Les paysages chez Turner
Publié le 26/10/2024
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Introduction
Le paysage chez Joseph Mallord William Turner, dépasse largement la simple
représentation topographique pour devenir une exploration profonde de la relation entre
l’homme et la nature.
Artiste visionnaire du XIXe siècle, il transcende les conventions artistiques
de son époque, transformant la lumière, les éléments naturels et les forces cosmiques en
protagonistes de ses œuvres.
Tempêtes maritimes, montagnes imposantes, incendies
dévastateurs, ou encore couchers de soleil éclatants deviennent autant de métaphores de la
petitesse humaine face aux forces de l'univers.
Dans cet exposé, nous allons explorer comment
Turner, à travers ses œuvres emblématiques, en quoi ses toiles, souvent teintées de mystère et
d'émotion, incarnent une vision unique du sublime, puis comment redéfinit-il le paysage en tant
qu’expérience esthétique, et enfin comment ces paysages renvoient à la sensibilité.
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Le sublime
Le philosophe Kant nous définit le sublime comme ce que nous éprouvons face à
quelque chose qui nous dépasse.
Selon lui, c’est « ce qui est absolument grand ».
Devant un
spectacle, on éprouve que l’on n’est rien, mais, parce qu’il ne nous détruit pas, le sublime
inspire en nous le sentiment du respect.
Il favorise donc notre éveil moral et à l’idée d’une
beauté terrifiante, évoquant à la fois la fascination et l’effroi face à la nature.
C’est surtout l’idée
du plaisir mêlé d’effroi qui caractérise le sublime pour Kant.
Il éveille en nous le sens de notre
destination suprasensible à travers l’expérience de la liberté.
Dans plusieurs des réalisations de
Turner, le sublime est omniprésent, capturant la puissance et l’immensité des phénomènes
naturels tout en soulignant la vulnérabilité humaine.
Turner traduit le sublime en représentant des phénomènes naturels violents et
chaotiques, où l’humain est souvent perdu dans l’immensité de la scène, voire même absent.
Turner réduit souvent la figure humaine à de petites silhouettes, presque imperceptibles, où
l’individu est perdu dans le tumulte des vagues et des vents.
Cette dissolution des formes
rappelle que face à la nature, l’humain est un être insignifiant, englobé par des forces bien plus
grandes que lui.
On remarque ce phénomène chez le tableau Tempête de neige en mer fait en
1842.
Il utilise fréquemment des tempêtes et des phénomènes météorologiques extrêmes pour
exprimer la puissance indomptable de la nature.
Ici, le bateau à vapeur, symbole de la
technologie moderne, est englouti par la puissance de la mer déchaînée.
Selon Turner, la mer
n’est plus seulement un élément naturel, elle devient une force colossale, incontrôlable.
Turner
conçoit une scène dans laquelle les repères visuels sont délibérément flous, presque abstraits.
Les formes se fondent dans le sombre tourbillon de vagues, de vent et de neige, rendant ainsi
la distinction précise entre le bateau et son environnement difficile.
Cette esthétique floue
témoigne d'une absence totale de maîtrise, entraînant ainsi la désintégration de l'organisation et
de la rationalité humaine face à la démesure de la tempête.
Le désordre représente un autre
élément fondamental du sublime dans cette œuvre picturale.
À travers l’étroit rayon de soleil, le
sublime devient non seulement une confrontation avec la nature physique, mais aussi une
rencontre avec une forme d’infini métaphysique, une puissance divine ou une force universelle.
Le spectateur ressent une tension entre l’admiration pour la majesté des vagues et l’effroi de
voir ces navires.
L'Incendie des maisons du Parlement (1834) est une création emblématique qui incarne
parfaitement l'esthétique sublime du mouvement romantique.
Cette œuvre dépeint le feu
dévastateur qui a englouti le Parlement britannique à Londres en 1834.
Turner, spectateur
privilégié de cet instant, a figé la scène avec une passion débordante, révélant aussi la
grandeur du sublime.
Au cœur de la création artistique réside le feu, tel un symbole puissant
incarnant à lui seul une énergie dévastatrice.
Dans ce tableau urbain, il s'immisce dans la toile
de la nuit, éclairant le ciel obscur et engloutissant les bâtisses avoisinantes.
Turner donne vie
aux flammes en utilisant des teintes vives et flamboyantes, où les jaunes et les rouges intenses
dansent avec les bleus profonds et les noirs de la fumée et de l'obscurité.
La chaleur dansante
du feu se heurte brutalement à la froideur glaciale de l'obscurité ambiante, instaurant ainsi un
duel intense entre l'éclat et l'ombre.
En insérant les flammes dans la toile nocturne de Londres,
Turner tisse un lien entre la cité agitée et la quiétude de la nature.
Les reflets des flammes
dansantes sur les eaux calmes de la Tamise créent une chorégraphie lumineuse, où l'eau, le
feu et l'air semblent dialoguer en silence.
Cette scène évoque une harmonie mystérieuse,
révélant une puissance cosmique insaisissable.
L'œuvre de Turner est imprégnée d'une énergie
débordante et d'une sensation de mouvement incessant.
Les flammes exécutent une
chorégraphie céleste, s'élançant gracieusement vers l'azur, pendant que la fumée s'étire à
l'horizontale.
Les coups de pinceau utilisés par Turner insufflent une agitation perpétuelle,
conférant à l'événement une intensité dramatique et immersive pour le public.
La lueur ardente
du brasier domine la noirceur de la nuit, instaurant une atmosphère théâtrale où les ténèbres
semblent guetter.
Turner aimait jouer avec les extrêmes pour susciter une tension visuelle
intense, reflétant ainsi la tension émotionnelle éprouvée devant la grandeur de la nature ou des
événements effrayants.
En disposant la scène au-dessus de la Tamise, entre les bateaux et les
spectateurs sur les rives, l'artiste invite le public à se glisser dans la peau d'un témoin privilégié
de la tragédie.
Cela décuple les émotions, nous confrontant de manière intime à cette
expression grandiose de force destructrice.
Joseph Mallord William Turner, était un véritable virtuose de la lumière et de la couleur
dans ses œuvres.
Son art révèle des paysages majestueux et agités, où la nature oscille entre
fascination et terreur, offrant un spectacle saisissant.
L’artiste anglais nous invite à s’ouvrir
totalement à l’immensité du monde pour mieux se retrouver soi-même.
Les tableaux qu'il crée
transportent le spectateur au cœur d'un face-à-face avec la grandeur et la force brute de la
nature, le laissant à la fois émerveillé et minuscule devant cette puissance écrasante.
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Sublime → se renseigner sur John Ruskin, livre Turner
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L’expérience esthétique romantique
Selon le romantisme, l'émotion et l'imagination sont des voies indispensables vers la
compréhension.
Les émotions intenses, comme l'amour, la peur et la mélancolie sont
considérées comme des clés précieuses pour appréhender l'univers et la condition humaine.
La
nature se révèle parfois comme le théâtre où l'homme peut tisser des liens avec des
puissances.
transcendantes.
C'est précisément pour cette raison que les romantiques, à l'instar
de Turner, mettent en lumière le concept de sublime.
Le romantisme célébrait une perception
empreinte d'intuition et d'émotion du monde qui nous entoure.
Chez Turner, l'expérience
esthétique romantique se déploie dans un univers philosophique où l'art se révèle comme le
langage privilégié pour capturer et révéler les émotions les plus intenses.
Selon la tradition
romantique, cette expérience esthétique cherche à aller au-delà de la simple contemplation
pour devenir une plongée émotionnelle et intellectuelle.
Turner, considéré comme maître incontesté de cette esthétique romantique, ne se
contente pas de représenter la nature comme un simple décor à contempler, mais comme un
théâtre d'émotions intenses et renversantes.
Il emploie le sublime comme moyen d’acquérir
cette esthétique romantique, car dans le mouvement artistique du romantisme, la nature ne se
contente pas d'être un simple arrière-plan; elle se métamorphose en un protagoniste à part
entière, animé d'une puissance et d'une intention bien à lui.
Turner magnifie la nature en lui
accordant une place prépondérante dans ses œuvres, où la mer, le ciel et la lumière se
disputent la vedette.
Turner exploite également des effets de lumière et d’atmosphère pour évoquer une
forme plus transcendante du sublime.
L’artiste joue avec la lumière pour créer des scènes où
les éléments naturels se fondent dans des atmosphères vaporeuses.
Dans l'œuvre Lever de
soleil avec monstres marins (1845), les formes sont floues, comme si elles étaient en train de
se dissoudre dans la lumière, ce qui donne un sentiment de dissolution de la matière ellemême.
Ici, les tons sont ocres, jaunes, crèmes et l’ensemble demeure absolument flou et sans
distinction; tout apparait comme uniquement et essentiellement intuitif.
Tout est trop brumeux
pour parvenir à offrir une quelconque distinction.
Cette lumière intense, quasi mystique, plonge
le spectateur dans une contemplation où, au lieu de la nature, c’est la lumière qui semble
dépasser toute représentation physique.
Ce jeu de contraste entre la lumière et l'ombre reflète
l'opposition romantique entre le sublime et le beau, entre l’inquiétude et l’émerveillement.
Le
romantisme célèbre les émotions intenses et singulières.
Il explore les méandres de son être,
révélant ses passions brûlantes et ses tourments profonds.
De la même manière, l'art abstrait
délaisse la reproduction fidèle du réel pour se plonger dans l'exploration des émotions et des
pensées de l'artiste.
Dans l'art abstrait, les formes et les couleurs se transforment en
messagers d'émotions, tandis que les paysages tourmentés et les ambiances lumineuses des
peintures romantiques cherchent à susciter des sentiments profonds.
Chez Turner, sa
technique est fluide, évanescente, tout coule, comme le temps.
Si la figuration est absente, le
temps reste également indéfini,....
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