L'Etat est-il l'ennemi de la liberté ?
Extrait du document
«
Remarque
Le problème majeur posé par cette formulation tient dans le caractère très général de l'emploi des termes Etat et
liberté.
Pas plus qu'il n'est possible de définir l'Etat de façon unique, il n'est envisageable de réduire la liberté à une
seule conception.
Introduction
Les discours idéologiques sur l'Etat sont souvent aujourd'hui critiques, alors que les institutions étatiques se
multiplient et interviennent dans des domaines de plus en plus nombreux.
« Le plus froid des monstres froids » pour
certains (selon la formule de Nietzsche), mal nécessaire pour d'autres, l'Etat est tenu en suspicion.
Est-il l'ennemi de
la liberté ?
[Nietzsche, au sujet de l'État, parle d'un «monstre froid».
Il est vrai que l'État pèse sur ma liberté.
A ses
yeux, je ne suis pas une personne, mais un individu obéissant parmi d'autres.
L'Etat comme ennemi de la
liberté individuelle.]
Friedrich Nietzsche: « L'Etat est le plus froid de tous les monstres
froids, il ment froidement et voici le mensonge qui sort de sa bouche :
moi l'Etat, je suis le peuple.
»
Le fait que l'Etat veuille se présenter comme la manifestation de la
souveraineté populaire n'est pas suffisant pour en assurer la légitimité : il y a
toujours un écart entre le discours et les faits, entre les projets et leurs
réalisations.
Nietzsche se livre ici à une critique de l'Etat sous forme
métaphorique en insistant sur sa monstruosité et sa froideur et, à cet égard,
il pressent les dérives totalitaires que le XXème siècle à pu connaître aussi
bien dans le système soviétique que dans le fascisme ou le nazisme par
exemple.
Dans les deux cas, c'est au nom du peuple que l'on assiste à la
corruption de la politique qui se compromet avec le mal.
"Ein Reich, ein Volk,
ein Führer" disaient les Nazis : un Etat, un peuple, un chef, comme si ces
trois entités étaient effectivement confondues.
Les communistes visaient à
établir la "dictature du prolétariat" en U.R.S.S., et le résultat de ces deux
idéologies se réclamant de la volonté populaire a donné lieu aux plus grandes
tragédies de notre histoire.
L'Etat peut donc à tout moment être
instrumentalisé pour être mis au service du totalitarisme, et la perversion est
d'autant plus efficace qu'elle passe pour l'expression de la volonté populaire.
Il ne faut donc pas perdre de vue le fait que l'Etat n'est pas le peuple et
rester vigilant face à la tentation de confondre un parti, une idéologie ou un
système, avec le bien commun dont il serait comme l'expression nécessaire.
A ce titre, l'éducation des citoyens est
fondamentale pour qu'ils soient capables de ne pas tomber dans les pièges du populisme ou de la démagogie.
Dans
la même optique, il est capital que les institutions équilibrent les pouvoirs en les divisant (législatif, exécutif,
judiciaire) et qu'il règne dans l'espace publique une vraie liberté d'expression.
Quoique Nietzsche ne soit pas un
démocrate, il dénonce ici un travers inhérent à la politique et à l'Etat en particulier, travers que la démocratie doit
admettre comme une menace qui n'est jamais vraiment écartée de son horizon.
Pour autant, il serait dangereux de
contester systématiquement la valeur de l'Etat et faire l'apologie de l'anarchie, par exemple, parce que la société
ne peut subsister sans institutions.
L'individu contre l'Etat
Dans L'Unique et sa propriété, Stirner établit une théorie radicale de l'individualisme anarchiste.
La seule et
unique valeur, c'est le Moi, tout le reste n'est rien.
Reprenant l'étymologie allemande du mot société
(Gesellschaft), Stirner en dégage la racine saal : la salle.
Être en société, c'est se trouver enfermé dans une
salle commune en compagnie de plusieurs personnes non choisies.
La société contraint à des relations mais ne
les établit pas.
Qu'il existe ou non des relations confraternelles ne la touche guère.
La société n'est pas
l'oeuvre d'individus singuliers, mais d'un tiers anonyme et impersonnel.
Au sens propre, la société n'est
personne.
Non fondée sur des relations, elle ne définit qu'un espace de cohabitation que les relations
interindividuelles indiffèrent, ou parfois même perturbent.
La société ne tolère que dans certaines limites que
les individus établissent des relations de Je à Tu, oubliant par là qu'il y a les "autres".
Elle se donne comme
valeur sacrée, et tout excès individuel, dans le système anonyme et neutre, est une offense rudement punie.
Elle est un système de travail en commun qui vise l'enrichissement collectif, et les relations individuelles, loin
d'en constituer le ciment, en sont le germe de dissolution.
La société n'est pas une association libre d'individus.
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