Lévinas
Extrait du document
«
"La proximité d'autrui est présentée [...] comme le fait qu'autrui n'est pas simplement proche comme un parent, mais s'approche
essentiellement de moi en tant que je me sens – en tant que je suis – responsable de lui.
C'est une structure qui ne ressemble nullement
à la relation intentionnelle qui nous rattache, dans la connaissance, à l'objet – de quelque objet qu'il s'agisse, fût-ce un objet humain.
La
proximité [...] en particulier, ne revient pas au fait qu'autrui me soit connu [...].
Le lien avec autrui ne se noue que comme responsabilité,
que celle-ci, d'ailleurs, soit acceptée ou refusée, que l'on sache ou non comment l'assumer, que l'on puisse ou non faire quelque chose de
concret avec autrui." LEVINAS
Texte découpé
1.
La proximité d'autrui est présentée [...] comme le fait qu'autrui n'est pas simplement proche comme un parent, mais s'approche
essentiellement de moi en tant que je me sens — en tant que je 2.
C'est une structure qui ne ressemble nullement à la relation
intentionnelle qui nous rattache, dans la connaissance, à l'objet — de quelque objet qu'il s'agisse, fût-ce un objet humain.
La proximité
[...] en particulier, ne revient pas au fait qu'autrui me soit connu [...].
3.
Le lien avec autrui ne se noue que comme responsabilité, que celle-ci, d'ailleurs, soit acceptée ou refusée, que l'on sache comment ou
non comment l'assumer, que l'on puisse faire ou non faire quelque chose de concret avec autrui.
Dans ce texte, Lévinas montre en quel sens la proximité d'autrui est à comprendre comme responsabilité.
C'est donc une réflexion sur ce
qu'implique la proximité d'autrui qui conduit à l'idée de responsabilité.
Le texte comprend à la fois une thèse et une comparaison : la
thèse que la responsabilité structure mon être et la relation à autrui ; la comparaison est faite avec le processus de la connaissance,
c'est-à-dire la relation de la connaissance à son objet propre, qui est un autre type de relation que la relation à autrui.
Les termes clés en
sont les suivants :
Premier moment
a.
« proximité d'autrui « : en partant de ce « fait Lévinas va en développer la signification.
Le terme signifie étymologiquement « proche
(proximité du latin proximitas, de proximus), ce que la suite du texte confirme immédiatement (« n'est pas simplement proche »).
En
posant que la relation à autrui et à son altérité se fait à partir d'une « proximité Lévinas veut montrer qu'autrui (thème général du texte)
est bien le « proche même si, nous le verrons, cette proximité possède un sens particulier.
La proximité d'autrui renvoie ainsi à sa
présence immédiate dans l'horizon de mon existence.
b.
« proche — parent » : première déclinaison possible de l'idée de « proximité le rapprochement du « proche et du « parent " est
l'occasion d'écarter celui-ci comme sens possible de la relation à autrui.
La proximité d'autrui a un sens plus général, qui ne concerne pas
seulement ceux qui nous sont « proches « : ce sont tous les autres sujets qui me concernent dans mon être.
Il s'agit donc de penser une
autre proximité, plus essentielle, en ce sens qu'elle ne se limite pas aux liens naturels ou sociaux qui peuvent m'unir à mes proches.
c.
« s'approcher » : pourquoi retenir ce verbe ? Parce qu'il désigne un mouvement qui permet de nuancer d'une manière nouvelle l'idée
de proximité.
La proximité d'autrui est un mouvement d'approche vers notre être (approcher signifie « mettre à proximité «).
Ce n'est pas
une relation passive, un simple constat de la présence d'autrui, mais une forme dynamique désignée par le verbe : s'approcher, c'est
effectuer ce mouvement vers mon être.
Mais si autrui s'approche ainsi de moi, c'est donc également qu'il n'est pas moi : son mouvement
implique une distance qui est partiellement comblée par son approche.
d.
« essentiellement » : nous distinguons cet adverbe parce qu'il apporte une précision importante.
Autrui « s'approche essentiellement de
moi « c'est-à-dire que dans son essence, le rapport à autrui consiste dans un tel mouvement.
Lévinas veut ici penser une relation
fondamentale, l'essence du rapport à autrui.
e.
je me sens / je suis" : la précision est d'importance et confirme ce que nous venons de dire à propos de « essentiellement Mais elle
précise encore que cette proximité essentielle avec autrui me concerne dans mon être même, et non seulement dans ce que je peux «
sentir » (glissement du «je me sens » au «je suis c'est-à-dire du plan du senti, du sentiment, du sensible à celui de l'être).
f.
« responsable de lui : voilà l'idée maîtresse du premier moment.
Je suis responsable de lui nous fait comprendre pourquoi autrui
s'approche de moi.
Ce n'est pas parce qu'autrui est proche que j'en suis responsable, mais bien parce que j'en suis responsable qu'il
s'approche.
La responsabilité est cette essence du rapport à autrui, elle désigne la modalité fondamentale de ce rapport (» responsable
signifie répondre de, répondre à, du latin respondere).
Cela signifie encore que j'ai à » répondre » à autrui et d'autrui et donc qu'il engage
mon être dans une relation que je ne peux éviter.
Nous voyons maintenant en quoi ce rapport n'est pas ordinaire : à travers l'idée de
responsabilité, c'est une relation éthique primordiale qui est pensée.
Deuxième moment
a.
« structure : le terme signifie généralement organisation, modèle ou système.
Disons que l'auteur veut ici penser la forme primordiale
de la relation à autrui à partir de son essence (la responsabilité).
Structure fait écho au je suis analysé plus haut (la responsabilité
structure mon être) et amorce ce qui va suivre.
Car Lévinas passe alors à une comparaison de la relation éthique et de la connaissance :
b.
« relation intentionnelle : référence à l'idée de Husserl que toute conscience est conscience de quelque chose ce qui signifie que la
conscience est toujours la visée d'un objet dans le monde.
Cette relation nous introduit à l'idée de connaissance et à son rapport à l'objet.
c.
« connaissance / objet » : ce couple de notion explicite la « relation intentionnelle La connaissance suppose une distinction radicale du
sujet connaissant et de l'objet à connaître.
Être devant autrui, c'est être devant un sujet qui ne s'offre pas de la même manière qu'un
objet à ma conscience et à ma personne.
Si je suis toujours extérieur à un objet, la personne d'autrui engage ma responsabilité à son
égard et manifeste ainsi que mon être doit l'accueillir de manière essentielle.
Troisième moment
« responsabilité...
acceptée / refusée / assumer : les trois verbes désignent des modalités possibles du rapport à autrui.
Mais l'auteur
veut surtout montrer qu'il s'agit là de modalités qui n'affectent pas la structure » première de ce rapport : que nous refusions, acceptions
ou assumions celui-ci, notre responsabilité est totale et ne peut être annulée.
C'est pourquoi Lévinas pense que la relation éthique est une
structure ontologique (c'est-à-dire qui concerne l'être) première..
»
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