Les lois sont-elles forcément justes ?
Extrait du document
«
[Un roi, s'il veut conserver et renforcer son pouvoir, doit se faire aimer de son peuple.
Pour cela, il doit
défendre l'équité des lois.
Si le pouvoir appartient à la volonté générale, celle-ci ne peut aller contre ses
intérêts en votant des lois injustes.]
La soif du pouvoir
est toujours par amour du pouvoir que l'on devient prince, dit Hobbes.
Or, un prince veut toujours plus de pouvoir.
S'il est raisonnable, il doit comprendre que, pour parvenir à cette fin, il doit garantir la justice afin de contenter ses
sujets.
Autrement dit, au sein d'un État fort, où règne la paix et la sécurité, les lois sont forcément justes.
La volonté générale ne peut errer
Rousseau montre, dans Du Contrat social, que la souveraineté est incarnée par la volonté générale.
Il ne s'agit pas
de la volonté du plus grand nombre, mais bien de la volonté du peuple tout entier.
Cette volonté générale ne peut
pas se tromper.
Elle constitue un seul et même corps.
De même qu'une main, un pied, ne peuvent pas vouloir la
perte du corps dont ils font partie, la volonté générale ne peut pas se nuire à elle-même en décrétant des lois
injustes.
"Il s'ensuit de ce qui précède que la volonté générale est toujours
droite et tend toujours à l'utilité publique : mais il ne s'ensuit pas
que les délibérations du peuple aient toujours la même rectitude.
On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours : jamais
on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe, et c'est
alors seulement qu'il paraît vouloir ce qui est mal.
Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la
volonté générale ; celle-ci ne regarde qu'à l'intérêt commun,
l'autre regarde à l'intérêt privé, et n'est qu'une somme de
volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus
et les moins qui s'entredétruisent, reste pour somme des
différences la volonté générale.
Si, quand le peuple suffisamment informé délibère, les Citoyens
n'avaient aucune communication entre eux, du grand nombre de
petites différences résulterait toujours la volonté générale, et la
délibération serait toujours bonne.
Mais quand il se fait des
brigues, des associations partielles aux dépends de la grande, la
volonté de chacune de ces associations devient générale par
rapport à ses membres, et particulière par rapport à l'État ; on
peut dire alors qu'il n'y a plus autant de votants que d'hommes,
mais seulement autant que d'associations.
Les différences
deviennent moins nombreuses et donnent un résultat moins
général.
Enfin quand une de ces associations est si grande qu'elle l'emporte sur toutes les autres,
vous n'avez plus pour résultat une somme de petites différences, mais une différence unique ; alors il
n'y a plus de volonté générale, et l'avis qui l'emporte n'est qu'un avis particulier.
Il importe donc pour avoir bien l'énoncé de la volonté générale qu'il n'y ait pas de société partielle
dans l'État et que chaque citoyen n'opine que d'après lui." ROUSSEAU
Après avoir construit le fondement des sociétés politiques légitimes dans le livre un, le livre deux du Contrat
social détermine ce qu'est le pouvoir souverain.
Les deux premiers chapitres reprennent la caractéristique du
fondement mis à jour au livre un : le rejet de toute soumission au profit d'un pacte d'association.
Lorsqu'ils
développent le caractère inaliénable et indivisible de la souveraineté, ces deux chapitres soulignent que la
souveraineté ne peut être représentée — on ne peut, à partir du pacte social, en venir à se soumettre à un
représentant — et qu'elle ne peut être limitée par un autre pouvoir.
Elle est tout entière le pouvoir suprême
dans l'État, et ce pouvoir est absolu.
Le chapitre quatre s'interrogera sur les bornes de ce pouvoir absolu, et
répondra ainsi plus directement au chapitre deux.
Mais avant de s'interroger sur les bornes d'un tel pouvoir, il
faut bien considérer les modalités de son expression puisqu'il ne peut plus être question, dans la pensée
politique de Rousseau, de résumer la volonté du peuple à la parole de son représentant.
C'est l'enjeu du
chapitre trois du livre deux, intitulé « si la volonté générale peut errer ».
Ce titre ne reflète pas immédiatement
la question du dégagement de la volonté générale et de son expression à partir de chacun des membres
composant le pouvoir souverain.
C'est pourtant bien l'objet du chapitre, qui considère dans le premier
paragraphe que la rectitude consiste à vouloir son bien.
« On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas.
»
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