Les nombres gouvernent-ils le monde ?
Extrait du document
«
THÈMES DE RÉFLEXION
• « L'univers ne peut se comprendre si l'on n'a préalablement appris la langue, et à en connaître les caractères
employés pour l'écrire.
Ce livre est écrit dans la langue mathématique : ses caractères sont des triangles, des
cercles et d'autres figures géométriques, sans l'intermédiaire desquels il est impossible d'en comprendre
humainement un seul mot.
» Saggiatore, Galilée.
Bachelard : « Par exemple l'outil tensoriel est un merveilleux opérateur de généralité; à le manier, l'esprit acquiert
des capacités nouvelles de
généralisation...
Dans la nouvelle science relativiste, un unique symbole mathématique dont la signification est
prolixe désigne les mille traits d'une Réalité cachée : la pensée est un programme d'expériences à réaliser...
Le calcul
tensoriel...
est un instrument mathématique qui crée la science physique contemporaine comme le microscope crée
la microbiologie.
» Le Nouvel Esprit scientifique, p.
58 et 59 (P.U.F.)
• Il est important de savoir que le « réel » ne s'adapte pas toujours très bien aux structures mathématiques (du
moins
existantes).
Ce qu'affirmait par exemple Einstein : « Pour autant que les propositions de la Mathématique se
rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines et pour autant qu'elles sont certaines, elles ne se rapportent pas
à la réalité.
»
— Combien d'essais de généralisations, de mathématisations, dont l'histoire de la science du XXe siècle est remplie,
qui n'ont pas réussi à rejoindre le réel ? Il est sans doute utile de souligner ici l'existence d'une réalité physique qui «
résiste » à notre connaissance.
— Galilée a donné la forme de la nouvelle science (la physique « mathématisée ») en écrivant qu'elle devait
s'occuper de « mesurer tout ce qui peut se mesurer, et faire en sorte qu'on puisse mesurer ce qui ne peut pas l'être
directement ».
— Or on ne peut mesurer que des variations — et encore comme le savait parfaitement Galilée, seulement les unes
par rapport aux autres.
(Par exemple la « force » en physique n'est pas une notion magique; c'est très exactement
un « principe de variations ».)
La question qui se pose est alors de savoir — comme il est postulé par Galilée — si l'univers n'est que variations,
n'est que relations.
• Soulignons ici qu'il semble que ce soit là une position « idéaliste » au sens philosophique du terme, ce qui indique
l'enjeu philosophique de la réflexion induite par le sujet.
— Prendre garde au fait que depuis plus d'un demi-siècle maintenant les théories physiques se sont peu à peu
converties en un système de lois statistiques.
Ce sont des lois de probabilité qui apparaissent comme les plus «
proches des faits » (dans l' « infiniment grand » et l' « infiniment petit »).
D'où la question : la physique
contemporaine nous parle-t-elle de l' « Être réel » ou de l' « Être probable » ?
• D'autre part une réflexion sur ce qui se passe en microphysique peut nous amener à nous demander si lorsque
l'expérimentateur « observe » un fait, il ne le « fabriquerait » pas (du moins dans une certaine mesure).
(Cf.
ce qui a
conduit au « principe d'indétermination ».) Or qu'y a-t-il de plus éloigné de « connaître la Réalité » que « faire » la
Réalité ? Dans le même ordre d'idées, Bachelard indique que la science moderne travaille sur des phénomènes
factices.
Par exemple : « Sans l'homme sur la terre pas d'autres causalités électriques que celle qui va de la foudre au
tonnerre : un éclair et un bruit.
Seule la société peut lancer de l'électricité dans un fil; seule elle peut donner aux
phénomènes électriques la causalité linéaire du fil...
»
L'Activité rationaliste de la physique contemporaine (P.U.F.), p.
221.
• Nietzsche pense l'utilisation des mathématiques dans la science comme effet d'une ontologie et d'un pragmatisme
caractéristiques de l'esprit plébéien (non noble).
« La « science », telle qu'on la pratique de nos jours, est un essai
de créer pour tous les phénomènes un langage chiffré commun, qui permette de calculer, donc de dominer plus
aisément la nature.
Mais ce langage chiffré qui résume toutes les « lois » observées n'explique rien — c'est une
sorte de description des faits aussi brève (aussi abrégée) que possible.
» Extrait de : Volonté de Puissance, tome I,
livre II, § 349.
« Les « savants » croient que le monde doit avoir sa mesure dans nos petites échelles, et son équivalence dans
notre petite pensée...
Eh quoi ? Voudrions-nous vraiment laisser dégrader ainsi l'existence ? La rabaisser au rang de
composition de calcul, en faire un petit pensum pour mathématiciens ? Il faut d'abord refuser à tout prix de la
dépouiller de son caractère protéique; c'est le bon goût qui l'exige, messieurs, le respect de tout ce qui dépasse
votre horizon! » Extrait de : Le Gai Savoir, livre V, § 373.
• Consulter Le Problème de la vérité dans la philosophie de Nietzsche de Granier (Seuil), notamment le chapitre I :
Métaphysique et Vérité et tout spécialement le sous-chapitre II : Le Rationalisme scientifique conséquence de la
Métaphysique.
I.
— INTRODUCTION.
Notre siècle semble être devenu mathématique avant tout.
Les sciences physiques elles-mêmes, plaçant au second.
»
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