Les Révolutions font-elles l'Histoire ?
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«
Histoire
Du grec historia, « enquête ».
Ce mot recouvre principalement deux significations, que la langue allemande distingue : le devenir historique lui-même,
comme ensemble d'événements (Geschichte), et la connaissance du passé que l'historien essaie de constituer (Historie).
La première signification pose le problème du sens et de la finalité de l'histoire ; la seconde, celui de la scientificité de la discipline de l'historien.
La vision marxiste
• Pour Marx et Engels, ce ne sont pas les idées qui font l'histoire mais les hommes, le travail des hommes aux prises avec la matière.
Il faut partir des
réalités économiques.
L'histoire n'est donc pas celle de la réalisation de l'Esprit, mais celle des modifications matérielles qui interviennent dans la vie
des hommes.
La pensée des hommes émane directement de leur comportement matériel : ce qui fait l'histoire, c'est le travail humain.
• Le matérialisme historique est donc à la fois :
— une théorie : il s'affirme comme science de l'histoire et non plus comme simple philosophie de l'histoire, d'où la célèbre formule : « Les philosophes
n'ont fait jusqu'ici qu'interpréter le monde de différentes manières, il s'agit maintenant de le transformer» ;
— une pratique : la lutte des classes fait avancer l'histoire et transforme le monde.
Elle est le moteur de l'histoire.
La révolution prolétarienne sera la
dernière révolution et instaurera une société sans classes, sans conflits, une société d'abondance.
L'homme deviendra enfin libre.
Le matérialisme dialectique
Le concept de matérialisme dialectique apparaît tardivement (1886) sous la plume de F.
Engels.
Auparavant,
le concept de dialectique matérialiste désignait la méthode mise en oeuvre par Marx et Engels, étant
entendu qu'il s'agissait de la dialectique de Hegel « remise sur ses pieds ».
Par là, Marx reconnaissait sa
dette envers Hegel tout en soulignant le renversement opéré à travers la primauté qu'il accordait au matériel
par rapport à l'idéel.
Par ailleurs, selon Marx et Engels, la dialectique n°oeuvre pas seulement dans la
pensée, mais dans le réel, dans les mondes organique ou animal et dans l'histoire (d'où d'ailleurs la notion de
matérialisme historique forgée ultérieurement par les marxistes).
Le premier emprunt à Hegel est celui de contradictions dont Marx et Engels montrent qu'elles traversent
toute la vie, la nature et l'histoire, car elles expliquent le mouvement.
Or, le réel est en mouvement
permanent, du plus petit (l'atome) au plus grand (l'univers).
La matière n'est pas une substance inerte
[Dialectique de la nature].
Bien au contraire, le principe constitutif de la matière est le mouvement.
L'immobilité, la stabilité ou l'équilibre ne sont conçus que comme un moment particulier et momentané du
mouvement.
« Le mouvement est contradiction ; par exemple, le simple changement mécanique de lieu lui-même ne peut
s'accomplir que parce qu'à un seul et même moment, un corps est à la fois dans un lieu et dans un autre lieu,
en un seul et même lieu et non en lui.
Et c'est dans la façon que cette contradiction a de se poser
continuellement et de se résoudre en même temps que réside précisément le mouvement » [Anti-Dühring, p.
150].
Le deuxième emprunt à Hegel est celui de « la loi d'après laquelle de simples changements dans la quantité,
parvenus à certain degré, amènent des différences dans la qualité » [Le Capital, I.
I, t.
1, p.
302].
Les exemples les plus classiques d'application
de cette loi sont le passage de l'eau à l'état solide au-dessous de 0 °C, sous pression atmosphérique normale, ou son passage à l'état gazeux audessus de 100 °C.
D'autres exemples peuvent être pris en chimie, en physique ou ailleurs.
Dans l'histoire, la transformation des commerçants en
capitalistes ou le passage de la manufacture à la grande industrie, ou bien encore la nature de la coopération dans le travail, illustrent la
permanence de cette loi.
Enfin, le troisième emprunt à Hegel est celui de la négation de la négation, constitutif de la contradiction et de son dépassement.
Là aussi, Marx et
Engels transfèrent la loi de la seule sphère de la pensée telle qu'elle fonctionne dans la logique de Hegel vers le monde réel.
Engels prend
l'exemple simple du cycle d'un grain d'orge pour illustrer son propos : un grain d'orge qui germe « disparaît en tant que tel, il est nié, remplacé par
la plante née de lui, négation du grain.
Mais quelle est la carrière normale de cette plante ? Elle croît, fleurit, se féconde et produit en fin de compte
de nouveaux grains d'orge et aussitôt que ceux-ci sont mûrs, la tige dépérit, elle est niée pour sa part.
Comme résultat de cette négation de la
négation, nous avons derechef le grain d'orge du début, non pas simple, mais en nombre dix, vingt, trente fois plus grand » [Anti-Dühring, p.
165].
Dans l'histoire, les exemples ne manquent pas de négation de la négation conduisant chez Marx et Engels au concept de dépassement signifiant
la transformation d'un extrême en son contraire, c'est-à-dire l'avènement d'une nouvelle situation issue de la contradiction précédente.
Pour Marx, la négation de la négation est le fondement même de l'inéluctabilité du communisme, expropriant les expropriateurs : dans la phase
d'accumulation primitive du capital, les producteurs immédiats (petite propriété privée reposant sur le travail personnel) sont expropriés et
dessaisis de leurs moyens de production.
Puis, en raison de la concurrence et du développement des forces productives, le capital se concentre
tandis que la résistance et les luttes de la classe ouvrière se renforcent.
« Le monopole du capital devient une entrave pour le mode de production
qui a grandi et prospéré avec lui et sous ses auspices.
La socialisation du travail et la centralisation de ses ressorts matériels arrivent à un point
où elles ne peuvent plus tenir dans leur enveloppe capitaliste.
Cette enveloppe se brise en éclats.
L'heure de la propriété capitaliste a sonné.
Les
expropriateurs sont à leur tour expropriés.
L'appropriation capitaliste, conforme au mode de production capitaliste, constitue la première négation
de cette propriété, privée qui n'est que le corollaire du travail indépendant et individuel.
Mais la production capitaliste engendre elle-même sa
propre négation avec la fatalité qui préside aux métamorphoses de la nature.
C'est la négation de la négation » [Le Capital, 1.
I, t.
3, p.
205].
La démonstration par la négation de la négation de la nécessité historique de la fin du capitalisme (d'ailleurs annoncée dans le même texte comme
plus rapide que sa genèse, en raison du caractère collectif de la production) peut laisser perplexe en cette fin de siècle.
Si la loi conserve sa
validité, l'application qu'en fait
Marx à l'échelle macrohistorique ne tient pas compte des tendances et des capacités que possède le capitalisme A ri provisoirement ses crises.
Marx avait pourtant fait état de celles-ci, comme à propos de la baisse tendancielle du taux de prolo, en insistant sur le fait qu'il ne s'agissait que
d'une tendance puisque existaient des solutions limitées et provisoires à cette baisse du taux de profit.
Mais surtout, Marx n'a pas envisagé
toutes les ressources que pouvait retirer le capitalisme pour sa survie des processus de production de plus-values relatives, c'est-à-dire de
réduction des prix des marchandises conduisant à une élévation des niveaux de vie des salariés et au ouatage des contradictions sociales..
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