les sciences humaines pensent-elles l'homme comme être prévisible ?
Extrait du document
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On nomme sciences humaines les disciplines qui entreprennent d'étudier scientifiquement l'être humain dans ses
dimensions spécifiques.
L'appellation regroupe donc l'histoire, la psychologie( comme étude de l'esprit mais aussi des
comportements) et la sociologie.
S'y ajoutent bien entendu une pluralité de disciplines intermédiaires telles que
l'ethnologie, la psychologie sociale...
Les sciences de l'homme ont tenté de se calquer sur les méthodes des
sciences dites de la nature pour gagner en crédibilité.
Cependant une science a pour but de déterminer des lois qui
permettent de comprendre le fonctionnement d'un objet ou d'un mécanisme et de pouvoir ensuite déduire l'effet de
la cause.
Ainsi, grâce à la loi de la pesanteur, on peut savoir à l'avance qu'une pomme tombera sur le sol et on peut
même en deviner la vitesse.
Les sciences humaines seraient alors amener à essayer de prévoir les comportements
humains.
Mais la méthode scientifique marche-t-elle vraiment en sciences humaines ?
Les sciences humaines cherchent des lois concernant les faits humaines
Les sciences humaines sont nées au début du XIXème siècle.
Comme le montre Michel Foucault, c'est parce que
l'idée d'homme est une idée récente dans le champ du savoir.
Il ne s'agit pas de parler de nature humaine mais de
l'homme en tant qu'activité dont il est possible d'étudier l'organisation et les lois.
En effet, les sciences humaines ont été fascinées par le modèle physique dont elles ont tiré quelques méthodes :
elles tentent en effet de s'appuyer sur un processus d'observation, puis de mesure et enfin d'expérimentation( qui
n'est d'ailleurs pas toujours possible), elles considèrent les faits humains comme des choses, en les considérant de
l'extérieur mais surtout elles essaient de dégager des lois statistiques.
Or les lois sont par définition ce qui permet de prévoir des événements à partir des causes.
Elles sont de l'ordre de
la nécessité, puisqu'elles décrivent un rapport mesurable et constant entre des phénomènes.
Ainsi, par exemple,
Durkheim a étudié statistiquement le suicide en fonction des différents critères sociaux tels que la religion, le
célibat, la classe sociale,...
Il peut ainsi donner des chiffres quant à la possibilité de suicide pour un homme se
caractérisant par certains critères sociaux.
Énoncer des lois concernant les actions humaines, c'est comprendre l'homme comme un être dont les actes sont
soumis à une règle de causalité et sont dès lors prévisibles.
La méthode statistique n'énonce que des moyens et ne peut préjuger du futur d'un individu en particulier
Pourtant il faut bien voir que les sciences humaines ne disposent que d'outils statistiques qui ne permettent de
donner que des moyennes.
Ainsi Boudon réaffirme la nécessité de comprendre que des relations statistiques ne
peuvent être interprétées comme des relations causales, qu'avec de grandes précautions.
De plus, le caractère universel des lois proposées en sciences humaines ne peut s'appliquer directement à l'individu.
Si pour la psychanalyse, le complexe d'Oedipe vaut pour tous les hommes, il diffère pourtant pour chaque individu en
fonction de son vécu particulier.
De même, si le taux de suicide est le plus élevé en été, on ne peut pas en conclure
que tel individu particulier se suicidera lors de cette saison.
Ainsi, Max Weber s'oppose à Durkheim en affirmant qu' une explication simple des faits sociaux par des méthodes
mathématiques doit être remplacée par une véritable compréhension sociologique.
En effet, par exemple, la
sociologie descriptive définit un fait social qui ne dépend en rien des volontés individuelles et les individus comme
soumis à une logique qui leur est extérieure.
Pour Max Weber, tout acte individuel a un sens et le sociologue doit
restituer cette signification.
Les sciences humaines donc énoncent des lois qui ne constituent pas au niveau individuel des nécessités, des
certitudes de même nature que celles des lois de la nature.
Elles se prononcent à des niveaux généraux mais
doivent tenir du sens des destinées humaines.
Les sciences humaines, même si elles nient la spécificité de l'individu, peuvent lui permettre de se libérer
En dépit du rationalisme durkheimien, les faits des sciences humaines, qui sont avant tout des faits humains, ne se
laissent pas expliquer de l'extérieur à la manière des phénomènes physiques.
Pourtant il faut bien voir que les
sciences humaines ne sont qu'une vue particulière des faits humains et il ne faut pas les considérer comme
expliquant la totalité de la réalité humaine.
On peut cependant constater que les sciences humaines permettent une prise de conscience par un individu plus
approfondie de sa situation : étudier les déterminismes qu'il subit et les porter à sa connaissance, ce serait lui
donner les moyens de mieux savoir sur quoi porter son effort de libération.
Ainsi Pierre Bourdieu demande à propos de la sociologie : " Comment ne pas voir qu'en énonçant les déterminants
sociaux des pratiques, des pratiques intellectuelles notamment, le sociologue donne les chances d'une certaine
liberté par rapport à ces déterminants?"
Ainsi, les sciences humaines tentent pour se légitimer d'appliquer les méthodes des sciences physiques et de trouver
des lois qui lui permettent d'étudier les comportements humains.
Or l'existence de lois implique un déterminisme
humain et nie la possibilité d'actes motivés par une conscience individuelle libre.
Cependant, ce modèle rationaliste
est remis en question puisqu'il ne permet pas de prendre en compte la dimension significative de l'existence humaine.
L'échec relatif des sciences de l'homme à nous proposer une connaissance purement scientifique de leur objet n'est
donc pas à déplorer.
Le cas contraire signifierait que l'être humain est entièrement explicable par le jeu de divers
déterminismes.
Mais les sciences humaines si elles ne peuvent prendre en compte la totalité des aspects de
l'existence humaine, peut pourtant aider l'homme à prendre conscience de ce qu'il le détermine et à se libérer..
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