L'Etat doit-il garantir la justice dans les échanges ?
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«
Définition des termes du sujet:
ÉCHANGE: Du latin excambiare, « échanger », «troquer» (de cambiare, «changer »).
En droit, contrat par lequel deux parties se donnent respectivement une chose pour une autre.
En économie, transfert réciproque de biens ou de services,
soit directement (troc), soit indirectement (par l'intermédiaire de la monnaie).
ÉTAT:
1) A vec une minuscule, manière d'être, disposition (un état d'esprit).
2) A vec une majuscule, un ensemble d'individus soumis à une même autorité politique, ou plus précisément cette autorité politique elle-même.
L'État c'est
le gouvernement et l'ensemble des structures par lesquelles il manifeste son autorité.
3) État de droit: tout État qui s'applique à respecter la personne et à garantir les libertés individuelles.
4) Raison d'État: motif d'intérêt public invoqué par l'État pour justifier une action contraire à la loi ou à la morale.
JUSTICE:
a) Juste reconnaissance du mérite et des droits de chacun.
b) C aractère de ce qui est conforme au droit positif (légal) ou au droit naturel (légitime).
[Introduction]
Échanger est une activité spécifiquement humaine, qui suppose aussi bien la reconnaissance de l'autre comme humain que la communication et la capacité
de trouver un accord raisonnable sur la valeur des objets.
Il n'en reste pas moins que les échanges s'effectuent généralement, pour ne pas dire
obligatoirement, dans des sociétés où règne une certaine injustice, si l'on entend par ce terme que tous les statuts sociaux n'y sont pas équivalents.
Faut-il
admettre que le système des échanges favorise cette injustice ? Si oui, appartient-il à l'État, au sens où ce serait une de ses tâches fondamentales, de
lutter contre cette disparité en assurant au moins la justice dans les
échanges ?
[I.
Don, contre-don et monnaie]
[A .
Le potlatch]
Bien que les échanges ne concernent pas que les biens ou les services, et qu'il existe aussi des échanges de messages dans toutes les sociétés, on
admettra par principe que ces derniers ne sont pas à considérer ici, tant la question d'une « justice » que devrait y « garantir » un État semble incongrue.
M arcel M auss, dans son Essai sur le don, a donné une analyse célèbre du potlatch pratiqué dans certaines sociétés, comme système de don somptuaire,
qu'équilibre un contre-don.
Il est prévu, dans ce type de défi ritualisé, qu'aucun des deux partenaires ne consommera les biens que lui offre l'autre (armes,
couvertures, vêtements) : le potlatch correspond de la sorte à une activité non économique, ou à une économie de la pure dépense, de la consumation,
puisque les biens offerts sont destinés à se dégrader sans' que personne en profite.
[B.
Sa portée symbolique]
M ême dans une telle économie de la consumation, on constate qu'intervient un intérêt.
En effet dans la mesure où l'un des deux groupes en concurrence
finit, soit par ne plus rien pouvoir offrir, soit par utiliser, au moins partiellement, le dernier don — ne serait-ce que pour survivre — le groupe « vainqueur »
gagne le droit d'inscrire un nouveau symbole à son mât totémique.
Il apparaît donc comme « plus puissant » ou plus
vaillant » que l'autre, et conquiert du prestige.
On est cependant, dans de telles situations, dans un contexte où l'« échange » ne tient pas compte des
valeurs réelles des objets, et se trouve orienté dès son début par le désir d'instaurer, en fin de parcours, une inégalité.
[C .
La monnaie]
A v e c l'usage de la monnaie, notamment telle que la théorise A ristote dans son Éthique à Nicomaque, on conçoit l'
échange à la fois plus authentiquement et comme toujours possible à différer.
Il est plus authentique dans la mesure où la
monnaie introduit une valeur de référence, qui peut être appliquée à tous les objets et confirme l'existence d'une «
communauté d'intérêts ».
C e qui justifie l'échange est initialement le besoin : A a besoin d'une maison tandis que B a
besoin de chaussures.
Mais la valeur de la maison est évidemment supérieure à celle des chaussures : la monnaie sert
d'étalon universel, permettant de mesurer tous les biens (la maison comme les chaussures).
De plus, la monnaie est
aussi « une sorte de gage » permettant de pratiquer l'échange quand le besoin s'en fera sentir.
C omme elle bénéficie d'une
« plus grande stabilité » que les autres marchandises, elle mène toutes choses à être commensurables.
[II.
Échanges et inégalités]
[A .
L'inégalité dans la production]
Dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes,
Rousseau admet que les hommes sont d'abord inégaux par leurs forces physiques.
Le «
fort » a donc la possibilité de produire davantage que le « faible », et même si les
échanges sont équitables, il en réalise un plus grand nombre, c e qui aboutit
nécessairement à une inégalité de richesse.
Déjà vérifiable dans le simple troc (objet
contre objet), cette inégalité se confirme évidemment avec la monnaie : le « fort »
s'enrichit plus vite que le « faible ».
Dans un tel contexte, ce n'est pas l'échange en luimême qui génère l'inégalité, mais plutôt le fait que certains ont la possibilité d'en faire
davantage que les autres, tout simplement parce qu'ils ont plus de marchandises à échanger.
L'organisation sociale
ultérieure, pour Rousseau, ne fait que confirmer cette inégalité d'origine naturelle, et cela mène finalement à ce qu'il
dénonce comme étant une « tyrannie ».
[B.
Le travail-marchandise]
En analysant un système de production bien postérieur à celui sur lequel réfléchit Rousseau, Marx établit que le travail
est devenu, dans la société bourgeoise, une marchandise comme une autre.
En effet, la société marchande exige que
chacun participe au système généralisé des échanges, c'est-à-dire qu'il ait quelque chose à vendre.
O r, l'ouvrier ne
possède que sa force de travail, et c'est bien elle qu'il vend contre un salaire.
C ette force de travail a une valeur,
équivalente à la valeur de ce qui est nécessaire à sa reproduction (c'est-à-dire à la valeur des biens assurant la survie de
l'ouvrier, et éventuellement de sa famille : logement, nourriture, vêtements).
Le salaire doit donc être égal à cette valeur.
M ais la force de travail possède aussi une qualité : elle peut produire davantage de valeur qu'elle n'en consomme pour se
reproduire, et c'est en profitant de cette qualité que l'entreprise réalise une plus-value, qui désigne du « travail prolongé »,
c'est-à-dire celui qui est exigé sans que l'ouvrier en récupère la valeur dans son salaire.
L'échange est finalement inégal : est-il « injuste » ? C e dernier
adjectif a une connotation morale qui est peu adaptée à l'orientation des analyses de M arx : pour ce dernier, la plus-value est une nécessité pour la survie
du capitalisme, et ce n'est donc qu'en supprimant ce dernier qu'on pourra retrouver une égalité (ou une justice) dans l'échange travail-salaire..
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