Levinas, « Le visage est ce dont le sens consiste à dire: "Tu ne tueras point"»
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«
Thème 276
Levinas, « Le visage est ce dont le sens consiste à dire: "Tu ne tueras point"»
Indications générales
Emmanuel Levinas (1905-1995) fut l'introducteur de la pensée de Husserl* en France dans les années 30.
Influencé par
la phénoménologie, mais aussi par la Bible et le Talmud, son questionnement porte principalement sur l'éthique et le
rapport à autrui.
Citation
«On peut dire que le visage n'est pas "vu".
Il est ce qui ne peut devenir un contenu que notre pensée embrasserait.
(...
) La relation au visage est d'emblée éthique.
Le visage est ce qu'on ne peut tuer, ou du moins ce dont le sens
consiste à dire: "Tu ne tueras point".
Le meurtre, il est vrai, est un fait banal: on peut tuer autrui; l'exigence éthique
n'est pas une nécessité ontologique.
L'interdiction de tuer ne rend pas le meurtre impossible, même si l'autorité de
l'interdit se maintient dans la malignité du mal accompli.» (Éthique et Infini: dialogues avec Philippe Nemo, 1982.)
Explication
L'éthique est la partie de la philosophie qui traite du comportement juste.
Contrairement à la morale religieuse, qui est
basée sur la peur de Dieu, l'éthique philosophique est traditionnellement la recherche d'une définition du bien et du mal
fondée sur la raison [voir Spinoza].
L'originalité du texte de Levinas tient à ce qu'il ne fonde l'éthique ni dans la raison
ni en Dieu.
C'est le visage même d'autrui, dans son face à face avec moi, qui me fait entendre le commandement
éthique «tu ne tueras point».
Le visage d'autrui n'est pas un simple objet posé en face de moi [voir Sartre].
Autrui est
non seulement un autre sujet, mais cette intersubjectivité qui nous lie immédiatement a aussi un sens.
Le visage
d'autrui me dit sa fragilité, son absolue imprévisibilité, sa vulnérabilité, c'est-à-dire aussi ma responsabilité vis-à-vis de
lui.
Exemple d'utilisation
Le texte de Levinas est un beau texte pour penser le rapport à autrui et l'expérience de la présence.
Je ne me représente pas autrui comme un objet: autrui est présent et me fait éprouver ce paradoxe d'une transcendance dans
l'immanence.
Le texte de Levinas permet simultanément de dépasser la conception religieuse de l'éthique et la
conception rationaliste (il pourrait donc s'inscrire dans une 3e partie de dissertation).
SUJET TYPE: Qu'est-ce qui justifie le respect d'autrui?
Contresens à ne pas commettre
Que le visage d'autrui ait pour signification: «Tu ne tueras point» ne signifie pas que je ne peux pas le tuer: au
contraire, «le visage d'autrui est dénué» : il est nu et sans défense.
Et pourtant, il me commande d'une certaine
manière, parce que je ne peux pas le réduire à être une simple chose.
C'est ce qui rend possible la pitié, et mon
sentiment de responsabilité vis-à-vis d'autrui, c'est-à-dire la nécessité de répondre de mes actes devant lui.
« Il y a là
une relation non pas avec une résistance très grande, mais avec quelque chose d'absolument Autre: la résistance de
ce qui n'a pas de résistance – la résistance éthique» (Totalité et infini, 1962)..
»
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