Les passions nous empêchent-elles de faire notre devoir ?
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Analyse :
* L'intitulé du sujet propose de confronter deux notions : les passions et le devoir.
Une première difficulté apparaît dans le fait que le devoir est une notion au programme tandis que la passion ne l'est
plus.
Cette difficulté est néanmoins atténuée par la présence certaine de cette notion dans quelques textes
philosophiques de votre manuel tellement elle nourrit la réflexion.
D'où une seconde raison pour tempérer cette
difficulté : l'intérêt que les passions suscitent.
* Pour faire que cette intérêt soit philosophique, il faut situer les passions dans un réseau conceptuel.
Proposons deux niveaux.
-Du point de vue de notre nature sensible et sociable, la passion doit être mise en relation avec le besoin et le
désir.
-Cette nature doit ensuite être confrontée à notre raison morale.
Ces deux points de vue vont permettre de développer et d'organiser avec cohérence les deux aspects apparemment
contraires de la passion.
Dans son étymologie (patior, souffrir, supporter), le terme « passions » renvoie à la
passivité de l'individu.
La passion du jeu domine un homme qui devient prisonnier des casinos.
L'amour soumet
l'amoureux aux tourments de la jalousie.
Pourtant, dans notre société, la passion est jugée favorablement.
Elle est
même un réflexe identitaire.
Dis-moi ta passion et je te dirais qui tu es.
Un être sans passion n'est pas loin de la
dépression.
L'idéologie de la passion est liée au culte de la performance et de la réussite.
Elle est ce qui permet à chacun de se dépasser, de donner le meilleur de lui-même.
Le passionné de musique n'est-il
pas celui qui crée les oeuvres les plus belles ? Un passionné de mathématiques n'est-il pas promis à la carrière la
plus exemplaire ?
* Une fois ces distinctions clairement établies, il faut définir la seconde notion du sujet : le devoir.
Dans son origine étymologique, le devoir renvoie au latin « debere » qui signifie « avoir quelque chose en le tenant
de quelqu'un ».
Si on développe la signification de l'étymologie, on doit associer le devoir à la dette.
« avoir quelque
chose en le tenant de quelqu'un », c'est lui être redevable.
Le devoir implique donc une injonction extérieure (autrui, la loi, la société).
Mais quelle est la finalité de cette
injonction ? Est-ce la recherche du bonheur ou l'obéissance catégorique ?
Problématique :
En poussant chacun hors de lui-même, les passions ne favorisent-elles pas l'accomplissement du devoir par
l'éducation à la réalité ? Mais ce dynamisme hors de soi n'est-il pas qu'un moyen illusoire pour satisfaire notre nature
égoïste ? Finalement, la passion n'est-elle pas essentiellement contraire au devoir, du point de vue de l'individu, et
un moyen pour lui (le devoir) de s'accomplir à un niveau collectif ?
1) La passion est un dynamisme qui intègre l'individu à une collectivité et le force à obéir aux règles qui
l'organisent.
* Remarquons d'abord que la passion participe du même mécanisme à l'oeuvre dans le désir et contraire au besoin.
Le besoin renvoie à notre dépendance aux objets qui satisfont notre nature physique.
Nous avons besoin d'eau,
d'aliments, d'habits, de logement.
Le désir ajoute à cette dépendance celle du regard de l'autre et sollicite notre
dimension psychologique plus que physique.
J'ai besoin d'un toit, mais je désire une villa.
J'ai besoin d'un moyen de
locomotion, mais je désire une belle voiture.
Je désire donc une chose parce qu'elle me donne une valeur aux yeux
d'autrui.
* La passion accroît l'intensité du désir.
Si je désire une belle voiture, il se peut que je me prenne de passion pour
les belles voitures.
Je cherche à devenir un excellent pilote.
Je me mets à rêver de gagner des rallyes.
Ainsi je
deviendrais un héros.
En m'admirant, autrui reconnaîtra que je suis digne de m'admirer.
* Or pour que les individus satisfassent leurs passions, ils doivent s'intégrer à des institutions en charge de gérer les
mécanismes de reconnaissance.
Un musicien rêve de créer les plus grandes symphonies.
Un mathématicien rêve de
découvrir les plus profonds théorèmes.
Mais si la passion de chacun pousse au sommet de la hiérarchie, il faut que le
musicien et le mathématicien apprennent les règles de leur discipline au sein d'une communauté qui seule pourra les
reconnaître dignes d'être admiré.
* Dans cette conception du devoir, le respect des règles et des obligations sont un moyen pour satisfaire les
passions.
Dès lors, si un moyen différent du devoir permettait à un homme de satisfaire ses passions, il ne s'en
priverait pas.
C'est ce que Platon met en scène par le mythe de Gygès dans la République.
Imaginez un homme qui
possède un anneau le rendant invisible.
Il pourrait alors, sans dommage, s'approprier tout ce qu'il veut.
Transgressant tout devoir, il pourrait satisfaire toutes ses passions et se croire réellement heureux.
* Cependant cette représentation du devoir est-elle vraiment en accord avec ces deux significations que sont la
recherche du bonheur et l'obéissance catégorique ?
2) La passion cantonne la recherche du bonheur dans un imaginaire fictif et contredit le sens fondamental
de l'obligation catégorique.
* C'est un lieu commun de dire des passions qu'elles sont aveuglantes.
En fait, cette opinion renvoie à un puissant.
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