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l'expérience a-t-elle une part dans l'édification des sciences mathématiques ?

Extrait du document

« I.

— Les philosophes empiristes, et en particulier Stuart Mill, prétendent que les notions mathématiques sont « de simples copies » de ce que nous présente l'expérience.

Mais l'expérience toute seule est incapable de nous donner les concepts des nombres et ceux des figures parfaites sur lesquelles travaille le géomètre ; elle ne nous montre que des figures plus ou moins grossières, et de vagues pluralités. Il serait inexact, cependant, de voir dans les notions mathématiques des créations a priori que la raison tirerait de son propre fonds.

Tout au contraire il faut admettre une part de l'expérience dans l'édification des sciences mathématiques. II.

— L'histoire de ces sciences en est une preuve : les premières notions de l'arithmétique, de la géométrie, de l'astronomie et de la mécanique ont été formées pour répondre aux besoins de la pratique ; on a ainsi établi des recettes empiriques destinées aux échanges, à la mesure des terrains et à celle du temps (Chinois, Hindous, Chaldéens, Égyptiens).

— C'est seulement chez les Grecs (Pythagore, Thalès, Euclide) que s'est faite la coordination rationnelle des notions mathématiques, et que la géométrie, l'arithmétique et l'astronomie ont dépassé le stade empirique pour devenir de véritables sciences. Et d'autre part, les sociologues nous rapportent de nombreux exemples de l'incapacité des peuples primitifs d'arriver à une numération abstraite et de détacher le nombre de la chose comptée (Lévy-Bruhl.

— Fonctions mentales dans les sociétés inférieures, p.

204 et suiv.). III.

— Le rôle de l'expérience, grand à l'origine, n'a pas totalement disparu des mathématiques.

Poincaré distingue deux sortes de mathématiciens, les logiciens et les intuitifs : « Les uns aiment mieux traiter leurs problèmes par l'analyse, les autres par la géométrie.

Les premiers sont incapables de voir dans l'espace, les autres se lasseraient promptement de longs calculs et s'y embrouilleraient ». Indépendamment de ces prédispositions personnelles, l'intuition sensible joue bien quelque rôle pour tout le monde dans la recherche de la vérité mathématique ; c'est elle en particulier qui maintient les concepts rationnels en contact avec l'expérience.

Il n'est pas jusqu'aux principes, à plus forte raison les postulats, qui ne soient saisis par leur représentation sensible.

« Pour la géométrie, dit M.

Rabier, il faut reconnaître que certaines vérités fondamentales n'ont et ne peuvent avoir d'autre preuve que l'intuition ».

N'est-ce pas par un fil très fin et tendu qu'on peut voir que la ligne droite est le plus court chemin d'un point à un autre ? Avant la démonstration, l'intuition, qui est une sorte d'expérience idéale, peut nous donner l'idée de la marche à suivre pour arriver à la vérité (constructions auxiliaires en géométrie, inconnues auxiliaires en algèbre, tâtonnements pour la recherche d'un lieu géométrique, etc.).

Parfois même nous devons nous contenter de constater expérimentalement certaines solutions que nous ne pouvons établir par la raison (ex.

: expérience de Galilée pour trouver que l'aire de la cycloïde est triple de celle du cercle générateur). En tout cas, l'intuition « soutient le raisonnement en le traduisant à mesure en images sensibles » qui nous permettent de garder le contact avec la réalité.

Elle concrétise les données abstraites et les rend par là plus accessibles. IV.

— Toutefois, il ne faut pas oublier que, malgré son utilité, l'expérience ne peut nous donner la rigueur ni même la certitude.

Bien plus, si l'on s'en tenait, en mathématique, à ce seul procédé, ces sciences perdraient l'universalité et la nécessité qui en sont les caractères essentiels.. »

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