Les progrès de la technique sont-ils nécessairementdes progrès de la raison ?
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Il s'agit encore de l'opposition des différents « intérêts » de la raison : l'activité technique - qu'on la conçoive
comme une application de la théorie ou comme quasi-esthétique (artisanat, design) satisfait-elle à l'exigence
pratique (Kant) et a fortiori à l'exigence émancipatoire (Habermas) qui animent par ailleurs la raison ?
1ière partie:
a> Si l'on suit Habermas ou Kant, le conflit entre raison « théorico-technique » et raison « pratique » est inévitable
(Aristote l'évite en détachant la théorie de toute relation avec le travail, donc avec la technique, même au sens d'«
application », et il insiste au contraire sur l'origine empirique des théories, et déjà du calcul).
b> On l'illustrera aisément en parlant de la « déraison » technoscientifique moderne (pollution, génie génétique,
armement atomique, chimique, biologique, etc.), et...
c> il n'est pas interdit de souligner, avec l'exemple du sida, l'incompétence relative de la raison scientifico-technique
dans son propre domaine (la connaissance déjà ancienne des rétrovirus n'a pas procuré directement de moyen
d'action sur eux, cette insuffisance étant, soit scientifique, soit technique - et comment distinguer exactement les
deux ?).
2ième partie:
a› Mais, en antithèse, on devra mettre en lumière les réussites de la science, dans le domaine, par exemple, de la
mise en valeur des terres désertiques, ou dans celui de la communication multimédiatique, sinon humaine.
On
soulignera à ce propos la solidarité de la « science » et de la « technique » qui finissent par ne plus former qu'une
seule recherche (en physique même, savoir construire un accélérateur de particules est pratiquement synonyme de
connaître ces particules).
b> Dans la mesure où c'est l'homme lui-même qui définit l'opportunité de poursuivre telle ou telle recherche
scientifico-technique, il faut bien admettre qu'il détermine ce but à l'aide de sa raison pratique, et qu'il y a ainsi
coïncidence entre les « intérêts théoriques » et les « intérêts pratiques » de l'esprit humain.
c> Kant lui-même n'a pas résolu cette difficulté, mais il a indiqué la solution de l'antinomie entre théorie et pratique
dans l'unité de l'homme et de son « imagination transcendantale » - ou « créatrice » -, notion sur laquelle
insisteront ses successeurs.
3ième partie:
a› Saisir l'unité de la raison théorique et pratique (ce qui suppose d'admettre la rationalité de la société humaine
comme telle, comme le fait Hegel) n'empêche pas d'exercer, à l'instar de Freud (« Malaise dans la civilisation ») son
scepticisme à l'égard de la raison en général, soit en considérant (scepticisme « nihiliste ») que tout progrès quel
qu'il soit, quoique réel, est vide de sens (« existentialisme ») dans la mesure où la vie elle-même n'en aurait pas ;
soit...
b> ...
en considérant le progrès lui-même comme une illusion globale qu'on peut analyser en deux mouvements
contradictoires - certes, argumente Freud dans Malaise dans la civilisation, le téléphone m'informe du sort de mon
parent qui voyage au loin, mais sans le progrès des communications en général, il n'aurait pas voyagé, et je n'aurais
pas eu à m'inquiéter pour lui.
c> Pour Lacan, plus radical, il n'y a aucun progrès, puisque « ce que l'on gagne d'un côté, on le perd de l'autre ».
Dans cette perspective, le progrès, même technique, est un simple développement du « principe de raison »
(Heidegger) dans sa prétention d'« arraisonner l'Être » voire un semblant de « réponse » à l'angoisse qu'inspire à
l'homme son inconscient, projeté hors de lui comme « inconnu » (cf.
la problématique de S.
Valdinoci sur l'« Univers
interne », ou encore celles de Schelling ou J.
Charon)..
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