Les progrès scientifiques et techniques dépendent-ils de l'expérience ?
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«
Un progrès scientifique, ou un progrès technique, peuvent être de deux ordres : soit on entend par progrès la
découverte d'un savoir que l'on méconnaissant auparavant ; soit l'on découvre un moyen d'améliorer une
connaissance antérieure pour la rendre plus conforme aux faits (dans le cas du progrès scientifique) ou plus utile
(dans le cas du progrès technique).
Il faut distinguer les concepts de scientificité et de technicité : ce qui est scientifique désigne une connaissance
orientée vers une compréhension étendue des phénomènes naturels, ou des phénomènes humains (on parle
indifféremment de sciences naturelles, de sciences physiques et de sciences humaines).
En revanche, l'objet de la
technique est plutôt les moyens qui servent à la réalisation d'une fin, sans considération particulière pour la nature
de cette fin.
On peut en effet parler de techniques médicales, sexuelles ou narratives, en fonction des domaines où
s'exerce notre compétence.
Par conséquent, nous dirons que la science se distingue de la technique parce qu'elle
est une activité de nature intellectuelle, alors que la technique a plus trait à la pratique, c'est-à-dire aux moyens
appropriés de parvenir à une fin.
L'expérience peut s'entendre de différentes manières : d'une part, l'expérience est le fait de mettre à l'épreuve une
hypothèse dans un contexte précis, qui fait l'objet d'un protocole établi en amont.
C'est ce que nous nommerons au
cours de ce travail une expérience scientifique, soit la vérification d'un postulat abstrait dans une situation définie
permettant de conclure à la véracité ou à la fausseté de ce postulat.
Mais par expérience, nous pouvons également
désigner ce qui advient dans le monde et qui fait l'objet d'un savoir pour les hommes : le passage d'une comète dans
le ciel peut faire l'objet d'une expérience collective, c'est-à-dire entrer dans la conscience humaine avant que celleci en tire une connaissance.
L'expérience peut donc aussi s'entendre comme l'avènement d'un phénomène, qui
donne lieu à un savoir nouveau pour les hommes.
Pour désigner ce concept, nous emploierons désormais l'expression
d'expérience événementielle.
A l'issu de ce rapide parcours conceptuel, nous pouvons donc conclure que la réponse à la question posée dépend
de la manière dont nous entendons le terme d'expérience : nous montrerons donc en quelle mesure les progrès
scientifiques et techniques dépendent de l'expérience scientifique, puis de l'expérience événementielle ; puis nous
nous attacherons, conformément au présupposé du sujet impliqué dans l'adverbe « seulement », à montrer que les
progrès en question peuvent advenir en fonction d'autres critères, notamment les instincts les plus obscurs de la
nature humaine.
I.
Les progrès scientifiques et techniques dépendent-ils de l'expérience scientifique ?
a.
Qu'est-ce qu'une expérience proprement scientifique ?
Avant de répondre à la question qui donne son nom à notre première partie, il nous faut préciser ce qu'est une
expérience proprement scientifique.
En effet, il s'agit là d'un concept qui demande éclaircissement, car il met en jeu
plusieurs domaines hétérogènes.
Une expérience scientifique est d'abord l'énoncé d'un postulat, c'est-à-dire d'un
énoncé de type prédicatif (par exemple : « a peut être dit de b »).
Suite à l'énoncé de ce postulat, vient la mise en
place d'un protocole qui détermine les conditions adéquates pour vérifier la véracité de ce postulat, c'est-à-dire les
conditions légitimes pour produire un discours prétendant à la vérité.
Enfin, vient la mise à l'épreuve de ce postulat
dans ce contexte au protocole précis : c'est ce que l'on nomme une expérience scientifique.
b.
Le rôle de l'expérience scientifique dans les progrès scientifiques et techniques
A la lumière de cette précision, nous pouvons dire qu'une expérience scientifique est le meilleur moyen de parvenir à
des progrès scientifiques, c'est-à-dire à un accroissement des connaissances sur la nature et sur l'homme.
En effet,
une telle expérience permet de définir les conditions de production d'un discours vrai, et la vérification des postulats
formulés en amont de l'expérience.
En revanche, l'expérience scientifique n'est d'aucune utilité dans le cas des
progrès techniques : ces derniers n'ont que faire de postulats et de démonstrations, car ils n'ont que faire de la
vérité.
Etant donné que l'utilité et l'efficacité sont leur seul but, nous pouvons dire que l'expérience scientifique ne
conditionne pas leurs progrès.
II.
Les progrès scientifiques et techniques dépendent-ils de l'expérience événementielle ?
a.
Le rôle de l'expérience événementielle dans les progrès scientifiques : Popper et la réfutabilité
Pour Karl Popper, une hypothèse scientifique n'en est une que si elle est réfutable : tant que les résultats des tests
expérimentaux sont conformes aux prédictions de la théorie, on dit que celle-ci est corroborée par l'expérience.
Dans le cas inverse, elle est falsifiée par l'expérience.
Est scientifique tout ce qui peut être falsifié.
A la lumière de
cette théorie, nous pouvons donc dire que les progrès scientifiques dépendent de l'expérience événementielle, car la
production de nouveaux effets dans le monde permet de réfuter, de falsifier des théories scientifiques antérieures,
et donc de faire progresser la science.
L'histoire des sciences physiques est celle de leur révolution permanente.
Les théories n'ont qu'une valeur
provisoire.
Des faits « polémiques » surgissent qui les contredisent, qui obligent à des révisions.
Tout succès
scientifique ouvre plus de questions qu'il n'en clôt.
Faut-il pour autant sombrer dans le scepticisme et affirmer qu'il
n'y a rien qui vaille vraiment ? Comment distinguer, dès lors, la véritable science de la métaphysique ou des pseudosciences comme l'alchimie ou l'astrologie ? Et que penser des sciences humaines ? La psychanalyse, la théorie de
l'histoire de Marx peuvent-elles prétendre légitimement à la scientificité ? Popper, dans « Logique de la
découverte scientifique » propose un critère de démarcation, capable d'établir, de manière concluante, la nature
ou le statut scientifique d'une théorie.
Il écrit : «C'est la falsifiabilité et non la vérifiabilité d'un système qu'il faut.
»
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