Les sciences humaines peuvent-elles adopter les sciences de la nature ?
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Il faut entendre par "sciences de la nature" toutes les sciences expérimentales prenant les phénomènes naturels, concernant la matière animée ou
inanimée, comme objet : la physique, la chimie, la biologie, la géologie, etc., à l'exclusion des mathématiques.
Les sciences humaines reposent sur tous les
phénomènes culturels (donc humains) ; il s'agit donc de la psychologie (et sa variante psychanalytique), la sociologie, l'anthropologie, l'ethnologie, etc.
À
l'exclusion de l'histoire, dont on considère qu'elle n'est pas une science humaine.
Pour ce qui est du rapport entre ces deux types de science, on peut
observer d'emblée que les sciences de la nature (sciences dites "dures") se sont constitué comme sciences modernes aux XVIIe et XV IIIe siècles (pour la
physique au moins), tandis que les sciences humaines, la prétention de l'étude de l'homme à être scientifique au même titre que l'étude des phénomènes
naturels, est beaucoup plus incertaine.
On n'est même pas sûr qu'il soit juste de parler de "sciences" pour désigner aussi bien l'anthropologie que la
physique.
La tentation est forte, en sciences humaines, d'imiter les méthodes des sciences de la nature, alors que celles-ci se passent très bien des
sciences humaines.
Peut-on prétendre à la même scientificité lorsqu'on passe de l'objet-nature à l'objet-homme ? Mais les sciences ne sont-elles pas
censés constituer leur objet ? Et (c'est aussi dans le "peuvent-elles" du sujet) quelles sont les implications pratiques et morales de l'étude officiellement
scientifique de l'homme ?
Introduction.
A un moment de l'évolution de l'univers une bifurcation est apparue, la matière inanimée a donné lieu à la matière vivante, laquelle, à son tour, a produit des
organismes dotés d'un appareil psychique.
Chez l'homme, cet appareil rend possible, d'une part, une activité cognitive sophistiquée basée surtout sur les
possibilités du langage, et d'autre part, la liberté.
L'homme, sujet connaissant et conscient de sa liberté, jouit d'une dimension morale qui l'empêche de se
considérer comme une chose parmi les choses.
A insi, la réticence à utiliser les méthodes des sciences de la nature - des procédures mathématiques et
expérimentales - en sciences humaines, semble s'expliquer, avant tout, par la différence métaphysique entre le monde physique et l'homme.
I - Au moins partiellement, les mécanismes qui expliquent le monde inanimé, expliquent aussi le monde humain.
Si l'homme est un système émergeant d'un monde physique et biologique, son activité la plus élevée doit, au moins dans une certaine mesure, refléter des
contraintes physiques et biologiques sous-jacentes.
L'homme et les choses partagent, jusqu'à un certain point, l'espace et le temps, les forces et la
matière.
On ne voit pas pourquoi ni comment toutes les conditions et tous les mécanismes qui expliquent le monde non humain s'arrêteraient, tout d'un
coup, devant l'homme.
Ainsi l'hypothèse qu'au moins jusqu'à un certain point les mêmes mécanismes qui expliquent le comportement des systèmes
physiques ou vivants autres que l'homme, expliquent l'homme, semble plus prometteuse, du point de vue du progrès de la connaissance, que l'hypothèse de
deux substances, l'une matérielle, l'autre spirituelle, complètement différentes.
De plus, l'application des mêmes méthodes dans toutes les sciences ne
s'accompagne pas forcément d'un dénigrement de la nature humaine.
Il faudrait voir, méthode par méthode, de quoi il s'agit au juste.
II - L'intérêt qu'il y a à utiliser des méthodes mathématiques en sciences humaines.
Faut-il employer les mathématiques en sciences humaines ? Les mathématiques sont la science des êtres et des structures universels, immuables,
éternels, déterminés, alors que l'homme est sensible à son individualité et pense qu'il est libre et maître, en partie, de son évolution.
Grâce à leur pouvoir
déductif, à la façon dont le sens est véhiculé, à leur générativité, les mathématiques sont un modèle déterministe, le meilleur moyen de découverte qui,
associé à la physique, a produit la science naturelle la plus développée, la physique mathématique.
On a beaucoup à gagner à utiliser les mathématiques si
on veut avoir une connaissance de l'homme et de son comportement.
Elles peuvent montrer un isomorphisme profond entre l'esprit et le monde, des
analogies structurelles cachées à l'observation entre l'inanimé et l'animé, avantage capital comme moyen de découverte.
Sans cette isomorphie
homme/monde, l'adéquation, même partielle, des théories aux faits, resterait inexpliquée.
D'aucuns nient cette analogie et comparent la théorie à une
espèce biologique capable de survivre en termes darwiniens (appel au hasard, survie de plus apte), mais le mystère de l'adéquation de la théorie reste
entier.
A la vertu de révéler des analogies cachées, on doit ajouter les propriétés de clarté, d'exactitude et d'universalité qui font des mathématiques le
langage scientifique par excellence.
Depuis la naissance de la topologie, science qualitative, il est inexact d'identifier les mathématiques au calcul
quantitatif exclusivement.
Cet éclaircissement est important quand on sait qu'en général ceux qui objectent à l'emploi des mathématiques en sciences
humaines font valoir qu'il est ridicule d'essayer d'obtenir un calcul exact de choses spirituelles étant donné que l'esprit n'est pas une étendue qu'on puisse
mesurer.
A u sens strict, seules les mathématiques produisent des méthodes, c'est-à-dire des procédures spécifiées applicables mécaniquement à toute une classe
d'objets de telle façon qu'appliquées aux objets de la même classe dans des conditions semblables elles donneront des résultats semblables.
C'est par
abus de langage que l'on parle d'une « méthode » en dehors des mathématiques, et en particulier la « méthode expérimentale » est un bricolage dont la
reproduction ne va pas de soi.
Conclusion
Puisqu'un homme est plus semblable à un autre homme qu'à toute autre chose, on peut imaginer que la connaissance de l'homme puisse être intuitive et
analogique, basée sur une compréhension intime des désirs et des motivations qui donnent une signification à son comportement, tandis que la
connaissance des choses resterait externe, basée sur une observation et une vérification dont l'explication fait appel à des causes matérielles.
Mais il
faudrait savoir exactement quelle propriété, humaine ou non humaine, il s'agit de connaître, car toute propriété n'est pas connaissable de la même façon.
D'une part, l'étude de notre cerveau et de notre comportement observable suit les voies des sciences naturelles ; d'autre part, mainte loi physique a été
découverte parce que l'homme a été capable de se mettre à la place des choses.
L'analogie et l'anthropomorphisme peuvent être utiles en sciences
naturelles, à condition d'éliminer l'arbitraire dans leur application par l'emploi d'un formalisme mathématique et par une vérification multiple.
On peut donc
utiliser certaines méthodes des sciences naturelles en sciences humaines, et réciproquement.
Sciences de la nature
Sciences humaines
langage mathématiques
langage du sens
ensemble de propositions formalisées
ensemble de significations
d'où les conséquences mesurables
d'où les interprétations
explication
compréhension
objectivité scientifique
intelligibilité herméneutique
ordre de l'objectivité des phénomènes
ordre de la subjectivité du sujet humain
chose et objet
conscience et sujet.
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