Les utopies politiques ont-elles un intérêt pratique ?
Extrait du document
«
Une utopie politique est une production de l'esprit qui dessine une société idéale, dirigée par un gouvernement posé en exemple par
l'auteur.
Le créateur de ce type de production est l'anglais Thomas More, avec son œuvre intitulée l'Utopie : le terme vient du grec u
topos, c'est-à-dire, nul lieu, non lieu, lieu de nulle part.
Une utopie politique est donc la description détaillée d'un mode de
fonctionnement politique, qui n'existe pas dans les faits, mais que l'auteur s'attache à rendre aussi précis que possible.
Qu'entendons-nous par intérêt pratique ? Lorsqu'une chose a un intérêt pratique, cela signifie qu'elle est capable d'atteindre un but, ou,
plus largement qu'elle est utile, en tant qu'elle sert valablement de moyen à une fin.
Une chose qui a un intérêt pratique est donc une
chose susceptible d'avoir une incidence dans le monde réel, et de le modifier d'une manière profitable.
Une utopie pourra donc avoir un intérêt pratique, dans la mesure où elle s'avèrera susceptible de susciter un changement dans l'ordre
de la politique bien réelle.
Nous nous demanderons donc si les utopies politiques sont de purs produits du logos, sans incidence possible dans le monde des faits,
ou si au contraire la finalité de toute utopie politique n'est pas de susciter un changement réel de la politique chez leurs contemporains.
I.
a.
L'utopie politique n'est qu'un produit du discours, sans incidence possible dans le réel
Une utopie dénonce par son nom même son caractère théorique
Il suffit de considérer le nom même d'utopie pour proposer une réponse à la question posée : une utopie est l'histoire d'un non lieu,
d'un lieu sans existence autre que théorique, dans le seul langage.
Elle dénonce par la même son caractère purement langagier, son
absence d'efficacité possible dans le domaine pratique.
Construction de l'esprit, peinture d'une société qui n'est pas, l'utopie politique
ne peut avoir d'intérêt pratique
b.
Les utopies politiques sadiennes : jeux du langage sans prétentions à changer la réalité
Un bon exemple de ce type d'utopie est sans doute les utopies politiques de Sade dans Aline et Valcour : l'île de Tamoé qu'on y trouve
est décrite comme un modèle politique et social, mais Sade nous la dépeint comme un univers idéal, qui appartiendra toujours au
monde de la fiction, de la littérature, et ne se réalisera jamais dans les faits.
L'Utopie politique n'est qu'un objet de discours parmi
d'autres, non le modèle que Sade désire voir reproduit par ses contemporains.
II.
a.
Certaines utopies politiques ont pour fonction de modifier les pratiques politiques
L'utopie politique comme modèle pour le prince
Cependant, l'utopie sadienne a beau être pessimiste, telle n'est pas la nature de toutes les utopies.
Celle de Thomas More au contraire
préconise une réalisation dans les faits des prescriptions de Raphaël Hythloday : il s'agit pour l'auteur de susciter un changement
concret dans le royaume d'Angleterre, au moyen d'une action politique qui s'inspirerait des leçons données par l'utopie.
L'utopie a donc
pour fonction d'inspirer l'action concrète de ceux qui ont en main le pouvoir politique.
b.
L'utopie politique est la voix de l'idéale prescrivant des améliorations encore inouïes
Enfin, nous pouvons voir que l'utopie a un intérêt pratique, dans la mesure où la fiction se permet des licences avec le réel qui sont
créatrices d'idées nouvelles.
Les utopies politiques inventent des améliorations auxquelles les contemporains n'avaient jamais songé, et
créent des idées qui n'étaient venues à personne.
Thomas More, par exemple, est le premier à avoir désigné la propriété privée
comme le principal responsable des maux de la société.
L'utopie est créatrice de solutions aux problèmes sociaux, que l'action politique
réelle pourra réaliser dans les faits.
III.
a.
Les contre utopies politiques ont également un intérêt pratique
Qu'est-ce qu'une contre utopie politique ?
Nous poursuivrons notre réflexion en nous interrogeant sur ce type particulier d'utopie politique qu'est la contre utopie.
Une contre
utopie politique ne dépeint pas une société idéalement régie, mais une forme de société le plus souvent en proie au totalitarisme.
Elle
ne dessine pas le monde tel qu'il devrait être, mais tel qu'il pourrait être dans l'avenir : la majorité des contre utopies sont
effectivement situées dans le futur.
1984 de Georges Orwell, Un bonheur insoutenable d'Ira Levin et Le meilleur des mondes d'Aldous
Huxley sont des contre utopies politiques qui dépeignent un avenir aux couleurs sombres, où les hommes sont dominés par des états
tout puissants et manipulateurs.
b.
La contre utopie dessine un monde possible en suscitant la crainte qu'il se réalise
Peut-on dire qu'une contre utopie politique a un intérêt pratique ? Oui, dans la mesure où elle fonctionne comme un avertissement,
comme la description d'un avenir possible.
Toutes les fois où nous décrivons notre société en la comparant à 1984 de Georges Orwell
nous prouvons que la contre utopie politique a un intérêt pratique, puisqu'elle nous met en garde contre ce que risque de devenir notre
société, et nous avertit des menaces qui pèsent sur notre sort.
Conclusion :
A première vue, une utopie politique n'a pas d'intérêt pratique : construction de l'esprit, elle nous dépeint ce que le monde pourrait
être, mais en situant son discours dans un lieu indéfini qui implique son impossible réalisation.
Mais une utopie politique, ou une contre
utopie politique, a en vérité toujours un intérêt pratique, médiatisé par l'action d'autrui, en tant qu'elle peut inspirer la forme concrète
d'un gouvernement réel, ou nous mettre en garde contre les dérives qui peuvent devenir celles de l'Etat sous la domination duquel
nous vivons..
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