Les mathématiques sont la seule science ou l'on ne sait pas de quoi on parle ni si ce qu'on dit est vrai (Russell) ?
Extrait du document
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La formule de Russell nous apparaît tout d'abord comme un paradoxe insoutenable : « En mathématiques, disait
Fourier, il n'y a pas de signes pour exprimer des notions confuses.» Les mathématiques ne sont-elles pas par
excellence l'école de la précision et de la rigueur ? En dehors des mathématiques, au contraire, nous nous
contentons bien souvent de pensées approximatives et d'intuitions grossières.
C'est pour cela que le premier
contact avec les mathématiques déconcerte toujours l'ignorant.
Les enfants sont toujours surpris par les premiers
cours de géométrie auxquels ils assistent.
Ils s'étonnent qu'un raisonnement soit nécessaire pour établir des
propositions qui d'emblée paraissent évidentes.
Schopenhauer — dont la formation scientifique était fort limitée —
comparait assez drôlement le mathématicien à un homme qui se couperait les deux jambes afin de marcher avec des
béquilles.
Pourquoi substituer les béquilles du raisonnement à l'élan spontané et rapide de l'intuition ? C'est que le
mathématicien préfère avancer à pas comptés mais en terrain sûr, procéder avec une extrême rigueur, et ne rien
conclure qu'il ne l'ait strictement démontré.
Une proposition est dite démontrée lorsqu'on l'a déduite de propositions
déjà admises, lorsqu'on a fait voir qu'elle en découlait logiquement, nécessairement.
Les mathématiques
apparaissent donc comme un domaine où par excellence on se soucie de savoir si ce qu'on dit est vrai, comme un
ensemble harmonieux de « belles chaînes de raisons » qui, si elles ne sont pas toujours aussi « simples et faciles »
que le dit Descartes, n'en répondent pas moins aux exigences de rigueur des spécialistes exercés.
Et comment peut-on dire qu'en mathématiques « on ne sait pas de quoi on parle ? » Il n'est pas de discipline où les
définitions soient plus rigoureuses et plus satisfaisantes pour l'esprit, et cela pour l'excellente raison que c'est le
mathématicien lui-même qui crée l'objet qu'il définit.
Les définitions des sciences expérimentales en effet ne
sauraient être parfaitement rationnelles parce qu'elles renvoient à un donné antérieur, à une réalité qui préexiste à
l'effort de construction rationnelle.
Tout au contraire la définition mathématique est rigoureusement rationnelle parce que le « définissant » est
parfaitement adéquat au « défini n.
La définition du cercle est parfaitement adéquate au cercle parce que c'est la
définition du cercle qui crée le cercle.
Définir le cercle comme la figure décrite par un point en mouvement dans un
plan toujours à égale distance d'un point fixe appelé centre, c'est construire et créer le cercle.
De même l'ellipse
n'est pas le contour d'un oeuf mais le lieu géométrique des points dont la somme des distances à deux points fixes
est constante.
L'ellipse n'est pas une réalité contingente, empirique, elle est le produit de la définition de l'ellipse.
Aussi a-t-on pu dire que si « la définition empirique n'est qu'une copie, la définition mathématique est un modèle ».
Le monde mathématique est le seul monde qui soit rigoureusement intelligible, parce qu'il est le seul monde créé par
la raison humaine ; le rapport du mathématicien aux êtres mathématiques est très exactement celui d'un Dieu à ses
créatures.
En ce sens les mathématiques seraient bien la seule science où l'on sait très exactement de quoi on parle
et où l'on peut dire que ce qu'on avance est rigoureusement vrai.
Russell lui-même semble en convenir ailleurs
puisqu'il considère — dans son Essai sur le Mysticisme et la Logique — que les Mathématiques constituent un «
édifice de vérité qui reste ferme devant les arguments du scepticisme cynique ».
Quel peut donc être le sens qu'il
donne à la boutade qui est proposée à notre réflexion ?.
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