde extérieur.

Comme la pensée, elle constitue un élément crucial de la vie intérieure.

Que dire de l’expérience d’une brûlure ou d’une piqûre de guêpe par exemple ? Peut-on prétendre savoir ce que c’est si on ne les a jamais éprouvées ? Au sens épistémologique : action d’observer ou d’expérimenter en vue de former ou de contrôler une hypothèse et résultat de l’observation et de l’expérimentation.

En ce sens l’expérience est synonyme de méthode expérimentale : qui consiste à faire varier les conditions et voir ce qu’il advient. Expérience scientifique. Ici il convient de souligner que l’expérience ne doit pas être séparée du travail de la raison.

Le sens commun a tendance à séparer voire à opposer l’expérience et la pratique à la théorie et à la raison.

Pourtant, il est indéniable qu’une expérience requiert d’être interprétée pour dévoiler son sens.

L’expérience scientifique ne peut avoir de sens que si elle est construite, réfléchie, analysée. « Avoir de l’expérience » : c’est avoir du vécu, c’est à dire avoir vécu une vie suffisamment riche pour ne pas se laisser surprendre par un événement inattendu. On comprend donc que cette notion d’expérience est étroitement liée aux questions de la vérité, de la connaissance. L’expérience instruit-elle ? Comment, dans quelle mesure l’expérience peut-elle nous mettre sur la voie de la connaissance, de la vérité ? Peut-on seulement se fier à nos sens ? À notre expérience ? Pourquoi ? N’est-elle pas trop subjective pour contribuer à la connaissance ? Peut-on se fier à l’expérience ? Que nous apporte-t-elle ? Est-elle porteuse de vérités ? Quels sont les liens entre la raison et l’expérience ? Peut-on les opposer ? II : Peut-on se fier à l’expérience ? Si oui, pourquoi ? Comment ? Si non, pourquoi ? Il existe, dans l’histoire de la philosophie, un débat sur cette question.

Il oppose les rationalistes aux empiristes.

Il porte sur la contribution de l’expérience à la recherche de la vérité et de la connaissance.

L’expérience serait, pour les rationalistes, une épreuve subie alors que le raisonnement est actif.

Pourtant, l’expérience fournit à notre esprit des éléments que le seul jugement, le seul raisonnement seraient incapables de lui procurer.

Reprenons notre exemple de la douleur qui exige d’être éprouvée pour être connue. Le rationalisme :    Caractérise toute doctrine qui attribue à la raison humaine la capacité de connaître et d’établir la vérité. Doctrine qui pose la raison comme indépendante de l’expérience sensible et qui affirme que la raison est innée, a priori et immuable chez tous les hommes. Doctrine qui n’admet dans le domaine de la connaissance que l’autorité de la raison et rejette toute intervention du sentiment L’empirisme :  Nom générique de toutes les doctrines philosophiques selon lesquelles la connaissance humaine dérive toute entière, directement ou indirectement, de l’expérience sensible (externe ou interne), y compris les principes dits rationnels de la connaissance, et qui n’attribuent à l’esprit aucune activité propre. En résumé, les rationalistes affirment que nos connaissances ont toutes leur origine première dans la raison, alors que les empiristes affirment au contraire qu’elles découlent toutes de notre expérience. Pour les empiristes l’expérience instruit, le jugement est comme secondaire, il accompagne l’expérience.

C’est au XVIII° s.

que l’empirisme connaîtra son apogée.

C’est Newton qui, dans le domaine scientifique, fait toute la démonstration de l’importance de l’expérience.

Nous en reparlerons cidessous.

En philosophie ce sont des philosophes anglais comme J.

Locke ou D. Hume qui en seront d’éminents représentants. Pour les rationalistes, seuls les concepts procurent la connaissance vraie.

La connaissance est une croyance vraie justifiée par des concepts précis, rigoureux, résultats de la pensée. Rappelons-nous le texte de l’allégorie de la caverne extrait du ch.

VII de la République de Platon, où ce dernier illustre sa théorie des Idées afin de montrer que la vérité se cherche et se trouve par un difficile travail de la raison.

Mais c’est surtout au XVII° s.

que des philosophes comme Spinoza et particulièrement Descartes vont défendre le rationalisme. Texte de Descartes qui accompagne cette partie du cours. « Commençons par la considération des choses les plus communes et que nous croyons comprendre le plus distinctement, à savoir les corps que nous touchons que nous voyons.

Je n’entends pas parler des corps en général, car ces notions générales sont d’ordinaire plus confuses, mais de quelqu’un en particulier.

Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d’être tiré de la ruche, il n’a pas encore perdu la douceur du miel qu’il contenait, il retient encore de l’odeur des fleurs dont il a été recueilli ; sa couleur, sa figure, sa grandeur, sont apparentes : il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra quelque son.

Enfin, toutes les choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps, se rencontrent en celui-ci. Mais voici que cependant que je parle on l’approche du feu, ce qui y restait de saveur s’exhale, l’odeur s’évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s’échauffe, à peine le peut-on toucher, et quoiqu’on le frappe il ne rendra plus aucun son : La même cire demeure-t-elle après ce changement ? Il faut avouer qu’elle demeure, et personne ne le peut nier.

Qu’est-ce donc que l’on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction ? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j’y ai mis par l’entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, ou l’odorat, ou la vue, ou l’attouchement, ou l’ouïe se trouvent changées, et cependant la même cire demeure.

Peut-être était-ce ce que je pense maintenant, à savoir que la cire n’était pas, ni cette douceur du miel, ni cette agréable odeur de fleurs, ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son, mais seulement un corps qui un peu auparavant me paraissait sous ces formes, et qui maintenant se fait remarquer sous d’autres.

Mais qu’est-ce précisément parlant que j’imagine, lorsque je la conçois en cette sorte ? Considérons-le attentivement, et éloignant toutes les choses qui n’appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste.

Certes il ne demeure rien que quelque chose d’étendu, de flexible et muable : Or qu’est-ce que cela flexible et muable ? n’est-ce pas que j’imagine que cette cire étant ronde est capable de devenir carrée, et de passer du carré en une figure triangulaire ? non certes ce n’est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j’ai de la cire ne s’accomplit pas par la faculté d’imaginer. Qu’est-ce maintenant que cette extension ? n’est-elle pas aussi inconnue ? Puisque dans la cire qui se fond elle augmente, et se trouve encore plus grande quand elle est entièrement fondue, et beaucoup plus encore quand la chaleur augmente davantage ; et je ne concevais pas clairement et selon la vérité ce que c’est que la cire, si je ne pensais qu’elle est capable de recevoir plus de variétés selon l’extension, que je n’en ai jamais imaginé.

Il faut donc que je tombe d’accord, que je ne saurais pas même concevoir par l’imagination ce que c’est que cette cire, et qu’il n’y a que mon entendement seul qui le conçoive.

Je dis ce morceau de cire en particulier, car pour la cire en général il est encore plus évident : Or quelle est cette cire qui ne peut être conçue que par l’entendement ou l’esprit ? Certes c’est la même que je vois, que je touche, que j’imagine, et la même que je connaissais dès le commencement ; Mais ce qui est à remarquer, sa perception, ou bien l’action par laquelle on l’aperçoit n’est point une vision, ni un attouchement, ni une imagination, et ne l’a jamais été, quoiqu’il le semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de l’esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte, comme elle est à présent, selon que mon attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle, et dont elle est composée. R.

Descartes, Méditations métaphysiques, extrait de la 2° Méditation, 1641 Dans ce texte Descartes a pour objectif de démontrer que la connaissance découle de la raison.

La thèse exposée de la ligne 40 à la fin du texte affirme que la connaissance des choses, y compris matérielles, relève d’une « inspection de l’esprit ». Pour défendre sa thèse, Descartes va construire son argumentation en plusieurs étapes.

Paradoxalement, il va se livrer à une expérience pour démontrer que seule la raison procure la connaissance et qu’on ne peut se fier à nos sens, à notre expérience. Ce texte peut être découpé en trois parties : 1.

l.

1 à 17 : on ne peut se fier aux sens. 2.

l.

18 à 29 « imaginer » : le rôle de l’imagination. 3.

l.

30 à 45 : c’est la raison (= entendement, esprit) qui procure la connaissance. Dans la première partie du texte Descartes prend l’exemple d’un corps en particulier, un morceau de cire, et examine attentivement ses caractéristiques sensibles : il a une certaine couleur, une certaine odeur, forme, « si vous le frappez, il rendra quelque son ».

Ainsi grâce à nos sens nous pouvons prétendre connaître le morceau de cire, mais « voici cependant que je parle on l’approche du feu… » Toutes les caractéristiques énoncées auparavant disparaissent, il n’a plus la même couleur, la même odeur, la même forme… Pourtant, la même cire demeure « et personne ne le peut nier ». Mais, si toutes les choses qui m’étaient apparues par l’entremise des sens ont disparu et que je sais qu’il s’agit toujours du même morceau de cire, c’est donc bien que je le connaissais autrement que par les sens ! Qu’est-ce donc alors que la connaissance du morceau de cire si ce n’est pas ce que mes sens m’en donnaient à saisir ? Qu’est-ce que j’entends par morceau de cire lorsque je le conçois ? Que reste-t-il du morceau de cire lorsque j’élimine tout ce que mes sens me livraient de lui ? Dans cette partie on voit comment Descartes vise à démontrer que nos sens ne nous servent à rien dans la connaissance.

Il jette le discrédit sur l’expérience sensible.

Celle-ci n’est pas fiable, elle serait même source d’erreur…En partie en raison du fait que les choses changent.

Le changement serait une cause de l’insuffisance de nos sens dans la connaissance.

La vérité serait-elle la connaissance de ce qu’il y a de permanent dans les choses ? Dans la seconde partie du texte Descartes considère donc qu’au-delà du témoignage des sens je sais que la cire est quelque chose de « flexible et muable ».

Ici on voit bien comment le rejet de l’expérience sensible appelle, exige la conceptualisation.

Mais ces deux adjectifs ne sauraient épuiser la réalité de ce qu’est ce morceau de cire.

Faut-il alors avoir recours à l’imagination ? Estce l’imagination qui me permet de concevoir l’infinité de changements que pourrait prendre ce morceau de cire ? Non répond Descartes, car celle-ci est trop limitée pour me permettre de concevoir cette infinité : « je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination ». Par conséquent, « cette conception que j’ai de la cire ne s’accomplit pas par la faculté d’imaginer ».

La connaissance.... »

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