Les sciences ont-elles le monopole de la vérité ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
SCIENCE : Ensemble des connaissances portant sur le donné, permettant la prévision et l'action efficace.
Corps
de connaissances constituées, articulées par déduction logique et susceptibles d'être vérifiées par l'expérience.
VÉRITÉ
La vérité concerne l'ordre du discours, et il faut en cela la distinguer de la réalité.
Elle se définit traditionnellement
comme l'adéquation entre le réel et le discours.
Qualité d'une proposition en accord avec son objet.
La vérité formelle, en logique, en mathématiques c'est l'accord
de l'esprit avec ses propres conventions.
La vérité expérimentale c'est la non-contradiction de mes jugements,
l'accord et l'identification de mes énoncés à propos d'un donné matériel.
On distinguera soigneusement la réalité qui
concerne un objet (ce cahier, cette lampe sont réels) et la vérité qui est une valeur qui concerne un jugement.
Ainsi le jugement : « ce cahier est vert » est un jugement vrai ou bien un jugement faux.
La vérité ou la fausseté
qualifient donc non l'objet lui-même mais la valeur de mon assertion.
La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du
jugement vrai.
Quand les vérités admises dans les sciences finissent par représenter la vérité elle-même, ne peut-on pas dire
que les sciences se retournent en leur contraire? En effet, l'attitude scientifique repose sur l'examen permanent des
vérités, plutôt que sur la quête d'une vérité absolue.
La conscience des limites de la science doit donc faire partie
de la science elle-même.
1.
L'examen des hypothèses
• Dans La République, VI, Platon parle ainsi des mathématiciens: « Une fois qu'ils ont posé par hypothèse l'existence
de l'impair et du pair, celle des figures, celle de trois espèces d'angles, [ils] procèdent à l'égard de ces notions
comme à l'égard de choses qu'il savent; les maniant pour leur usage comme des hypothèses, ils n'estiment plus avoir
à en rendre nullement raison.
» Platon situe les mathématiques en deçà de la pensée dialectique qui aura pour tâche
de rendre raison des hypothèses elles-mêmes, de remonter jusqu'à leur principe : si le dialogue a pour but
d'atteindre une position indiscutable, il faut s'entraîner à combattre - comme Socrate - les positions les plus
indiscutables, mais pour atteindre une thèse inconditionnée.
• On peut comprendre ce passage autrement : comme l'éloge d'une nouvelle manière de penser, qui a fait son
apparition dans la Grèce de l'Antiquité.
Envisager nos affirmations comme des hypothèses, c'est les examiner pour
elles-mêmes en suspendant - au moins provisoirement - la question de leur vérité, de manière à pouvoir les analyser
dans leur structure et leurs conséquences.
C'est comme une pensée à titre d'essai : « voyons où cela nous mène ».
Les sceptiques faisaient de cette «suspension» de l'assentiment (epochê) l'étape indispensable vers l'ataraxie (la
quiétude de l'âme).
On peut y voir aussi le mouvement de la pensée scientifique, à condition de se défaire des
représentations courantes qui sont données de la science.
11.
Le champ des problèmes
• Le philosophe des sciences G.
Canguilhem disait que « l'histoire d'une science est toujours une aventure et non un
déroulement ».
Mais la science est souvent présentée, notamment dans les manuels d'enseignement, dans ses résultats et non
dans son parcours.
Elle apparaît, dans les médias, comme une révélation, qui va enfin nous dévoiler les ultimes
secrets de l'Univers.
Dans Différence et Répétition, III, Gilles Deleuze critique cette « image de la pensée », qui ne
conçoit la pensée qu'à l'image du savoir entièrement achevé et non de l'apprendre : « On nous fait croire à la fois
que les problèmes sont donnés tout faits, et qu'ils disparaissent dans les réponses ou la solution.
»
• La vérité est définie comme l'accord de la connaissance avec son objet.
Mais si ce sont les problèmes qui donnent
vie à la pensée, on ne peut pas penser cet accord comme une relation fixe.
Hegel appelait dogmatisme une façon de
penser « qui considère que le vrai consiste en une proposition qui est un résultat fermement établi, ou encore qui
est immédiatement sue» (Préface de la Phénoménologie de l'esprit).
Il est bien vrai que la somme des angles d'un
triangle est égale à deux droits, mais présentée comme cela, ce n'est pas une vérité, car elle est dissociée du
mouvement même du savoir qui lui a donné naissance.
111.
La science comme idéologie
• Pour Habermas les sciences modernes ont ceci de particulier, par rapport à l'idéal du savoir théorique de
l'Antiquité, d'être un «savoir techniquement utilisable», même si les possibilités d'application n'apparaissent qu'après
coup.
Les sciences sont indissociables de la technique (on parle de «techno-sciences») et deviennent partie
intégrante d'un système social de production : «Avec l'apparition de la recherche industrielle à une grande échelle,
science, technique et mise en valeur industrielle se sont trouvées intégrées en un seul et même système.
[...] C'est
ainsi que science et technique deviennent la force productive principale.
» (La Technique et la science comme «
idéologie »).
1V.
La dérive technocratique.
»
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