L'Etat est-il la conscience de la société ?
Extrait du document
«
Texte d'Antoine Augustin COURNOT :
Ce qui fait la distinction essentielle de l'histoire et de la science, ce n'est pas que l'une embrasse la
succession des événements dans le temps, tandis que l'autre s'occuperait de la systématisation des phénomènes,
sans tenir compte du temps dans lequel ils s'accomplissent.
La description d'un phénomène dont toutes les phases se succèdent et s'enchaînent nécessairement selon des lois
que font connaître le raisonnement ou l'expérience, est du domaine de la science et non de l'histoire.
La
science décrit la succession des éclipses, la propagation d'une onde sonore, le cours d'une maladie qui passe
par des phases régulières, et le nom d'histoire ne peut s'appliquer qu'abusivement à de semblables descriptions
;
tandis que l'histoire intervient nécessairement [...] là où nous voyons, non seulement que la théorie, dans son
état d'imperfection actuelle, ne suffit pas pour expliquer les phénomènes, mais que même la théorie la plus
parfaite exigerait encore le concours d'une donnée historique.
Explication.
Contre la conception qui oppose la science à l'histoire en raison du caractère atemporel de la première,
Cournot défend ici une autre opposition, cette fois basée sur la différence entre explication de la nécessité
et inventaire de données.
Il aboutit ainsi à une redéfinition de la science.
1) Science et histoire ne s'opposent pas par leur prise en compte ou non de la temporalité.
de "Ce qui fait la distinction..." jusqu'à "...dans lequel ils s'accomplissent."
Cournot commence par affirmer qu'il y a bel et bien une distinction essentielle à faire entre science et
histoire.
On aurait intuitivement tendance à attribuer à l'histoire la prise en compte du temps, et des
phénomènes dans le contexte de chaque époque.
A l'inverse, la science nous semble tirer sa valeur de son
apparente ignorance du temps : l'arithmétique, la physique sont valables de toute éternité.
Une connaissance
scientifique est considérée comme valant également à n'importe quel instant du temps.
Mais Cournot annonce que la distinction entre connaissance historique et connaissance scientifique n'est pas à
faire entre d'une part une pensée de la succession (dans le temps), et d'autre part une pensée des systèmes
(atemporels).
2) La science a pour objet des phénomènes temporels de "La description d'un phénomène..." jusqu'à "...de
semblables descriptions ;"
Selon Cournot, la science s'intéresse aux relations entre les différents phénomènes, pour les expliquer.
Il
s'agit de découvrir les causes de l'existence de tel ou tel phénomène, ou de chercher à comprendre pourquoi
telle cause implique nécessairement telle conséquence et pas une autre.
A ce titre, très souvent la science est
amenée à expliquer l'enchaînement temporel des phénomènes.
Cournot prend trois exemples, deux tirés de la
physique : l'astronomie pour la prévision des éclipses, et l'étude de la dynamique des milieux pour
l'explication des ondes sonores.
Le troisième exemple vient de la médecine, pour comprendre les mécanismes du
développement des maladies.
Ces trois exemples d'études ne peuvent en effet pas être attribués à l'histoire,
mais relèvent de la science, car il s'agit dans les trois cas de découvrir des relations nécessaires entre les
causes et les effets.
Remarque : Cournot ne prend que des exemples tirés des sciences appliquées.
En effet, les mathématiques semblent bel et bien échapper au temps, et expliquer non pas des liens de causalité
dans le temps entre des phénomènes, mais de simples implications logiques.
Donc toute science ne serait pas
forcément temporelle.
Mais il n'en est pas moins vrai que la science a, entre autres, des objets temporels,
dans le cas des sciences appliquées.
3) La science cherche des liaisons nécessaires entre les phénomènes, l'histoire nous donne des faits
inexpliqués ou inexplicables.
de "tandis que l'histoire..." jusqu'à "...d'une donnée historique."
Mais Cournot reconnaît que la science n'est pas en mesure de livrer des explications nécessaires de tous les
enchaînements de phénomènes.
Cela peut être en raison de son insuffisance actuelle, par exemple lorsqu'il
s'agit de décrire l'évolution d'une épidémie : on commence par enregistrer les cas, et ensuite, parfois bien
plus tard, on peut justifier l'augmentation ou la diminution par des facteurs particuliers.
Mais Cournot n'est
pas scientiste
: il accepte l'idée que la science ne puisse pas forcément tout expliquer un jour.
Certains phénomènes,
relevant du hasard ou d'un libre arbitre humain, sont selon lui irréductibles à la science, et restent donc le
domaine privilégié de l'histoire, non pas temporairement, mais fondamentalement.
Ainsi, si l'on peut aujourd'hui faire des hypothèses scientifiques sur l'extinction des dinosaures,
l'impossibilité d'une vérification complète nous contraint à nous contenter d'informations historiques, dont la
nécessité est indémontrable..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Marx et Engels: La conscience est-elle le produit de la société ?
- Une société sans Etat est-elle possible ?
- Pourquoi penser une société sans Etat ?
- Doit-on dire que sans la société la conscience humaine ne s'éveillerait pas ?
- La vie en société aliène-t-elle notre conscience ?