Les sciences de l'homme doivent-elles s'inspirer des méthodes utilisées dans les sciences de la nature ?
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«
introduction
« Une chose est certaine : c'est que l'homme n'est pas le plus vieux problème ni le plus constant qui se soit posé au savoir humain »
(M.
Foucault, Les Mots et les choses, p.
398).
Pendant longtemps en effet, dans l'ordre du savoir, l'homme n'a pas constitué un domaine
spécifique, et il a fallu une profonde réorganisation du champ de la connaissance pour qu'il fit l'objet d'une science, ou plutôt d'une
multitude de sciences, celles que l'on appelle « humaines ».
Mais ces sciences de l'homme doivent-elles s'inspirer des méthodes
utilisées dans les sciences de la nature ?
Première partie : De l'homme comme objet naturel à la dissolution de l'homme
• Les sciences humaines positivistes.
a) La constitution des sciences humaines s'est faite sur le modèle des sciences de la nature.
Elle suppose par conséquent que :
— l'homme soit un objet naturel comparable aux autres objets naturels.
Les sciences humaines réclament ainsi une
naturalisation de la nature humaine (amorcée au XVIIe siècle par Descartes, Gassendi, Hobbes) ;
— le domaine humain soit un domaine indépendant ;
— ce domaine obéisse à des lois spécifiques.
b) La fascination exercée par le modèle des sciences physiques poussa au XIXe siècle les sciences humaines à vouloir se construire
comme des sciences objectives sur les trois fondements de ces sciences physiques : l'expérimentation, la mesure, les mathématiques.
Les sciences humaines furent donc conduites à considérer les faits humains comme :
— des choses (cf.
Durkheim) mesurables et quantifiables.
On assiste, par exemple, à l'apparition d'une sociologie (que A.
Comte définit
comme une « physique sociale ») basée sur la statistique sociale, ou d'une psychologie basée sur une psychométrie mesurant les
phénomènes psychiques en intensité, en fréquence ou en durée ;
— des phénomènes obéissant aux lois d'un déterminisme mécanique.
c) Les sciences humaines d'inspiration positiviste prétendent donc ramener la réalité humaine à des normes expérimentales et
objectives dont elles proclament l'universalité.
Ce faisant :
1) elles réduisent l'homme à un pur objet, une chose parmi les choses, ce qu'il n'est pas puisque sa réalité dernière est d'être un sujet ;
2) elles morcellent l'homme réduit à une chose en une multitude de fragments dont chacun fait l'objet d'une science particulière.
Mais
elles se révèlent incapables de reconstituer ce qu'elles ont brisé en en rendant compte au sein d'une science de l'homme unitaire.
Cette
impossibilité de constituer une science unique reste d'ailleurs le problème central des sciences de l'homme, quels que soient leurs
inspirations et leurs fondements épistémologiques.
• Les sciences humaines structurales.
a) Le courant structuraliste dans les sciences humaines prolonge celui du positivisme dans la mesure où il s'efforce de fonder les
sciences humaines sur des bases rigoureuses en prenant cette fois pour modèle le formalisme axiomatique des mathématiques.
b) L'adoption de la méthode structurale par les sciences humaines a conduit à une remise en cause radicale de l'idée de « l'homme »,
dans lequel on ne veut plus voir un sujet ni même un objet, mais une entité illusoire que la science doit dépasser.
« Le but dernier des
sciences humaines, écrit C.
Lévi-Strauss, n'est pas de constituer l'homme, mais de le dissoudre » (cf.
La Pensée sauvage, pp.
326327).
La méthode structurale pose en effet que la structure (la totalité) préexiste aux éléments qui la composent et qui ne peuvent être
saisis que par un jeu de relations, d'oppositions et de différences, interne à cette structure.
Dès lors la seule réalité est celle de la
structure et les éléments n'ont aucune réalité indépendante de leur relation à la totalité.
En considérant donc que les réalités humaines
ne constituent que des systèmes qu'il leur appartient de déchiffrer, les sciences humaines structurales ne voient dans la vérité de
l'homme qu'un fonctionnement intégralement intelligible.
Aussi, à moins d'identifier la personne humaine à une simple équation, pourrat-on proclamer la mort de l'homme.
Deuxième partie : L'homme comme conscience productrice de sens
a) Nous avons vu que les sciences humaines positivistes, dans leur souci d'objectivité rigoureuse, considéraient l'homme comme un pur
objet et non comme un sujet, le dépouillant du même coup de sa spécificité (sa conscience avec ses intentions et ses significations), et
qu'elles devenaient ainsi des « sciences de l'homme sans l'homme ».
C'est le désir de retrouver l'homme et de le comprendre comme
sujet, c'est-à-dire dans sa spécificité profonde et essentielle, qui a orienté certains courants des sciences humaines vers une approche
plus phénoménologique de l'homme en ne l'abordant plus comme une simple chose, mais en tenant compte du fait qu'il est avant tout
producteur de sens et qu'il vit dans et par un monde de significations (cf., dans des directions diverses, la psychologie de la forme, la
psychanalyse, l'anthropologie culturelle, etc.).
La vérité de l'homme ne saurait désormais être ramenée à la vérité de la chose ou à
celle de l'organisme dénué de pensée comme tendaient à le faire les sciences humaines positivistes du XIXe siècle.
b) Cependant, tout en convenant qu'il ne peut y avoir d'action mécanique de l'environnement sur l'homme, puisque
les facteurs matériels ne modifient ce dernier que dans la mesure où il leur donne une signification en les intégrant dans son univers
mental, les sciences humaines reconnaissent qu'il n'est pas possible d'abstraire un « fait de conscience » vécu par un individu de la
situation d'ensemble de cet individu, ni cette situation d'ensemble de son contexte social et historique.
Par là les sciences humaines
remettent en question l'unicité de l'homme et dissipent l'illusion d'une essence humaine éternelle.
Elles entraînent l'éclatement de
l'image traditionnelle de l'homme, qui semble se démultiplier dans l'espace et le temps.
conclusion
En s'inspirant des méthodes utilisées dans les sciences de la nature, les sciences humaines sont conduites à concevoir l'homme comme
un objet, voire comme une pure relation.
Ce faisant elles manquent l'homme lui-même en tant qu'il est un sujet producteur de sens.
Ce
n'est donc qu'en retrouvant le vécu du sujet, c'est-à-dire en adoptant une approche phénoménologique, ou en permettant une
réinterprétation de leurs données objectives, que les sciences humaines pourront être véritablement des sciences de l'homme..
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