Les rapports avec les autres sont-ils nécessairement de l'ordre du conflit ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
CONFLIT (n.
m.) Violente opposition matérielle (conflit social), morale (conflit des devoirs) ou rationnelle (KANT :
conflit de la raison avec elle-même) ; contrairement à la concurrence, le conflit suppose divergence de but entre les
protagonistes.
ORDRE: (n.
m., étym.
: latin ordo : file, disposition régulière) 1.
— Arrangement, disposition ; principe de
disposition ; en part., logique : « L'ordre consiste en cela seulement que les choses qui sont proposées les premières
doivent être connues sans l'aide des suivantes » (DESCARTES) ; « Le coeur a son ordre, l'esprit a le sien qui est par
principe et démonstration » (PASCAL).
Bon ordre : arrangement conforme à la raison.
2.
— Catégorie, classe à
laquelle appartiennent des personnes ou des choses hiérarchisées : l'ordre des médecins ; biol : groupe
morphologique intermédiaire entre la classe et la famille.
3.
— Rang ; degré dans une hiérarchie : infiniment petit du
second ordre, un philosophe de premier ordre.
4.
— Harmonie « Dieu ne fait rien hors de l'ordre » (LEIBNIZ).
5.
—
Régularité, constance des phénomènes : « L'ordre et la régularité dans les phénomènes que nous appelons Nature»
(KANT).
6.
— (Pol.) Organisation sociale ; stabilité, fait que les institutions et les décisions des autorités légales
soient respectées.
7.
— Commandement, prescription.
8.
— Relation d'ordre (math.) : relation réflexive
antisymétrique, transitive (ordre large) ; quand la relation n'est pas réflexive, on la qualifie d'ordre strict.
AUTRE / AUTRUI : 1) Comme Adjectif, différent, dissemblable.
2) comme Nom, toute conscience qui n'est pas
moi.
3) Autrui: Tout homme par rapport à moi, alter ego: "Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire ce moi (ego) qui n'est
pas moi (alter)." (Sartre).
Les autres hommes, mon prochain.
C'est à la fois l'autre et le même (mon semblable, un
moi autre, une personne).
NÉCESSAIRE:
Est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être, ou être autrement.
S'oppose à contingent.
Sur le plan logique, est nécessaire ce qui est universellement vrai, sans remise en cause possible.
Se demander si les rapports avec les autres sont nécessairement de l'ordre du conflit peut surprendre.
Que la
circonstance soit possible, cela s'admet.
Qu'elle soit nécessaire, cela semble excessif: la vie avec les autres n'est
pas un perpétuel affrontement.
Quel est dès lors le sens d'une telle question ? Peut-être faut-il chercher du côté du
concept d'autrui, thème sous-jacent à quoi se rattachent "l'autre" ou "les autres".
Ainsi verrons-nous que si la
relation à autrui se révèle nécessairement conflictuelle, les rapports avec les autres ne sauraient se réduire à cette
seule modalité.
Nécessité du conflit dans la relation à autrui.
Autrui : un glissement de sens marque l'histoire de ce mot.
• Usuellement, il s'emploie de manière restrictive, dans des phrases telles que: "on ne doit pas nuire à autrui".
Ici le
statut d'autrui n'est pas celui d'un sujet au sens plein du terme.
• Aujourd'hui autrui est parvenu à la dignité de sujet, désignant bel et bien l'autre que moi, « le moi qui n'est pas moi
» (Sartre).
Ainsi la présence d'autrui ne saurait se confondre avec celle d'un simple objet : « originellement, l'Autre
est le Non-moi-non-objet » dit Sartre.
Comme tel, il s'oppose donc d'emblée à moi, il m'exclut, il est ma négation.
• L'expérience de la « honte » décrite par Sartre précise en quoi le conflit est nécessaire, inévitable : si je ne suis
moi que par autrui, ma relation fondamentale à autrui par le regard est vécue comme destituante et aliénante, car
les yeux qui se posent sur moi me réduisent à l'état d'objet.
SARTRE: Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à
moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement, je le réalise sur le mode
du pour-soi.
Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et
m'a vu.
Je réalise tout à coup toute la vulgarité de mon geste et j'ai honte.
Il
est certain que ma honte n'est pas réflexive, car la présence d'autrui à ma
conscience, fût-ce à la manière d'un catalyseur, est incompatible avec
l'attitude réflexive : dans le champ de ma réflexion je ne puis jamais
rencontrer que la conscience qui est mienne.
Or autrui est le médiateur
indispensable entre moi et moi-même : j'ai honte de moi tel que j'apparais à
autrui.
Et, par l'apparition même d'autrui, je suis mis en mesure de porter un
jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'est comme objet que
j'apparais à autrui.
Mais pourtant cet objet apparu à autrui, ce n'est pas une vaine image dans
l'esprit d'un autre.
Cette image en effet serait entièrement imputable à autrui
et ne saurait me « toucher Je pourrais ressentir de l'agacement, de la colère
en face d'elle, comme devant un mauvais portrait de moi, qui me prête une
laideur ou une bassesse d'expression que je n'ai pas ; mais je ne saurais être
atteint jusqu'aux moelles : la honte est, par nature, reconnaissance.
Je
reconnais que je suis comme autrui me voit..
»
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