Les passions sont-elles un obstacle aux devoirs de l'homme ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
PASSION:
* C e que l'âme subit, ce qu'elle reçoit passivement.
Chez Descartes, le mot désigne tout état affectif, tout ce que le corps fait subir à
l'âme.
Son origine n'est pas rationnelle ni volontaire.
* Inclination irrésistible et exclusive qui finit par dominer la volonté et la raison du sujet (la passion amoureuse).
DEVOIR:
1) Obligation morale, opposée à obligation juridique; le devoir est une obligation interne au sujet, l'obligation juridique une obligation
externe (une contrainte).
2) Le problème sous-jacent consistant à trouver le fondement d e cette obligation, Kant fera du devoir un absolu: "Le devoir est la
nécessité d'accomplir l'action par pur respect pour la loi."
3) Un devoir: tout ce qui correspond à une obligation morale.
[Introduction]
Le devoir, tel que le rigorisme kantien, le conçoit paraît peu compatible avec les désirs et les passions.
On peut toutefois se demander si
toutes les passions entraînent des conséquences semblables relativement au devoir, et si faire son devoir, avec la satisfaction qui peut en
découlé, n'aurait pas quelque point commun avec ce que nous apportent les passions.
[I.
Sa majesté le devoir]
La définition la plus simple du devoir est s a n s doute d e le comprendre c o m m e ce qui doit être par
opposition à ce qui est.
Mais il faut ajouter que le devoir, pour être authentiquement perçu ou saisi, doit
prendre l'aspect d'un impératif.
Impératif catégorique chez Kant.
Le devoir se réfère donc à une loi, dont
la forme impérative est immédiatement fait appel à la raison d e l ' h o m m e e t n o n à ses passions: "Tu
dois donc tu peux".
Cette brève citation d e Kant, à la formulation orale et concentrée, s'axe sur d e u x verbes : devoir et
pouvoir.
Devoir, c'est être obligé de faire quelque chose, que ce soit par une contrainte extérieure (on
m e d o n n e tel ordre) ou par une contrainte intérieure, et alors c'est la morale, et, plus précisément, la
moralité, qui entre en jeu.
Pouvoir, c'est être capable de, ou être autorisé à faire quelque chose.
Kant pose un rapport de cause à conséquence assez surprenant entre ces deux verbes : le pouvoir faire
découlerait du devoir faire.
Or cela pose problème : ce n'est pas parce que l'on doit faire quelque chose
que les conditions de possibilité de la réalisation de ce devoir sont réunies.
Il ne faut alors peut-être pas
prendre cette citation c o m m e posant des conditions d e possibilité, m a i s c o m m e affirmant un primat
absolu du devoir sur tout autre type de motivation de nos actes, et alors l'enjeu du sujet est moral.
Évoquer ces capacités rationnelles semble écarter les passions.
N'admet-on pas, classiquement, que les
passions dérangent tout ce qui participe d e la raison ? Elles troublent la p e n s é e et la réflexion.
Le
passionné manque à tous ses devoirs, foule a u x pieds les lois.
Les philosophes d e la tradition
rationaliste - de Platon à Kant sont en conséquence unanimes dans leur condamnation de la démesure
passionnelle.
C'est aussi qu'elles semblent contredire, par leur nature même, l'exercice de notre volonté que s u p p o s e l e devoir : elles ne sont que
démesure, alors que la loi morale est synonyme de modération et de lucidité ; elles nous brûlent, alors que le devoir paraît synonyme
d'une nécessaire froideur: elles nous enthousiasment, tandis qu'il est rare que l'on se sente exalté par le devoir à accomplir.
L'amour
nous transporte, le devoir nous arrête !
Le caractère proprement immoral de la passion.
Ce principe peut à son tour être scindés en deux, selon le fondement de la morale que
l'on retient.
Si ce fondement est la raison, en tant qu'instance capable d e discerner l e b i e n et le mal, il nous renvoie à l'idée q u e le
passionné se trouve submergée par un flot irrépressible qui manifeste la domination du corps ou de l'imagination sur la raison, pourtant
seule instance légitime pour la connaissance et l'action.
Inversant la hiérarchie des principes constitutifs de l'être humain, les passions
vouent l'homme à tous les excès.
Mais s'il s'agit d'une morale religieuse, il s'articule soit autour du concept de « désir », soit autour de celui du « péché ».
Le « péché »
exprime la rupture des relations avec Dieu, de la part d ' u n h o m m e q u i s e voudrait « autonome » alors même qu'il n'est que créature.
Saint Augustin déterminera trois vices matriciels : la volonté de puissance, la jouissance, et la possession, issus du péché originel, et qui
sont à la base de nombre de passions « immorales ».
Un texte en guise d'argumentation et de référence:
« Je m'aperçois qu'une passion violente te pousse aux plaisirs de l'amour.
Or, à condition que tu
ne veuilles renverser les lois, ni ébranler ce qui est honnêtement établi par l'usage, ni affliger ton
prochain, ni fatiguer ton corps, ni gaspiller les moyens nécessaires à l'existence, tu p e u x suivre ton
impulsion à ta guise.
Il est impossible de ne pas commettre une au moins de ces choses, car les plaisirs
de l'amour ne nous ont jamais servi, il faut s'estimer heureux s'ils ne nous nuisent pas.
[...]
Quand on n'a plus l'occasion d e voir l'objet bien-aimé, quand les relations intimes et le commerce
cessent, la passion amoureuse s'affaiblit.
»
Epicure, « Maximes ».
Epicure énumère les conditions d'un désir légitime, tant dans les domaines de la législation, des
conventions sociales, de la morale, que de la santé et de l'économie.
Mais il s'agit là d'une formule de
rhétorique ; une telle somme d'exigences s'avère être une gageure, ou plutôt l'exposé des griefs
d'Epicure envers la passion ; puisqu'elles sont non seulement inutiles, mais nuisibles.
Dans d'autres textes, Epicure distingue parmi les plaisirs , ceux qui sont naturels et nécessaires, ceux
qui sont naturels mais non nécessaires, et enfin ceux qui ne sont ni naturels et non nécessaires.
Or, le
sage recherche les premiers et méprise les autres.
L ‘épicurisme est donc une morale du plaisir, mais
dans les limites du simple besoin ; sa finalité est l'ataraxie ; sa méthode consiste à se contenter d e p e u , à n e désirer que ce qui est
nécessaire, et à fuir tout ce qui peut stimuler des impulsions artificielles et excessives, c o m m e nous y invite la fin d e notre texte.
Contrairement à une réputation infondée, la morale épicurienne est donc incompatible avec les passions.
[II.
De la compatibilité entre devoir et passion]
O n peut ainsi concevoir la possibilité d'un accord entre le devoir et la sensibilité, et l'opposition théorique entre devoir et passions
commence à s'affaiblir.
Cela semble d'autant plus normal que certaines passions sont bien de nature à nous pousser dans le sens même du devoir.
Condamner.
»
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