L'existence de Dieu est-elle au nombre des choses qu'on peut prouver ?
Extrait du document
«
L'existence de Dieu est-elle susceptible d'être prouvée comme la validité d'un théorème mathématique peut être
démontrée ? Dieu est-il l'objet d'une preuve nous assurant de son existence ? La perfection divine n'implique-t-elle
pas de fait son existence ? Pourtant, la foi est subjectivement suffisante et objectivement insuffisante.
A savoir, le
croyant est intimement persuadé de l'existence divine mais paraît être bien en peine de la prouver "objectivement",
rationnellement ? Dans un premier temps, nous montrerons comment une théologie rationnelle a tenté de fournir une
preuve de l'existence de Dieu.
Enfin, réfléchissant sur cet
argument ontologique de Descartes, nous tenterons de montrer l'inanité, l'absurdité d'une telle entreprise.
1) Une preuve de l'existence de Dieu - L'argument ontologique de Descartes.
« Si de cela seul que je puis tirer de ma pensée l'idée de quelque chose, il
s'ensuit que tout ce que je reconnais clairement et distinctement appartenir
à cette chose, lui appartient en effet, ne puis-je pas tirer de ceci un
argument et une preuve démonstrative de l'existence de Dieu ? Il est certain
que je ne trouve pas moins en moi son idée, cad l'idée d'un être
souverainement parfait, que celle de quelque figure ou de quelque nombre
que ce soit.
Et je ne connais pas moins clairement et distinctement qu'une
actuelle et éternelle existence appartient à sa nature, que je connais que
tout ce que je puis démontrer de quelque figure ou de quelque nombre,
appartient véritablement à la nature de cette figure ou de ce nombre.
Et
partant, encore que tout ce que j'ai conclu dans les Méditations précédentes
ne se trouvât point véritable, l'existence de Dieu doit passer en mon esprit
au moins pour aussi certaine, que j'ai estimé jusques ici toutes les vérités
des mathématiques, qui ne regardent que les nombres et les figures : bien
qu'à la vérités cela ne paraisse pas d'abord entièrement manifeste, mais
semble avoir quelque apparence de sophisme.
Car ayant accoutumé dans
toutes les autres choses de faire distinction entre l'existence et l'essence, je
me persuade aisément que l'existence peut être séparée de l'essence de
Dieu, et qu'ainsi on peut concevoir Dieu comme n'étant pas actuellement.
Mais néanmoins, lorsque j'y pense avec plus d'attention, je trouve
manifestement que l'existence ne peut non plus être séparée de l'essence de
Dieu, que de l'essence d'un triangle rectiligne la grandeur de ses trois angles
égaux à deux droits, ou bien de l'idée d'une montagne l'idée d'une vallée ; en sorte qu'il n'y a pas moins de
répugnance de concevoir un Dieu (cad un être souverainement parfait) auquel manque l'existence (cad auquel
manque quelque perfection), que de concevoir une montagne qui n'ait point de vallée.
[...]
De cela seul que je ne puis concevoir Dieu sans existence, il s'ensuit que l'existence est inséparable de lui, et
partant qu'il existe véritablement : non pas que ma pensée puisse faire que cela soit de la sorte, et qu'elle impose
aux choses aucune nécessité ; mais, au contraire, parce que la nécessité de la chose même, à savoir de
l'existence de Dieu, détermine ma pensée à le concevoir de cette façon.
Car il n'est pas en ma liberté de concevoir
un Dieu sans existence (cad un être souverainement parfait sans une souveraine perfection), comme il m'est libre
d'imaginer un cheval sans ailes ou avec des ailes.
» Descartes, « Méditations métaphysiques ».
Descartes avait tout d'abord, dans son « Discours de la méthode », montré que les idées que nous concevons
clairement et distinctement, qui s'imposent donc à nous avec évidence, sont innées (antérieures à notre propre
naissance) et vraies (auxquelles par conséquent nous pouvons accorder notre assentiment le plus total).
Par la
suite, dans les « Méditations métaphysiques », l'auteur avait avancé un argument a posteriori de l'existence de Dieu
: j'ai en moi l'idée (claire et distincte) de parfait ; moi qui suis un être imparfait, cette idée ne peut donc venir de
moi-même ; seul un être parfait peut donc être la cause de la présence en moi de cette idée de parfait.
Donc Dieu
existe.
(« Méditation troisième »).
Dans le présent texte (« Méditation cinquième ») , Descartes double cet argument a posteriori d'un argument
ontologique, purement conceptuel.
Parmi les idées innées présentes en mon esprit, se trouvent les nombres et
figures mathématiques (libres créations divine), mais aussi l'idée de Dieu, dont la définition est celle d' « un être
souverainement parfait et infini ».
A partir de cette définition, Descartes développe sa version de l'argument ontologique : il déduit l'existence de Dieu
à partir de son essence même.
En effet, Dieu est par définition doté de toutes les perfections (un Dieu imparfait ne
serait-il pas un...
homme ?) ; or l'existence est une perfection : l'existence en tant que perfection fait partie de sa
définition.
Dieu nécessairement existe.
La distinction entre essence et existence ne convient pas au sujet de Dieu
puisque que son essence implique son existence comme l'essence d'un triangle implique que la somme de ses côtés
soit égale à deux angles droits.
Autrement dit, Dieu possède toutes les perfections, or l'existence est une perfection, car un être sans existence est
nécessairement imparfait.
Donc nous devons aussi compter l'existence parmi les perfections divine.
Donc il faut que
Dieu existe (« Discours de la méthode », IV et « Méditations métaphysiques », III).
Ou reformulé sous la forme d'un
syllogisme:
* Dieu est un être parfait
* Or, l'existence est une perfection
* Donc, Dieu existe..
»
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