Les principes à partir desquels s'est construite la science mathématique ne sont-ils que des conventions arbitraires ?
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INTRODUCTION — Par opposition aux sciences expérimentales, dont l'objet est contingent, et qui, par suite,
aboutissent à des lois contingentes, les mathématiques ont passé pendant longtemps pour la science du nécessaire
: ne partent-elles pas, disait-on, de principes nécessaires et les conséquences qui en sont déduites n'en découlentelles pas rigoureusement ?
De nos jours, on tendrait à retourner la comparaison.
Le monde qu'étudient le physicien et le chimiste, s'il n'est pas
nécessaire en lui-même, s'impose du moins à eux et ils n'ont pas la faculté d'en créer un autre à leur fantaisie.
Cette
faculté est donnée, au contraire, au mathématicien qui se donne l'objet de son étude; dans cette branche, le
savant jouirait de la plus entière indépendance et les bases de départ dépendraient de son libre choix.
Que faut-il penser de cette conception ? Les principes à partir desquels s'est construite la science mathématique ne
sont-ils que des conventions arbitraires ?
I.
Si nous prenons la question à la lettre, nous pouvons répondre, sans hésiter, par la négative : ce n'est
pas à partir de conventions arbitraires que la science mathématique s'est construite en fait ou
historiquement.
A.
Sans doute, philosophes et savants discutent sur l'origine des principes, c'est-à-dire des propositions que le
mathématicien formule au départ de son étude (définitions, axiomes, postulats) et qui servent de fondement à tout
son édifice.
a) Les uns croient que ces principes ne peuvent pas être donnés par l'expérience du monde dans lequel nous vivons.
Platon les explique par une réminiscence du monde des Idées et la théorie innéiste de Descartes reprend cette
opinion sous une forme différente.
Kant en fait des conséquences de la constitution essentielle de nos facultés de
connaître et en particulier de la sensibilité.
Selon Platon, il existe un autre monde, le monde des Idées ou Formes par rapport auquel
le monde sensible n'a pas plus de consistance qu'une ombre.
La connaissance dépasse
la simple opinion en ceci qu'elle ne porte pas sur le monde sensible mais s'attache au
monde intelligible dont le sensible n'est qu'un vague et pâle reflet.
Le dualisme de Platon
est une manière d'échapper au relativisme de Protagoras.
La première raison d'être des
Idées c'est d ‘échapper au devenir sensible et de constituer ainsi l'objet d'une
connaissance possible.
En affirmant l'existence d'essences intemporelles et immuables,
séparées des choses sensibles, Platon rend possible une connaissance nécessaire et
universelle.
Connaître c'est alors contempler les Idées.
Mais si l'âme humaine peut
abandonner le sensible et se tourner vers les réalités intelligibles, c'est qu'elle a déjà
connu ces réalités dans une vie antérieure.
La connaissance est assimilée à une
réminiscence de ce monde des Idées que notre âme immortelle a entre vu avant de
s'incarner dans un corps.
Cette théorie de la réminiscence ressemble à un conte mais elle est à rapprocher de la
théorie des idées innées chez Descartes.
Celui-ci, en effet, affirme que les idées vraies
sont les idées claires et distinctes que nous trouvons en notre âme avec « leurs vraies
et immuables natures », cad qui s'imposent évidemment à nous lorsque, grâce à un doute totalitaire, nous avons
réussi à « détacher l'esprit des sens » et à lui rendre sa pureté native.
A l'opposé de l'empirisme, le rationalisme
dogmatique affirme que l'esprit humain possède en lui-même toutes les conditions de son savoir a priori, cad
antérieurement à toute expérience.
Une première solution consiste à affirmer que la raison est une donnée première qui ne doit rien à l'expérience et que
l'homme en possède congénitalement les principes.
Toute une tradition philosophique, depuis l'Antiquité grecque,
affirme que les principes de la raison existent a priori et indépendamment de l'expérience sensible.
C'est ainsi que pour Platon, l'âme les tient d'une existence antérieure à son union au corps.
Pour Platon, l'âme a une
existence distincte du corps.
Elle est immortelle, elle est source et principe du mouvement, elle est ce qui anime le
corps.
Elle a existé avant d'être enfermée en lui, elle existera après sa disparition.
Avant de s'incarner dans un
corps, l'âme a appartenu à un cortège divin, elle a eu connaissance de la vérité dans un monde suprasensible.
Pour Descartes aussi la raison est innée et irréformable.
Il voit en elle « la marque de Dieu sur son ouvrage ».
Les
principes sont de « vraies et immuables natures » ou « idées innées » et ont été comme gravés dans l'esprit de tout
homme par le créateur .
b) Au contraire, c'est de l'expérience du monde sensible que, d'après Stuart Mill et les empiristes, l'homme tire
toutes ses notions et tous ses principes.
B.
Mais personne, au temps où s'est constituée et approfondie la géométrie classique dont la première élaboration
remonte à Euclide, n'a jamais eu l'idée que le choix des principes de départ était libre.
Ceux qui les énonçaient
avaient bien l'impression de formuler mie loi nécessaire contre laquelle ils ne pouvaient rien et qui s'imposerait
toujours à quiconque comprendrait le sens des mots.
a) Pour les penseurs de l'école de Platon et pour ceux de celle de Descartes, le fait ne saurait être mis en doute :.
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