Les oeuvres d'art nous font-elles oublier le réel ?
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Il n'en est pas moins que l'art nous permet également de découvrir des pans de la réalités qui jusque là nous échappaient. « trouver du nouveau » selon le mot de Baudelaire, tel peut être une des finalités de l'art. L'importation des styles par exemple, est un fait qui marque toute l'histoire de l'art : l'orientalisme par exemple ne se réduit pas aux arts décoratifs, et manifeste un intérêt aigu de l'époque pour les terres étrangères. C?est au contemplateur, à sa subjectivité propre, qu'il revient en regardant ces ?uvres d?oublier la réalité présente ou de considérer cela comme une manifestation d?un autre mode de réalité.
III Discussion autour de l'art contemporain
Le tournant « post moderne » inauguré par l'art conceptuel marque un point d'arrêt à une conception esthétique de l'art. Cela est rendu particulièrement visible avec le pop'art aux Etats-Unis, ou les ready-made de Duchamp. L'art, loin de nous bercer d'illusions et de nous faire soit entrevoir une réalité sous-jacente, soit de nous illusionner, devient un constant clin d'oeil aux réflexes de la société de consommation. Que dire de la série des Marilyn de Warhol, si ce n'est qu'il joue sur une constante ironie ? En manipulant des clichés, l'art de cette période se veut une critique sévère de la société de consommation. Mais à force de dédoubler la réalité, la tentation apparaît grande de s?en échapper par d'autres voies que celles proposées par l'art.
Si l'artiste semble, grâce à ses créations, nous convier à pénétrer dans un autre monde, n'est-ce pas par désir d'oublier le réel ? En outre, si l'amateur d'art trouve plaisir à la contemplation esthétique, n'est-ce pas parce que celle-ci lui fait oublier le monde de la quotidienneté ? L'art ne serait alors qu'une fuite de la réalité. Le oeuvres d'art n'auraient alors qu'une fonction divertissante comme le déplorait PLATON.
«
L'expression « le monde de l'art » semble faire de l'ensemble des œuvres et des individus s'y intéressant une
communauté à part entière, comme constituant une réalité en marge de celle du commun.
Pourtant, les œuvres dites engagées ne sont pas choses rares : les artistes prouvent régulièrement qu'ils sont
sensibles aux évènements du monde.
Dès lors, se demander si l'art nous fait oublier la réalité, c'est s'interroger sur
ses rapports avec une objectivité supposée.
Cet « oubli » n'est-il qu'un temps d'arrêt nécessaire ou une
transposition dans un monde nouveau ? Comment distinguer la réalité vécue de l'artiste et celle du sens commun,
laquelle pourrait être dite plus légitime que l'autre ?
Il apparaît nécessaire de se concentrer dans un premier temps sur la rencontre entre le contemplateur et l'œuvre :
quelles facultés sont en jeu, comment une expérience de l'oubli est-elle possible ?
Dans quelle mesure cet oubli est-il radical, quel est le rôle de l'originalité : le second mouvement de la réflexion
s'insère dans une perspective de réinvention du regard, de la réalité, et non plus dans celle d'une amnésie partielle.
Enfin, on a souhaité amorcer un débat autour de l'art contemporain : comment penser un art qui n'est qu'une redite
de la réalité ?
I Singularité de l'expérience esthétique
Dans sa Critique de la Faculté de Juger, Kant souligne que l'expérience
de la beauté constitue un moment à part entière, en tant que cette
rencontre entre sujet et œuvre s'établit de manière tout à fait
désintéressée.
·
« Est beau l'objet d'une satisfaction désintéressée ».
La satisfaction est désintéressée, ce qui signifie que nous ne pouvons
l'éprouver que si nous sommes dans un certain état d'esprit par rapport à
l'objet.
Kant ne veut pas dire que la beauté ne nous intéresse pas, que nous
sommes indifférents mais que le plaisir esthétique naît lorsque nous n'avons
pas le souci de l'utilité (celui qui va en mer dans le seul but de pêcher, qui
porte sur elle un regard de technicien, n'éprouvera pas de plaisir esthétique),
de l'agréable ( celui qui porte un regard lubrique sur un Nu, éprouve une
satisfaction charnelle qui est d'un autre ordre que la satisfaction esthétique),
du bien ( celui qui apprécie une œuvre engagée en raison de son caractère
moral, éprouve une satisfaction morale qui n'est pas esthétique).
Le beau
n'est ni l'agréable ni le Bien.
Certes une satisfaction peut être morale et
esthétique, les deux ne s'excluent pas mais en tant qu'esthétique, elle n'est
pas morale.
A l'encontre de Platon, Boileau, Hegel, Kant affirme que le beau
n'est pas le vrai.
Mais il n'est pas non plus le pur sensible puisque le beau ne
se réduit pas à l'agréable bien que satisfaction esthétique et sensuelle ne s'excluent pas.
Et de cela Hume ne peut
rendre compte.
De même qu'une œuvre d'art immorale peut être belle, de même, peut l'être une œuvre désagréable,
qui nous déchire et bouleverse.
Et inversement, une musique agréable (par les sonorités, le passé qu'elle évoque)
n'est pas belle pour autant bien que nous ayons tendance à confondre beauté et agrément.
Par conséquent, le
plaisir esthétique est le seul plaisir libre.
Il n'est pas l'effet de la satisfaction de quelque chose, du besoin du corps
ou d'une impératif de la raison.
Libre parce que désintéressé.
La contemplation d'une œuvre d'art et la rencontre avec la beauté constitue un moment à part entière, qui
ne peut être réduit à une expérience de la vie quotidienne.
De plus, cette occasion entraîne le « libre jeu des
facultés » que sont entendement, raison et imagination.
Il existe un moment où le sujet ne peut que faire silence :
en ce sens, l'expérience esthétique est un moment hors de la réalité, où seule la communion entre le contemplateur
et l'œuvre importe.
Mais ce moment « hors de la réalité » n'est-il pas provoqué par le savoir-faire illusionniste de l'artiste ? Dans
La République, Platon édicte une condamnation ferme de l'art.
Mais il convient d'établir une distinction car ce n'est
qu'une seule modalité de l'image que Platon met au banc : l'eidolon ou simulacre.
Ce dernier prétend rivaliser avec le
modèle, constituant ainsi une substitution.
Cette image trop parfaite empêche l'accès à la réalité au sens où nous
l'entendons cette fois comme le Monde des Idées, et n'est que copie de copie : la réalité sublunaire étant déjà
copie des Idées, l'œuvre est en plus copie de l'objet présent dans le monde sublunaire.
Ainsi entendu, l'Art nous
détourne de la réalité vers laquelle tout homme devrait tourner son regard.
Cette condamnation de l'art, créateur d'un monde d'illusions qui nous éloigne de la réalité est exacerbée chez
Rousseau.
Si la fin de la transparence entre les hommes remonte aux premières formes de sociétés fondées sur la
propriété, l'art ne constitue qu'une forme de plus dans l'éloignement des hommes.
Aller au théâtre, ce n'est
qu'assister à un nouveau travestissement des individus, doublé par le travestissement des spectateurs, qui
n'assistent aux représentations que dans le seul but de se montrer.
Pour reprendre la terminologie de Starobinski,
l'art constitue un obstacle de plus aux échanges.
II L'art instaure de nouveaux rapports à la réalité
Mais il apparaît que la critique de Rousseau est fortement connotée historiquement : car le théâtre n'est
pas seulement l'art des apparences, ce fut, au temps d'Aristote un espace à part entière de la Cité.
La principale
vertu de la tragédie, exposée dans La Poétique, consiste en une katharsis, c'est-à-dire une purgation des passions,
qui passe par la crainte et la pitié.
Certes, ce qui est représenté sur scène constitue une histoire fictionnelle, il l'en.
»
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