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l'État restreint-il la liberté individuelle ?

Publié le 11/04/2025

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« 1 L’Etat restreint-il la liberté individuelle ? Entrée en matière : L’Etat est l'objet de perceptions diverses qui faussent souvent la définition qui peut en être donnée : tantôt il est considéré comme l’instrument nécessaire et souhaitable de l’organisation de la société, l’ensemble des institutions qui l’aide à tenir debout (stare en latin, qui a donné le mot status), tantôt il est considéré comme une puissance hostile « extérieure » à la société qui s'imposerait pour en brider les libertés individuelles : liberté de penser, de se déplacer, de s'exprimer, de décider de ce qui importe à la conduite de l'existence en étant son propre maître.

Faut-il penser, comme Lénine, que « tandis que l’État existe, pas de liberté ; quand régnera la liberté, il n’y aura plus d’État » ? Problématisation : Le problème qui lie l’Etat à la liberté à individuelle invite à penser les limites de l’un et de l’autre dans le contexte de la vie sociale.

Or, l'idée que l'Etat puisse restreindre la liberté individuelle présuppose que celle-ci existe, ou pourrait exister, avant l'intervention de l'Etat.

Quelle est cette liberté individuelle que l’Etat viendrait limiter ? Une communauté d’hommes peut-elle véritablement faire l’économie d’une limitation de ces libertés pour se maintenir ? Faut-il en tirer une conception uniquement oppressive et négative de l’Etat ? Cette limitation n’est-elle pas la condition même de la seule liberté possible en société ? A quelles conditions l’Etat est-il en fait la condition de la liberté ? Problématique : L'État restreint-il la liberté individuelle ou bien n’est-il pas au contraire la condition de possibilité de la liberté des individus en société ? Plan : Il faudra, dans un premier temps, se demander quelle peut être cette liberté individuelle qui préexiste à l'intervention de l'Etat, et réfléchir sur ses éventuelles limites.

Dans un deuxième temps, nous montrerons en quel sens l’Etat légitime a pour finalité la protection d’une liberté individuelle redéfinie dans sa dimension collective et sociale.

L’Etat n’existerait alors pas CONTRE les libertés individuelles mais par elles et pour elles.

Dans un troisième temps, on se demandera si la réalité effective des Etats correspond toujours à la fonction idéale qu'ils sont censés remplir.

Dans cette perspective, on se demandera ce que devient la liberté individuelle lorsque l'Etat usurpe ses fonctions et ne joue pas le rôle qu'il devrait jouer. I/ Quelle peut être cette liberté individuelle « préexistant » à l'État ? 1/ La liberté naturelle La première définition de la liberté individuelle semble renvoyer à celle d'un individu ne rendant de comptes qu'à lui-même, et disposant d'une sphère d'action limitée par les seules bornes de ses propres forces : cette liberté se définit donc comme une « puissance ou capacité d’agir ».

Dans l'hypothétique état de nature ou dans la configuration imaginaire de ce que peut faire un individu, le droit de faire se confond avec le pouvoir effectif de faire : chaque individu dispose d'une liberté strictement proportionnelle à sa force.

Besoins et désirs individuels trouvent à se satisfaire dans les limites ainsi définies.

Avant l’apparition de l’Etat, la liberté individuelle n’est rien d’autre que ce que Rousseau appelle la « liberté naturelle », c'est-à-dire une liberté sans autres limites que les lois de la nature et la force de chacun. Toutefois, est-ce bien une référence pour la vie sociale ? 2/ Une telle liberté entraîne une « guerre de chacun contre chacun » On saisit tout de suite les « avantages » et les « inconvénients » d'une telle condition, à supposer qu'elle ait existé.

La « loi de la jungle » permet au plus fort de s'affirmer, du moins tant qu'il peut faire valoir sa force ; en revanche, elle met le plus faible à la merci des autres.

Les seules « libertés individuelles » pouvant s'accomplir dans un tel contexte sont celles de quelques rares individus : les plus forts.

Elles sont d'ailleurs elles-mêmes précaires dans la mesure où, comme le disait Rousseau, « le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître ».

Hobbes, en réfléchissant la figure d'une liberté individuelle naturelle, pensait qu'à l'état de nature, la tendance dominante est celle de l'affrontement permanent des forces individuelles, état intenable de guerre de « tous contre tous » où le plus fort luimême n'est jamais certain de maintenir indéfiniment sa domination.

Dans une telle situation, c’est la violence et l’insécurité qui dominent.

Comme le dit Hobbes, « la vie de l’homme est alors solitaire, besogneuse, pénible, quasi-animale, et brève ».

On comprend donc qu’un tel état ne puisse se perpétuer tel quel et que ses « limites » obligent à concevoir une autre situation et du même coup à redéfinir, sans doute, la liberté individuelle. Tr.

: Loin d’être une situation idyllique, l’état de nature dans lequel les libertés individuelles s’expriment comme autant de puissances incontrôlées semble plutôt être invivable. 2 3/ Aucune vie sociale n’est possible sans limitation de la liberté naturelle La vie sociale n’est possible qu’à condition de renoncer à cette liberté naturelle et destructrice dans la mesure où elle ne peut se réguler elle-même et semble condamner l’espèce humaine à sa destruction ou, au mieux, à une vie « quasi-animale ».

Selon Hobbes, « aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun.

» Seul un pouvoir suffisamment puissant peut mettre fin à l’état de nature et aux conflits que les libertés individuelles non régulées ne cessent de provoquer.

Ainsi, la paix civile semble conditionnée par une limitation de la liberté individuelle de chacun.

Exiger l’ordre et l’organisation d’une communauté, c’est affirmer de fait la nécessité d’un pouvoir qui pose des interdits et des sanctions : l’Etat. Ainsi, l’Etat apparaît comme cette puissance qui rend possible la vie sociale en régulant par les limites, des libertés individuelles qui, sinon s’entredétruiraient.

Il ne suffit donc pas de dire que l’Etat restreint la liberté individuelle et d’en tirer une conception oppressive de l’Etat.

Il faut ajouter qu’une telle liberté, si elle n’était pas restreinte, se nierait elle-même puisqu’elle entraîne violence et chaos. Tr.

: loin d’être privative de liberté, l’apparition de l’Etat semble au contraire être la condition de coexistence des libertés individuelles entre elles.

Toutefois, pour que cette fin soit atteinte, certaines conditions doivent être remplies. II/ L’Etat instaure une liberté politique plus avantageuse 1/ La création d’un état de droit n’est pas destructrice de la liberté Reconnaître que seul un pouvoir commun puisse mettre fin à « la guerre de chacun contre chacun » de l’état de nature, c'est-à-dire reconnaître la nécessité de l’Etat pour empêcher les libertés de s’entredétruire ne signifie pas pour autant que toute forme d’Etat soit préférable à l’absence d’Etat.

En effet, le but n’est pas de substituer l’oppression au chaos.

Pour que l’Etat ne soit pas perçu comme une instance négatrice de la liberté individuelle, il faut qu’il soit au service de tous et de chacun.

Selon Spinoza, « dans un État et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout le peuple », càd l’intérêt général, l’obéissance à la loi conduit à la liberté.

En effet, obéir à une loi qui sert mon intérêt, c’est en fait obéir à moi-même, ce qui définit la liberté. Renonçant à l’usage de sa liberté naturelle, les associés acceptent de se plier désormais aux décisions communes en obéissant à des lois qui servent l’intérêt général.

Désormais, la liberté individuelle ne peut plus être pensée indépendamment de sa dimension collective.

En quittant l’état de nature pour l’état de droit par un contrat social, les hommes adoptent un nouveau statut, celui de citoyen, et redéfinissent en même temps leur liberté puisqu’elle est désormais définie par la loi et non plus selon la puissance ou la force.

Dans cette perspective, on peut alors appeler « Etat » l’ensemble des institutions nécessaires pour organiser la vie de la société et réglementer cette nouvelle liberté : l’administration, la justice, la police, l’armée, l’éducation.

L’apparition de l’État n'est alors nullement un facteur de restriction des libertés individuelles, puisqu’il est au contraire le moyen par lequel est instauré un nouvel ordre – l’état de droit – et une nouvelle liberté – la liberté civile ou politique –. Tr.

: Loin d’être ce qui restreint la liberté, l’Etat est au contraire ce pouvoir qui l’instaure en la reconnaissant sous la forme des droits du citoyen.

Instituée par le peuple et pour le peuple, cette liberté politique vient se substituer à la liberté naturelle de l’état de nature.

L’instauration de ce nouvel ordre modifie en même temps la définition de la liberté : elle ne doit plus être comprise comme indépendance, mais comme autonomie et intègre dans son essence l’idée de limitation. 2/ De l’indépendance à l’autonomie : la création de l’Etat change la définition de la liberté Par le contrat social, l’homme change de nature et devient un citoyen ; dans le même mouvement,.... »

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