L'étonnement, origine de la philosophie ?
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«
VOCABULAIRE:
ORIGINE (n.
f.) 1.
— Commencement réel d'un phénomène, d'une activité, d'une institution ; par ext., point d'où l'on convient de faire
partir une mesure, un repère.
2.
— Source ; ensemble des réalités et des processus à partir desquels un phénomène a pris naissance :
l'origine des espèces.
3.
— Principe, raison d'être de quelque chose.
4.
— Développement rationnel des étapes idéales par lesquelles une
réalité quelconque se constitue et qui permet d'en expliquer les propriétés actuelles ; en ce sens, l'origine suppose bien un
commencement, mais il n'est pas placé dans un temps historique, dans une chronologie réelle ; c'est en ce sens que l'on parlait, au
XVIIIe siècle, de l'origine du langage, de l'inégalité, etc.
; SYN.
genèse ; l'idée moderne selon laquelle, dans le langage par ex., la
totalité est donnée avant les éléments qui se définissent par leurs relations matérielles, semble exclure cette approche.
5.
— Original : a)
Ce dont autre chose est la copie ou la représentation ; SYN.
modèle.
b) Qui ne ressemble à rien d'autre ; (péjoratif) fantasque.
6.
—
Originaire : a) Qui tire son origine de...
b) Qui est l'origine de...
7.
— Originel : qui vient de l'origine (péché originel).
PHILOSOPHIE
La philosophie, selon Pythagore, auquel remonte le mot, ce n'est pas la sophia elle-même, science et sagesse à la fois, c'est seulement
le désir, la recherche, l'amour (philo) de cette sophia.
Seul le fanatique ou l'ignorance se veut propriétaire d'une certitude.
Le philosophe
est seulement le pèlerin de la vérité.
Aujourd'hui, où la science constitue tout notre savoir et la technique, tout notre pouvoir, la
philosophie apparaît comme une discipline réflexive.
A partir du savoir scientifique, la visée philosophique se révèle comme réflexion
critique sur les fondements de ce savoir.
A partir du pouvoir technique, la sagesse, au sens moderne se présente comme une réflexion
critique sur les conditions de ce pouvoir.
Pour une fois, les philosophes sont unanimes: à l'origine de la philosophie se situe une émotion ou passion que l'on nomme
étonnement, émerveillement, admiration, ou encore curiosité.
La philosophie est une activité rationnelle, mais elle doit son initiation et sa
mise en mouvement à un sentiment permanent et au désir constant de le dépasser.
Trois sortes d'étonnements s'interpénètrent et se
complètent.
▪ L'ÉTONNEMENT DEVANT L'INCONNU
L'inconnu nous étonne.
Étant donné que nous commençons notre existence par un état d'ignorance totale, on peut dire que tout nous
étonne ou nous a étonnés.
C'est pourquoi nous voulons tout savoir, car l'ignorance est un état inconfortable et même insoutenable.
▪ L'ÉTONNEMENT DEVANT LA SOUFFRANCE
La souffrance étant notre condition commune, nous nous étonnons d'elle.
L'homme s'interroge sur le sens de la souffrance et se
demande si elle passera.
C'est ainsi que le prince de Sâkyamuni (futur Bouddha), quittant sa vie dorée, s'est étonné devant la misère, la
maladie et la mort.
▪ L'ÉTONNEMENT DEVANT LA BEAUTÉ
La beauté nous surprend, car elle nous dépasse; y compris lorsque nous en sommes les auteurs par une belle action, des paroles
admirables, ou une oeuvre d'art.
L'étonnement devant la beauté communique un sentiment de nostalgie, comme si nous pressentions
qu'elle est notre véritable patrie.
Ici l'étonnement s'achève en désir de sérénité.
L'homme est un roi déchu qui se souvient de son royaume « écrit Blaise Pascal; l'étonnement devant la beauté se prolonge en espérance,
autre principe fondamental.
La beauté promet une éternité de bonheur; il n'y a plus nostalgie, désir de retour en arrière, vers un âge d'or,
un paradis perdu, mais attente et vouloir d'un monde meilleur.
Nous sommes invités à engendrer et à créer devant la beauté et dans la
vérité; tel est l'enseignement de Diotime dans le Banquet de Platon.
L'espérance est vaine lorsqu'elle vise l'impossible, elle s'épuise et s'éteint dans le souhait et la rêverie.
Elle est folle lorsqu'elle est fondée sur la haine et veut se réaliser dans la terreur.
Elle est sage lorsqu'elle veut le bien de chacun, et
patiente lorsqu'elle s'y applique.
L'étonnement et le philosophe
L'étonnement est la passion propre au philosophe, écrit Platon dans le Théétète, et par philosophe il faut entendre tout homme qui
cherche la vérité et la sagesse, animé par le désir naturel de connaissance.
Aristote le redit dans sa Métaphysique, et avec lui toute la
tradition philosophique, notant au passage que nous sommes naturellement curieux des mythes et des fables, de ce que nous nommons
littérature, parce qu'il y a là des trésors de merveilles.
L'étonnement trouve son bonheur dans la résolution des énigmes; sa finalité, disent les dogmatiques, est sa propre disparition.
Les
énigmatistes au contraire soutiennent que l'étonnement est un tourment et un tourbillon sans repos.
Parce que l'étonnement tourne la tête, nous cherchons le repos dans l'habitude qui nous fait penser que tout est ordinaire et normal,
comme s'il n'était pas d'abord renversant et bouleversant d'exister : « Il est des gens (écrit Jean Paulhan) qui parviennent très vite à
vivre, avec tout ce que cela suppose : je leur trouve une certaine vulgarité, dont il ne faut pas moins qu'une longue maladie ou quelques
malheurs pour les débarrasser.
»
Le témoignage d'autrui peut aussi réactiver notre étonnement et nous jeter dans la «déshabitude»; « Nous avons besoin de livres (écrit
Kafka) qui agissent sur nous comme un malheur dont nous souffririons beaucoup, comme la mort de quelqu'un que nous aimerions plus
que nous-mêmes, comme si nous étions proscrits, condamnés à vivre dans des forêts loin des hommes, comme un suicide – un livre doit
être la hache qui brise en nous la mer gelée.
La question de la méthode
On connaît bien l'habitude des enfants qui demandent le pourquoi de tout sans même prendre le temps d'écouter les premières
réponses, tant est insatiable leur désir de savoir.
Il est donc nécessaire d'introduire un ordre dans les questions, car l'excès d'étonnement
empêche et encombre le savoir.
On commence par prendre connaissance des choses qui nous entourent (la chambre, les jouets, la
maison, etc.) puis très vite l'on s'élève aux questions ultimes, tout en passant par des interrogations qui demanderont de nombreuses
années d'apprentissage avant de pouvoir être satisfaites.
Tous les philosophes se sont proposés de rechercher la vérité avec ordre et méthode.
En résulte un problème initial: par quoi commencer?
quels sont les points de départ?.
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