Les mots sont-ils des choses ?

« Introduction : Le langage est une faculté qui nous permet de formuler des propositions et une proposition est un agencement de mots dans un certain ordre signifiant.

La vérité est l 'adéquation d'une proposition à ce qui est extérieur à l'esprit humain.

Ainsi une proposition serait vraie lorsque l'ordre de ses mots correspond adéquatement à un certain ordre dans les choses.

En ce sens, si le critère de la vérité se réduit à une correspondance entre le langage et les choses, il ne pourrait pas exister une vérité au-delà du langage.

Toutefois cette thèse n 'est valide que si l'on présuppose une analogie entre l 'ordre des choses et l'ordre des mots.

Dans la mesure où cette analogie répond à un désir de l'esprit dont on ne peut savoir s 'il est fondé, il n'est pas forcément prudent de fonder notre rapport à la vérité sur le langage.

A insi on peut parfaitement envisager une vérité au-delà du langage.

Néanmoins s'il existe une vérité au-delà du langage, il convient de se demander si le langage nous en éloigne nécessairement ou s'il peut nous permettre de nous en rapprocher ? I Il ne peut pas exister de vérité au-delà du langage _ Le langage est essentiel à la vérité.

La vérité est l'adéquation d'une proposition à ce qui est extérieur à l 'esprit humain.

Ainsi une proposition serait vraie lorsque l 'ordre de ses mots correspond adéquatement à un certain ordre dans les choses.

C'est ce que l 'on peut soutenir avec Aristote au chapitre I du livre I du de Interpretatione : les choses affectent l'âme sous la forme de représentations, et ses représentations sont symbolisées par des sons vocaux qui expriment ces affections psychiques.

Ainsi si c'est par le langage que l'on accède la vérité; il s'agit de demander s'il n'y a de vérité que par le langage.

Car ce n'est que si l'on montre qu'il n'y a de vérité que par le langage qu'on aura prouvé qu'il ne peut exister de vérité au-delà du langage. _ Peut-on accéder à la vérité par delà les mots par la seule pensée ? La pensée pure serait en effet un moyen non langagier par lequel nous accédons à la vérité.

Néanmoins, on ne pense jamais indépendamment des mots; c 'est ce que l'on peut soutenir avec Hegel dans le chapitre I de la Phénoménologie de l'esprit : la pensée se fait dans les mots et la vérité ne peut se formuler que dans un langage qui arrache une proposition à la confusion de l 'esprit .

Nous pensons toujours au sein d 'une langue que nous nous en apercevions ou non; Ainsi il n 'y aurait pas d'indépendance de la pensée par rapport au langage.

La vérité aurait beau n'être accessible que par la pensée, si la pensée se joue toute entière dans le langage, alors ce n 'est que par le langage que nous pourrions accéder à la vérité. T Puisque il n'y a de vérité que par le langage, il ne peut pas exister une vérité au-delà du langage.

Toutefois cette thèse n'est valide que si l 'on présuppose une analogie entre l'ordre des choses et l'ordre des mots.

Dans la mesure où cette analogie répond à un désir de l'esprit dont on ne peut savoir s'il est fondé, il n'est pas forcément prudent de fonder notre rapport à la vérité sur le langage. II Il peut exister une vérité au-delà du langage _ Le langage ne nous fait accéder à la vérité que si le langage dit l'être.

Or puisque cette analogie exprime un désir de notre esprit sans fondement garanti, on peut raisonnablement faire l'hypothèse qu'il y a des choses qui échappent au langage.

En d'autres termes, il serait possible de supposer l'existence d'une vérité au-delà du langage.

Or si quelques unes échappent au langage, on peut radicaliser cette thèse et se demander si elles n 'échappent pas toutes au langage.

C 'est ce que l'on peut soutenir avec Bergson au chapitre III de son livre Le Rire : le langage opère une classification systématique et une réduction du réel selon un schème utilitaire qui contamine notre perception.

« Nous ne voyons pas les choses mêmes : nous nous bornons le plus souvent à lire des étiquettes collées sur elles ».

Le langage, loin de correspondre à l'être, nous en éloigne en nous mettant sous les yeux une réalité travestie par ses grilles propres.

Ainsi si le langage ne coïncide plus avec l‘être, il devient parfaitement cohérent d'envisager une vérité qui se rait au-delà du langage. _ La vérité est nécessairement au-delà du langage.

En effet le langage nous masque le rapport aux choses.

Or la vérité est la coïncidence aux choses par conséquent le langage nous éloigne de la vérité.

Aussi la vérité ne doit plus être définie comme l'adéquation d'une proposition à l'ordre des choses, mais elle devient l'adéquation de la pensée aux choses; c 'est par la pensée que l'on se rapproche de la vérité.

Or si le langage nous éloigne des choses, le premier travail de la pensée est de dévoiler autant que possible le voile des mots qui nous éloignent des mots.

En ce sens, l'art est comparable à la philosophie : il a pour fonction « d'écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui masque la réalité, pour nous mettre face à la réalité elle-même ».

A insi la pensée est un travail de l'esprit qui consiste à défaire ce que le langage a fait. T Si nous nous fions au langage pour accéder à la vérité et qu'il n'a pas de rapport d'adéquation avec l'ordre des choses, alors le langage nous éloignerait de la vérité qui devrait être redéfinie comme l 'adéquation de la pensée avec ce qui lui est extérieur.

Ainsi on peut parfaitement envisager une vérité au-delà du langage.

Néanmoins s'il existe une vérité au-delà du langage, il convient de se demander si le langage nous en éloigne nécessairement ou s'il peut nous permettre de nous en rapprocher. III Le langage peut nous permettre de nous rapprocher d'une vérité qui est elle-même au-delà du langage _ La vérité au-delà du langage est comprise dans une relation géographique avec le langage dont elle n'est pas entièrement exclue.

Que le langage nous rapproche ou nous éloigne de la vérité, cela implique dans les deux cas d'une part la préexistence de la vérité; d 'autre part une distance initiale entre cet objet et nous.

Ensuite éloigner ou rapprocher désigne l'action qui consiste à accroître ou au contraire à amenuiser cette distance qui nous séparerait de la vérité.

Le langage est pensé dans ce contexte comme un rapport possible à la vérité.

Il s'agirait alors de déterminer au sein de cette situation géographique le type de relation que le langage entretiendrait avec la vérité.

En effet s'il y a une vérité au-delà du langage, le langage peut paradoxalement être un moyen pour y accéder dans la mesure où il serait vrai que la pensée ne parvient jamais à s'échapper entièrement de la sphère du langage. _ La vérité au-delà du langage peut être accessible au sein du langage par un travail de la pensée sur la langage lui-même.

La pensée se joue en effet toute entière dans le langage, mais cela ne signifie pas qu'elle se réduit nécessairement à son usage ordinaire.

Penser c'est s'approprier le langage ordinaire et le contraindre à lui faire dire ce qu'on cherche à lui faire dire, en vue de la vérité : il s'agit alors de faire sien le langage dans un mouvement qui consiste à rechercher la vérité au-delà du langage par le langage lui-même.

Or si l'on ne peut déterminer la vérité par l'adéquation au langage et que c 'est pourtant par le langage qu'on se rapproche de la vérité, c 'est sans doute que la vérité ne préexiste pas au langage, mais qu‘elle est au-delà du langage.

Par conséquent, la vérité au delà du langage peut être recherchée par un travail du langage sur lui-même, visant à s'excéder par ses propres forces. Conclusion : Selon le critère classique de la vérité défini comme adéquation du langage et de l'être, il semblait qu'il ne pouvait pas exister de vérité au-delà du langage. Toutefois, si cette correspondance entre les mots et les choses se réduit à une expression du désir humain, alors le langage nous éloignerait de la vérité qui devrait être redéfinie comme l'adéquation de la pensée avec ce qui lui est extérieur.

Ainsi on pourrait parfaitement envisager une vérité au-delà du langage. Néanmoins la vérité au delà du langage peut être recherchée par un travail du langage sur lui-même, visant à s'excéder par ses propres forces.

On pourrait alors dire que le langage nous rapproche d'une vérité au-delà du langage dans la mesure précisément où il réussit à s'éloigner de lui-même.. »