L'esprit religieux n'habite-t-il que les religions ?
Extrait du document
«
A la lettre.
le sujet nous invite à repérer du religieux hors des religions.
qui ne seraient plus alors qu'une
incarnation (parmi d'autres) d'un "esprit religieux".
Cette dernière notion exige évidemment une analyse approfondie qui constituera l'essentiel du travail.
Afin de
répondre à la question, on devra se demander dans quelle mesure les thèmes essentiels à l'oeuvre dans les religions
(existence d'un Dieu ou de dieux, soumission de la créature à son créateur, vénération, prière, etc..) peuvent aussi
se repérer hors des religions.
uand on demande à une personne si elle est croyante, on pense à une croyance religieuse.
Mais on peut aussi se
croire plus malin qu'on n'est, ou croire ce que l'on nous dit, par exemple.
Une personne sans religion, qui n'en
pratique aucune, ou qui est athée - qui affirme qu'il n'y a pas de dieu - pourrait-elle avoir des croyances autres que
les croyances quotidiennes mentionnées plus haut?
[L'esprit religieux, c'est une attitude de révérence craintive
devant les mystères de l'existence qui ne peut s'exprimer
qu'à travers les rites et cérémonies d'une religion
avec ses dogmes, ses croyances et son Église.]
Pas d'esprit religieux en dehors des religions
Le mot «religion» vient du latin religion qui signifie, certes, «zèle» et «scrupule» mais aussi et surtout «lien» et
«dépendance».
L'esprit religieux, c'est le sentiment de la dépendance de la créature à l'égard du créateur,
dépendance qui s'exprime à travers des rites que codifient les religions.
L'esprit religieux, c'est la piété qui relie
les hommes à la divinité.
L'esprit religieux, c'est la croyance
La religiosité naît du sentiment qu'a l'homme de sa finitude et de sa dépendance à l'égard d'une puissance qui
le dépasse.
L'attitude de l'esprit religieux, c'est la foi qui est, comme son étymologie [fides] l'indique,
«confiance».
Le fidèle s'en remet à Dieu et croit en des «vérités» révélées et constitutives d'une religion.
Tout «esprit religieux» implique Une religion
même lorsque le «créateur» est une instance abstraite et non théologique comme dans le positivisme,
«religion de l'humanité», d'Auguste Comte, l'esprit religieux, c'est le sentiment d'appartenir à une communauté
régie par des valeurs qui la dépassent, et ce sentiment se traduit nécessairement par une religion.
C'est ce
qui faisait dire à Auguste Comte: «Je suis persuadé que, avant l'année 1860, je prêcherai le positivisme à
Notre-Dame.»
Comte: Religion et humanité
Mais si l'individu doit tout à ses contemporains, à ses concitoyens, la société actuelle doit tout, à son tour,
aux générations qui l'ont précédée.
En termes de connaissances, de découvertes technologiques, d'héritage
culturel, chaque génération est redevable à celles qui l'ont précédée.
La seule façon de s'acquitter, pour une
bien modeste part, de cette dette, que ce soit pour l'individu ou pour la société tout entière, c'est de
contribuer pour sa part et à la mesure de ses forces et de ses talents, à accroître le patrimoine de l'humanité.
La société présente vit aux dépens des morts, et, en l'absence d'un Dieu dont l'homme a jadis pensé qu'il lui
devait la vie, c'est désormais aux grands hommes du passé, et à travers eux, à l'humanité tout entière, qu'il
convient de rendre culte et hommage.
Comte était habité par le projet d'ériger une « religion de l'humanité »,
l'humanité étant la seule divinité à qui l'individu ait lieu de rendre un culte, et d'imposer un nouveau calendrier
dans lequel les saints traditionnels du catholicisme seraient remplacés par les grands hommes du passé
(scientifiques, philosophes, grands hommes politiques du passé).
La philosophie de Comte proclame donc
advenue l'ère de la raison dans tous les domaines de la connaissance et de l'existence.
De même que toutes
les sciences viennent s'inscrire pacifiquement dans un grandiose système de la science, de même tous les
individus sont appelés à venir prendre leur part à la vie sociale, unis les uns aux autres par le seul amour du
prochain et par l'exigence de vivre les uns pour les autres.
Chacun étant redevable envers tous, il apporte sa
pierre à l'édifice de l'humanité à la mesure de ses moyens, et contribue par là au progrès indéfini des sociétés
humaines..
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