L'eugénisme est-il moralement acceptable ?
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Introduction :
L'eugénisme est une partie de la génétique qui vise à l'amélioration de l'espèce humaine.
C'est aussi une idéologie fondée sur l'idée de
la possibilité d'atteindre à l'homme parfait par la sélection génétique des êtres humains.
L'eugénisme, c'est la technique des OGM
appliquée aux hommes et non plus aux plantes, pour les rendre plus performants, plus puissants dans toutes leurs capacités, et ainsi
faire disparaître les plus faibles.
L'eugénisme se heurte à des obstacles d'ordre moral, social et religieux.
L'eugénisme est-il moralement
acceptable ? La question semble oratoire, tant il est vrai que le terme même a une connotation négative dès lors qu'on l'inscrit dans une
considération éthique, et qu'on se demande ainsi si le bon sens et la raison humaine peuvent légitimer une telle idéologie.
Il s'agit ici de
comprendre quelle peut être une réflexion morale sur l'eugénisme.
Si d'un certain point de vue, dans son intention naïve, l'eugénisme
pourrait s'accorder avec la morale, il s'ensuit que les valeurs sur lesquelles l'eugénisme repose sont moralement inacceptables, et pour
finir, que l'eugénisme est contraire à la morale.
1ère partie : On peut accepter moralement l'intention naïve d'amélioration que l'eugénisme avance.
- L'eugénisme, pris au sens large, vise à une amélioration de l'espèce humaine.
En ce sens, l'intention semble louable.
Certaines
pratiques eugénistes se proposent par exemple comme techniques d'hygiénisation de certaines populations, en empêchant la
reproduction des personnes malades pour ne pas que les maladies prolifères.
De même, on peut considérer l'usage de la vaccination, ou
l'opération de la myopie comme des démarches eugénistes, dans le sens où il s'agit d'intervenir sur l'organisme humain pour le rendre
plus performant.
Cette démarche ne semble pas moralement condamnable, dans la mesure où elle vise le bien de chaque individu.
2ème partie : On ne peut accepter moralement l'utilitarisme de l'eugénisme qui fait de l'homme un objet.
-Chercher à transformer l'homme génétiquement relève d'un irrespect profond pour l'espèce humaine, en considérant qu'on peut « jouer »
avec, la transformer comme on le fait avec les plantes de culture OGM.
C'est surtout dénigrer l'homme tel qu'il est en cherchant à le
changer, c'est ne pas avoir confiance en sa bonne nature, et s'octroyer un pouvoir divin, celui d'engendrer une créature fabriquée.
L'eugénisme s'inscrit donc dans un paradoxe qui fait qu'il résulte à la fois d'une prétention de l'homme à atteindre à la perfection par les
moyens de la science, et d'un mépris de l'homme pour ses semblables, qu'il n'accepte pas tels qu'ils sont.
La morale condamne les deux
parties de ce paradoxe, qui témoigne de la nature de l'homme dans ce qu'elle a de plus bas, comme l'aurait dit Pascal : l'orgueil et la
misère.
- Ce qui apparaît comme le plus inacceptable moralement dans l'eugénisme, c'est que cette idéologie considère qu'il y a des hommes
inférieurs à d'autres, et que l'amélioration de l'espèce humaine passe par l'éradication des plus faibles.
Les nazis sous le IIIème Reich
étaient eugénistes en ce sens car ils souhaitaient exterminer certains individus qualifiés d'inférieurs pour laisser place à une « race
aryenne », qui serait l'excellence humaine.
Il s'agissait pour cela de contrôler la reproduction des individus pour n'engendrer que ces êtres
parfaits, et que disparaissent les autres.
Cette idée repose sur la conviction d'une inégalité d'essence entre les hommes.
Elle rejette la
notion d'humanité, et relègue, sur des critères arbitraires (critères physiques, religieux, politiques, préférences sexuelles, etc), certains
individus au statut de sous-hommes, voire d'animaux.
L'eugénisme est moralement scandaleux car il nie l'égalité ontologique des
hommes, il nie l'humanité universelle à tous les hommes.
- Il résulte de cette pensée que l'homme est alors considéré comme un objet, et qu'on peut alors l'utiliser à des fins expérimentales pour
tenter de l'améliorer.
L'homme est instrumentalisé dans les pratiques eugénistes, où on le considère comme un moyen de reproduction et
l'on se permet de décider d'empêcher qu'il procréé pour mettre fin à la génération d'une certaine catégorie de personnes, ou à l'inverse,
de rechercher la reproduction des meilleurs spécimens, triés et filtrés, qui seraient susceptibles de faire naître un homme meilleur.
En
morale, homme est une fin en soi, et non un moyen.
3ème partie : La morale définit l'excellence humaine dans son action et non en essence.
- L'eugénisme nous confronte à la difficulté à définir l'excellence humaine en terme de propriétés essentielles.
Que serait l'homme parfait
auquel abouterait la pratique de l'eugénisme ? Pour certain il serait un scientifique hors pair à l'intelligence rationnelle exacerbée, pour
d'autres un artiste génial doté d'une sensibilité extraordinaire… L'exemple peut s'appliquer au physique : y a-t-il un critère du beau chez
l'humain ? L'expérience nous montre que tout dépend de la culture et des normes qu'elle a engendrées.
Par conséquent, les valeurs
humaines sont relatives, et il semble impossible de produire un étalon, un modèle-type de l'homme parfait qui puisse satisfaire à une
morale absolue.
- En réalité, la morale définie l'excellence humaine dans sa conduite.
Ainsi, Aristote définit l'homme vertueux dans ses traités d'éthique
(Ethique à Nicomaque, et Ethique à Eudème) comme celui qui se conduit de manière sage et réfléchie, qui
délibère sur ses choix avant de passer à l'action et qui en toute chose sait se montrer convenant.
Il
ajuste son comportement à la situation, et fait preuve de tempérance en ne sombrant pas dans les
excès qui conduisent au vice.
Pour le philosophe grec, la vertu est une disposition acquise, c'est-à-dire
une capacité qui est en tout homme, mais qu'il s'agit pour chacun d'exercer pour qu'elle se réalise, par
l'expérience et l'habitude.
Tous les hommes peuvent donc réaliser pleinement leur nature humaine et
atteindre à l'excellence humaine dans la vertu, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à des
opérations de transformation génétique.
Pour la morale aristotélicienne, ce n'est pas l'essence de
l'homme (c'est-à-dire les qualités profondes qui le font tel qu'il est) qu'il faut changer pour améliorer
son être, c'est sa conduite.
L'homme se réalise et s'améliore dans l'action et donc tout au long de sa
vie, et ce n'est pas au départ, à son origine qu'il faut revenir pour l'améliorer.
L'eugénisme est
moralement inacceptable car il considère à l'inverse que l'homme est déterminé et déterminable, alors
qu'il est toujours libre, par sa volonté déterminée à agir, et n'a pas à se soumettre à un quelconque
déterminisme génétique.
Conclusion :
L'eugénisme, en tant qu'il vise une amélioration de l'espèce humaine, semble a première vue
s'accorder avec la morale qui vise le bien.
Cependant, les moyens que l'eugénisme se donne
apparaissent vite comme proprement scandaleux, car ils révèlent le mépris dont il fait preuve pour la
nature humaine.
L'eugénisme soulève la question « que doit être l'homme ? » mais ne parvient pas à
la résoudre moralement.
Faisant fi au contraire des fondements de la morale universelle humaine qui ne peut nier l'humanité de
l'homme, l'eugénisme établit des discriminations naturelles qui hiérarchisent les êtres humains et les divisent en individus inférieurs (qui
doivent disparaître) et supérieurs (que l'on doit développer).
L'eugénisme est moralement inacceptable car il suppose que la perfectibilité
de l'homme relève d'une modification génétique, donc d'un déterminisme, alors que l'homme, par son pouvoir de libre arbitre, s'améliore
en se livrant à une conduite morale et vertueuse..
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