Les valeurs n'expriment-elles qu'un point de vue personnel ?
Extrait du document
«
[L'homme est tout à la fois un être de besoin,
un être de connaissance et un être qui ne cesse de devenir.
En
tant que tel, c'est seulement sous un certain angle
de vue qu'il peut appréhender le réel.]
Le prespectivisme
Pour Nietzsche, il n'existe pas de faits, mais seulement des
interprétations des faits, autrement dit, des points de vue sur le réel.
L'homme interprète le réel selon ses besoins, ses exigences, ses désirs.
Les valeurs qu'il forge sont étroitement liées à sa force ou sa faiblesse,
à sa volonté d'affirmer la vie, ou à son incapacité maladive à le faire.
Deleuze a commenté remarquablement Nietzsche en faisant valoir que si
la morale aristocratique (dont Nietzsche se réclame) s'énonce « je suis
bon donc tu es méchant », la morale des esclaves et des décadents se
délivre par « tu es méchant donc je suis bon ».
La première formule débute par une pleine affirmation de soi, une autoexaltation, dont le « tu es méchant » n'est que la conséquence.
Les
esclaves, les faibles se reconnaissent à ce qu'ils ré-agissent, sont des
hommes du ressentiment et de la vengeance.
Le désir de vengeance et le ressentiment
Cette tension de la vie pour se surmonter elle-même sous la forme de la
volonté de puissance peut-elle aller à l'infini ? Une ascension infinie
n'est pas possible parce que la volonté vient se heurter au temps : la
volonté de puissance vient achopper sur l'essence du temps comme sur
sa limite.
Elle peut bien vouloir l'avenir mais non pas le passé.
Si l'avenir
est le domaine qui lui est ouvert, le passé semble lui échapper pour
toujours : « En arrière ne peut vouloir la volonté.
»
La volonté ne peut vouloir en arrière que sous les formes morbides du désir de vengeance et du ressentiment.
Cette volonté réactive ne veut pas simplement abolir ou annuler ceci ou cela, c'est contre le devenir lui-même
dans ce qu'il a d'irréversible et d'inexorable qu'elle s'exerce, parce que c'est à sa propre impuissance à vouloir
pour le passé qu'elle se trouve confrontée.
Pour parvenir à se supporter eux-mêmes, ils ont besoin de s'opposer à d'autres.
Ainsi, ils commencent par poser l'autre comme « méchant », et c'est parce qu'ils ne supporter pas l'autre qu'ils
se nomment « bons ».
Le caractère de « bon » n'est pas ici une affirmation de soi, mais une réaction, la
marque du ressentiment, de la vengeance, devant autrui.
On comprend le mot de Nietzsche, la religion « a fait de toute valeur une non valeur », en elle il n'y a « que
des fins mauvaises : la contamination, le dénigrement, la négation de la vie, le mépris du corps et l'autoavilissement de l'homme par l'idée de péché.
» Ce qui engendre une inversion des valeurs.
Les valeurs
affirmatives d'actions, de conquêtes, d'extériorisation...
sont dévaluées (méchanceté, brutalité, vanité...) et
remplacées par les valeurs nihilistes de passivité, d'adaptation, d'intériorisation...
Le prêtre est le grand artiste
du ressentiment qui, par la mystification d'un Dieu et d'un monde suprasensibles, déprécie la vie et assurer le
triomphe de l'existence réactive.
En fait, la religion chrétienne porte à son comble un mouvement déjà présent chez Socrate : l'idée que la vie
doit être justifiée, jugée, évaluée par une idée.
Tout « idéalisme » est un symptôme de manque de force.
Or, c'est face à ces symptômes qu'il faut comprendre le projet de Nietzsche..
Il n'agit pas que d'une critique
des « arrières-mondes » et de la religion.
Il s'agit aussi de « transmuer les valeurs », d'effacer le mouvement
chrétien qui fait de toute valeur une non valeur, de favoriser les forces actives, la puissance, l'expansion de la
vie.
En ce sens le « surhomme » ‘est pas la caricature qu'on en a fait, mais ce qui doit dépasser l'homme
moderne, fatigué et décadent, créer d'autres valeurs, non pas « négatrices » de la vie ou dévalorisantes, mais
servant l'acceptation de l'existence.
Il paraît nécessaire de rapprocher un passage de « L'Antéchrist » d'un extrait d' « Ecce homo » (1888).
« La vie est à mes yeux instinct de croissance, de durée, d'accumulation de force, de puissance : là où la
volonté de puissance fait défaut, il y a déclin.
Ce que j'affirme, c'est que cette volonté de puissance fait
défaut à toutes les valeurs supérieures de l'humanité –c'est que, sous les noms les plus saints, règnent sans
partage des valeurs de décadence, des valeurs nihilistes ».
« Je fus le premier à voir la véritable opposition qui existe entre, d'une part l'instinct en voie de.
»
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