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l'esprit de système détermine-t-il pleinement la vérité ?

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« INTRODUCTION Quand on parle de l'esprit de système, on en parle tantôt comme d'une qualité, tantôt comme d'un défaut.

Par exemple, chez le savant ou chez le philosophe, on considère généralement que l'esprit de système est une vertu ; au contraire, il arrive souvent que, dans une discussion, on reproche à l'adversaire d'être aveuglé par son esprit de système.

La même attitude serait donc bonne dans un cas et susceptible de conduire à la vérité alors que dans l'autre cas elle serait mauvaise et nous induirait en erreur ? Pour essayer de résoudre cette difficulté, il faut s'efforcer d'abord d'analyser avec précision l'esprit de système. I.

NATURE DE L'ESPRIT DE SYSTÈME — A — La notion de système.

Partons de la notion de système.

On parle du système solaire ou du système .nerveux : l'idée de système est alors l'idée d'un ensemble d'éléments qui dépendent les uns des autres et forment un tout organisé.

En philosophie, quand on parle de système, on pense plus particulièrement à la doctrine propre d'un auteur c'est-à-dire à un ensemble d'idées liées les unes aux autres. La notion n'implique pas la vérité des idées mais leur cohérence.

Si les idées d'un philosophe ou d'un savant ne pouvaient s'accorder entre elles de façon à former un système, on dirait qu'elles sont incohérentes.

On peut donc définir le système, au sens philosophique, comme un ensemble d'affirmations cohérentes. — B — L'esprit systématique.

D'un esprit capable d'édifier un système, on dit qu'il est systématique.

L'esprit systématique est un esprit logique, capable de procéder avec méthode dans la recherche de la vérité.

L'enfant n'a pas l'esprit systématique, remarque-t-on : si on lui dit de chercher un objet caché dans une pièce, il ira au hasard d'un endroit à un autre, regardant tantôt en l'air, tantôt à terre, tantôt sur les meubles, etc.

L'adulte, au contraire, conduira sa recherche méthodiquement, systématiquement : il cherchera d'abord sur le sol, par exemple, en suivant un ordre déterminé, puis sur les meubles, etc. L'esprit systématique, en ce sens, paraît donc se confondre avec l'esprit méthodique, et être une qualité du chercheur.

Cependant il est des cas où l'esprit systématique semble au contraire entraver la recherche ; c'est ainsi que Claude Bernard, par exemple, dans son Introduction à la Médecine expérimentale, oppose au « savant systématique », qui refuse de voir les faits contraires à son système, le « savant expérimentateur » qui observe sans idées préconçues et ajuste ses idées aux faits. — C — L'esprit de système.

L'esprit systématique, en ce sens péjoratif, est appelé aussi esprit de système.

Au centre de l'esprit de système on trouverait le préjugé et la volonté de s'en tenir à ce qui a été une fois cru.

Avoir l'esprit de système, c'est avoir des cadres tout faits dans lesquels il faut qu'entre l'expérience, c'est refuser de modifier ses idées selon les événements mais s'efforcer plutôt d'expliquer toutes choses par des principes admis une fois pour toutes.

Il ne semble pas que ce sens péjoratif de l'expression « esprit systématique » puisse être séparé du sens laudatif.

L'esprit systématique, du savant ou du philosophe, consistait à rechercher la vérité méthodiquement, c'est-à-dire selon des principes rationnels et non au hasard.

Cette idée d'une recherche selon des principes est aussi essentielle dans l'esprit de système : il s'agit toujours de mettre de l'ordre et de la cohérence dans ses idées.

Ce qui caractérise l'esprit de système c'est qu'il obtient cet ordre et cette cohérence en se référant, pour expliquer toutes choses, à un principe unique. II.

VALEUR DE L'ESPRIT DE SYSTÈME — A — Avantages.

Il est évident qu'une explication systématique est satisfaisante pour l'esprit.

En effet la cohérence est un besoin de la raison ; des explications incohérentes ne sont pas de vraies explications ; nous ne saurions nous en contenter.

Mais de plus c'est une tendance profonde de la raison que de chercher à réduire le divers et le multiple à l'un et à l'identique, et l'esprit de système n'est que l'expression spontanée de cette tendance.

Il faut donc comprendre qu'en un sens l'esprit de système est naturel, c'est-à-dire lié à la nature même de la raison.

Remarquons d'ailleurs que, grâce à l'esprit de système, l'esprit prend de la force et même de la profondeur. C'est par cette espèce de fidélité jurée à un principe que l'esprit se garde du dilettantisme et de l'éclectisme, toujours superficiels.

Par exemple, on conseille souvent à l'apprenti philosophe d'adopter un point de vue unique, pour étudier les différents problèmes, et de s'y tenir fermement : seule cette attitude lui permettra d'aller au fond des questions. — B — Inconvénients.

Cependant cette attitude serait dangereuse si elle persistait, car le point de vue unique ne permet d'apercevoir qu'un aspect des problèmes.

Comme le disait Paul Valéry, « tout point de vue est faux », c'est-à-dire que tout système est insuffisant. L'inconvénient de l'esprit de système, c'est qu'il conduit toujours à une déformation systématique de la réalité.

Aucun système, en effet, n'est parfaitement adéquat au réel : la diversité même des systèmes le prouve.

Vouloir tout expliquer à l'aide d'un principe unique, c'est s'exposer à ne comprendre qu'une petite partie du réel. L'esprit de système, avons-nous dit, est une tendance naturelle de la raison qui cherche à ramener la diversité et la multiplicité à l'unité et à l'identité.

Mais sommes-nous sûrs que le réel se prête à cette unification et à cette identification ? Si la réalité dans son fond est diverse et multiple (comme le soutiennent ceux que l'on appelle les pluralistes), n'est-ce pas s'enfoncer dans l'erreur que de vouloir à tout prix en donner une explication unique (comme font les monistes) ? — C — Conséquences.

Au fond, nos idées ne sont que des instruments pour saisir la réalité.

Il peut se faire quelquefois que deux idées permettent de comprendre un même phénomène et elles sont alors aussi vraies l'une que l'autre.

Il peut se faire aussi que nos idées soient vraies un jour et fausses le lendemain (comme l'enseigne l'histoire des sciences).

La prétention d'édifier un système, c'est-à-dire un ensemble d'idées cohérentes, ne tient pas compte de ce caractère provisoire de nos idées et de cette nécessité où nous sommes d'adapter sans cesse nos idées au réel.

Sans doute il faut s'efforcer de mettre dans ses pensées de l'ordre et de la cohérence : c'est une exigence de l'esprit ; mais c'est aussi une exigence de l'esprit de ne se satisfaire d'aucun système, de ne tenir aucune « vérité » pour définitive et de chercher toujours.

De même nous ne devons pas sacrifier la liberté de l'esprit à l'illusion de force que donne une attitude systématique ; car la force véritable de l'esprit se marque à son pouvoir de se renouveler constamment et de se retrouver toujours neuf en face de chaque problème, plutôt qu'à son pouvoir de construire un système sur lequel il se reposerait ensuite définitivement, l'esprit de système, ce peut être et c'est le plus souvent la mort de l'esprit. CONCLUSION L'esprit de système peut être défini comme la tendance à mettre de la cohérence dans ses idées en les rapportant toutes à un même principe que l'on ne remet jamais en question.

Il répond à une exigence de la raison et en cela il représente un moment nécessaire dans la formation de la pensée.

Mais ce moment doit être dépassé et la pensée doit se défaire de l'esprit de système si elle veut rester vivante : « Toujours chercher donc, et ne jamais réciter » (Alain).. »

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