Les religions sont-elles vouées à disparaître ?
Extrait du document
«
Le terme de religion désigne une réalité complexe.
Elle peut désigner l'activité par le biais de laquelle l'homme se met
en rapport avec une entité qui le transcende, et qu'il considère comme absolue.
La religion exprime donc un lien, qui
se noue dans la foi.
Effectivement, le mot religion vient du latin religare, relier.
Mais le terme peut aussi venir de
religere, qui exprime le fait de préserver, de conserver.
Et il est effectivement vrai que, si la religion est l'expérience
d'un lien avec un principe transcendant, cette dernière est aussi préservation de ce lien, à travers une pratique, des
rituels, des dogmes, qui permettent d'institutionnaliser cette expérience.
Il est donc important de voir que le sujet ne parle pas de religion mais de religions au pluriel, dans la mesure où
cette pluralité des religions tient en premier lieu aux différentes institutionnalisations de ce lien.
Si la religion se cristallise donc dans des pratiques, son principe fondamental est la foi en cette entité
transcendante.
La religion se distingue ainsi de la science par le fait qu'elle ne prétend pas savoir ce qu'elle vise, ni
le connaître en un sens rationnel.
La religion se place dans le croire, non de la savoir.
C'est cette position de la religion dans le croire, qui pourtant s'institutionnalise à travers des dogmes qui pose
problème.
Effectivement, la philosophie moderne, notamment à travers les critiques de Spinoza ou de Kant a tenté
de confronter la religion à la raison, ce qui a conduit à une critique radicale de cette dernière.
Le religieux pose en
effet problème lorsqu'il s'érige en dogme dans la mesure où il ne peut pas fonder rationnellement ce qu'il prétend.
Bien plus, la religion semble selon certains philosophes comme Nietzsche ou Marx, liée à une situation sociale
d'oppression et de domination.
L'idée de charité chrétienne, de péché, de providence divine peuvent en effet être
liées à un système d'oppression où le pouvoir endort à travers le religieux et ses dogmes la conscience critique du
peuple.
Sur le plan de la rationalité comme sur celui de la liberté, ma religion apparaît ainsi comme une illusion
dangereuse (Feuerbach).
En cela, les religions seraient vouées à disparaître dans un dépassement critique.
Cependant, la mort des religions est-elle si facilement affirmable? Nous constatons en effet qu'aux religions qu'ont
combattu les tenants de la raison se substituent d'autres religion.
Le primat de la raison, qui doit pourtant reposer
sur des principes non rationnels et qui ne peut par conséquent régner en maître n'est-elle pas une forme de religion
moderne, d'autant plus dangereuse qu'elle ne se déclare pas comme telle? Il semble en effet que vouloir éradiquer le
religieux soit le plus sûr moyen de le préserver à travers une idéologie rationaliste et scientiste.
Pour sortir de ce paradoxe, il faut peut-être désamorcer une position radicalement critique envers les religions.
Il s'agit en effet de distinguer nettement le religieux de la simple croyance.
La foi qui se révèle dans l'expérience
religieuse est en effet toujours critique d'elle-même dans la mesure où elle se reconnaît comme foi, comme
conviction non fondée rationnellement.
La foi véritable est toujours en dialogue avec la raison et avec la critique, là
où la simple croyance se pense comme certitude absolue et se croit semblable à une connaissance rationnelle.
C'est
cette lucidité de la religion qui en fait peut-être une réalité riche et nécessaire à la science elle-même, qui doit
toujours poser ses propres principes dans un acte de foi.
Les religions semblent dès lors ne pas être vouées à disparaître, du fait de l'aspect religieux que prendrait toute
position qui voudrait les éradiquer.
Mais, à cette vision négative peut se substituer l'espoir que ce qui est
proprement religieux, c'est-à-dire l'expérience de la foi ne disparaisse pas.
La foi comme lieu de dialogue entre
critique et conviction n'est en effet pas réductible à la simple superstition et semble même nécessaire à toute
démarche rationnelle qui repose sur des principes indémontrables et qui, en cela, doit toujours rester lucide sur le
caractère non absolu de ce qu'elle affirme.
1)
Les religions reposent sur la croyance et non sur le savoir.
Elles érigent cependant des dogmes qui constituent d'ailleurs chaque
religion dans sa particularité.
La foi en un principe transcendant qui caractérise les religions tend à se cristalliser dans des
propositions dogmatiques.
Cette institutionnalisation de la croyance donne aux religions une dimension collective, qui s'exprime dans
des rituels fixés.
La philosophie en tant que science n'a absolument rien à faire avec ce qui doit ou peut être cru ; mais seulement
avec ce qu'on peut savoir.
Si maintenant ce savoir devait être également tout autre chose que ce que l'on doit
croire, ce ne serait pas un inconvénient pour la foi elle-même : elle est foi parce qu'elle enseigne ce qu'on ne peut
savoir.
Si l'on pouvait le savoir, la foi s'en trouverait inutile et ridicule, comme si en quelque sorte une doctrine de
la foi était établie dans le domaine mathématique.
Mais on objectera à présent qu'au contraire la foi elle-même
peut enseigner plus et plus encore que la philosophie, rien pourtant qui soit inconciliable avec les résultats de celleci : le savoir est d'une matière plus dure que la foi, si bien que, s'ils s'entrechoquent, c'est la foi qui se brise.
Tous
deux sont en tous cas choses fondamentalement différentes, qui pour leur bien respectif doivent rester
rigoureusement séparées, de telle sorte que l'une suive son chemin, sans même faire attention à l'autre.
Arthur
SCHOPENHAUER
Toutes les croyances religieuses connues, qu'elles soient simples ou complexes, présentent un même caractère.
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