Les mots sont-ils l'essence des choses ?
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Problématique
Le langage est composé de mots qui sont les signes des objets de notre connaissance.
Face à l'impossibilité d'utiliser en permanence la définition
monstrative d'un objet en le montrant du doigt, l'homme a du recourir a des signes phonétiques et écrits pour pouvoir se faire comprendre d'autrui.
Cependant face à la multiplicité des langues et à la sempiternelle évolution du langage, comment peut on associer de façon certaine un mot donné et l'objet
qu'il désigne?
PLAN
I Les mots comme signe de l'objet
Les mots sont des signes utilisés par le langage pour désigner un objet .
Ils sont chacun rattaché à une idée d'objet, une catégorie, un genre et sont
nécessaires à l'homme pour communiquer.
C'est uniquement dans un langage commun que l'homme peut se faire comprendre d'autrui car la communication
de conscience à conscience est impossible.
II Le signifiant et le signifié
Cependant plus qu'un simple palliatif, le mot se veut signifiant d'un objet précis, cependant un même mot peut se rattacher à une multiplicité de
signifiés.
Si je dis « cette table », je parle d'une table précise cependant le mot table peut être appliqué à toutes les tables existantes.
L'objet est unique
mais le signe est multiple.
III Les mots comme phénomènes
Un mot ne désigne donc pas précisément une chose, il ne fait que s'en rapprocher pour être compréhensible par mon interlocuteur.
Les mots sont
donc la manifestation de la chose chez moi à travers le langage en tant que phénomène.
Devant l'absence d'une langue universel qui serait innée à chaque
homme et serait parfaite les hommes ont du accorder ensemble des signes pour se comprendre et pallier à la mythique condamnation de la tour de babel.
Textes utiles
Bergson
Si [...] les fourmis, par exemple, ont un langage, les signes qui composent ce langage doivent être en nombre bien déterminé, et chacun d'eux rester
invariablement attaché, une fois l'espèce constituée, à un certain objet ou à une certaine opération.
Le signe est adhérent à la chose signifiée.
Au contraire,
dans une société humaine, la fabrication et l'action sont de forme variable, et, de plus, chaque individu doit apprendre son rôle, n'y étant pas prédestiné par
sa structure.
Il faut donc un langage qui permette, à tout instant, de passer de ce qu'on sait à ce qu'on ignore.
Il faut un langage dont les signes - qui ne
peuvent pas être en nombre infini - soient extensibles à une infinité de choses.
Cette tendance du signe à se transporter d'un objet à un autre est
caractéristique du langage humain.
On l'observe chez le petit enfant, du jour où il commence à parler.
Tout de suite, et naturellement, il étend le sens des
mots qu'il apprend, profitant du rapprochement le plus accidentel ou de la plus lointaine analogie pour détacher et transporter ailleurs le signe qu'on avait
attaché devant lui à un objet.
" N'importe quoi peut désigner n'importe quoi ", tel est le principe latent du langage enfantin.
On a eu tort de confondre cette
tendance avec la faculté de généraliser.
Les animaux eux-mêmes généralisent, et d'ailleurs un signe, fût-il instinctif, représente toujours, plus ou moins, un
genre.
Ce qui caractérise les signes du langage humain, ce n'est pas tant leur généralité que leur mobilité.
Le signe instinctif est un signe adhérent, le signe
intelligent est un signe mobile.
Merleau-Ponty
L'algorithme, le projet d'une langue universelle, c'est la révolte contre le langage donné.
On ne veut pas dépendre de ses confusions, on veut le refaire à la
mesure de la vérité, le redéfinir selon la pensée de Dieu, recommencer à zéro l'histoire de la parole, ou plutôt arracher la parole à l'histoire.
La parole de
Dieu, ce langage avant le langage que nous supposons toujours, on ne la trouve plus dans les langues existantes, ni mêlée à l'histoire et au monde.
C'est le
verbe intérieur qui est juge de ce verbe extérieur.
En ce sens, on est à l'opposé des croyances magiques qui mettent le mot soleil dans le soleil.
Cependant,
créé par Dieu avec le monde, véhiculé par lui et reçu par nous comme un messie, ou préparé dans l'entendement de Dieu par le système des possibles qui
enveloppe éminemment notre monde confus et retrouvé par la réflexion de l'homme qui ordonne au nom de cette instance intérieure le chaos des langues
historiques, le langage en tous cas ressemble aux choses et aux idées qu'il exprime, il est la doublure de l'être, et l'on ne conçoit pas de choses ou d'idées
qui viennent au monde sans mots.
Qu'il soit mythique ou intelligible, il y a un lieu où tout ce qui est ou qui sera, se prépare en même temps à être dit.
Jean-Paul SARTRE
Les poètes sont des hommes qui refusent d'utiliser le langage.
Or, comme c'est dans et par le langage conçu comme une certaine espèce d'instrument que
s'opère la recherche de la vérité, il ne faut pas s'imaginer qu'ils visent le vrai ni à l'exposer.
Ils ne songent pas non plus à nommer le monde et, par le fait, ils
ne nomment rien du tout, car la nomination implique un perpétuel sacrifice du nom à l'objet nommé ou, pour parler comme Hegel, le nom s'y révèle
l'inessentiel, en face de la chose qui est essentielle.
Ils ne parlent pas, ils ne se taisent pas non plus : c'est autre chose.
[...] En fait, le poète s'est retiré
d'un seul coup du langage-instrument; il a choisi une fois pour toutes l'attitude poétique qui considère les mots comme des choses et non comme des
signes.
Car l'ambiguïté du signe implique qu'on puisse à son gré le traverser comme une vitre et poursuivre à travers lui la chose signifiée ou tourner son
regard vers sa réalité et le considérer comme un objet.
L'homme qui parle est au-delà des mots, près de l'objet; le poète est en deçà.
Pour le premier, ils
sont domestiques; pour le second, ils sont à l'état sauvage, ce sont des choses naturelles qui croissent naturellement sur la terre comme l'herbe et les
arbres.
HOBBES
Les noms des choses qui ont la propriété de nous affecter, c'est-à-dire de celles qui nous procurent du plaisir ou du déplaisir, ont, dans la conversation
courante des hommes, une signification changeante parce que tous les hommes ne sont pas affectés de la même façon par la même chose, ni le même
homme à des moments différents.
Étant donné en effet que tous les noms sont donnés pour signifier nos représentations et que toutes nos affections ne sont
rien d'autre que des représentations, lorsque nous avons des représentations différentes des mêmes choses, nous ne pouvons pas facilement éviter de leur
donner des noms différents.
Car même si la nature de ce que nous nous représentons est la même, il reste que la diversité des façons que nous avons de la
recueillir, diversité qui est fonction de la différence de constitution de nos corps et des préventions de notre pensée, donne à chaque chose une teinture de
nos différentes passions.
C'est pourquoi, lorsqu'ils raisonnent, les hommes doivent prendre garde aux mots, lesquels ont aussi, au-delà de ce que nous
imaginons leur être propre, une signification renvoyant à la nature, à la disposition et à l'intérêt de celui qui parle; tels sont les noms des vertus et des vices
: car un homme appelle sagesse ce que l'autre appelle crainte; et l'un appelle cruauté ce que l'autre appelle justice; l'un prodigalité ce qu'un autre appelle
magnificence; l'un gravité ce qu'un autre appelle stupidité, etc.
Il en résulte que de tels noms ne peuvent jamais être les véritables fondements d'aucune
espèce de raisonnement.
Les métaphores et les figures du discours ne le peuvent pas davantage: mais elles sont moins dangereuses parce qu'elles
professent leur caractère changeant, ce que ne font pas les autres nomes..
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