Les lois de la cité ont-elles pour but la paix ou la vertu ?
Extrait du document
«
Introduction.
La Cité politique, c'est l'État, l'ensemble des institutions qui organisent l'exercice de l'autorité légitime à l'intérieur
d'une communauté nationale.
Les lois de la Cité sont les règles définies par cette autorité souveraine.
Par ailleurs, la
vertu, dans son sens large, désigne une « disposition permanente à vouloir le bien » (Lalande).
Il s'agit donc d'un
concept qui renvoie à la morale, et celle-ci a pour objet les règles de la conduite, que ces règles soient celles de
l'habitude ou celles d'une morale idéale.
Une réflexion sur les buts que visent les lois politiques ne peut donc être séparée d'une réflexion, explicite ou non,
sur ce qu'autorise ou interdit la morale.
Pour répondre à la question : « Les lois de la Cité politique ont-elles pour but
la paix ou la vertu ? », nous devrons donc nous demander quels rapports la politique entretient avec la morale.
La paix, fin prioritaire des lois
La politique exclut-elle la morale ?
Dans Le Prince, publié à Florence en 1513, Machiavel cherche à dégager les
lois qui ont permis à certains hommes de conquérir et conserver le pouvoir
politique.
Son entreprise n'est donc pas d'un moraliste, mais d'une sorte de
sociologue politique, bien avant la lettre.
Deux concepts essentiels lui
permettent de comprendre la réussite de certains princes : la fortune et la
vertu.
- La fortune, ce sont les circonstances du temps qu'évoque le texte,
ce qui ne dépend pas de nous.
1)
La virtù.
La « virtù » est la vertu politique qui se distingue de toute vertu
morale.
Il n'y aurait pas de catégories générales de l'action, données une fois
pour toutes, à la manière positivistes.
a)
La « virtù » (d'un Prince, d'un groupe, d'une nation) est inséparable de ce
que Machiavel nomme la « fortuna », les circonstances (hasard, occasion et
nécessité) au sein desquelles elle doit opérer.
b)
Loin que la fortuna soit une situation évidente, aisément reconnaissable
par tous, c'est la « virtù » elle-même qui la révèle véritablement.
Les grands
hommes politiques, les « virtuosi » créent paradoxalement la situation :
« Sans leur vertu, l'occasion ne serait présentée en vain » ; « c'est l'excellence de leur vertu qui a fait
que cette occasion a été connue.
»
c)
Contrairement à toute la démarche de l'Antiquité qui trace habituellement à part les domaines de la
vertu et de la fortune, Machiavel montre que les frontières s'en modifient à mesure que l'on a plus de
« virtù ».
La « fortuna » ne fait jamais de si brillante « démonstration de sa puissance que là où aucune
« virtù » ne s'est préparée à lui résister.
»
A la limite, « L'homme n'a d'adversaire que lui-même, la fortune n'est rien d'autre que la non-vitù.
»
(Lefort).
d)
La « virtù » est ordonnée à une seule fin qui est politique : le bien commun, stable.
Ses moyens sont
fonction de cette fin, non de valeurs (religieuses, morales, pragmatiques...) fixes et surtout préétablies.
Ni
morale, ni antimorale d'ailleurs, la « virtù » est « la conscience originelle de la loi » en deçà de toutes les lois qui
en résultent ; la « virtù » se fait « règle de l'usage » de la vertu et du vice, entendus moralement.
e)
Cette « virtù » doit être changeante.
Non pas opportuniste puisque sa fin ne change pas.
Comme la
« fortuna » a ses variations (« la nature est femme »), la « virtù » doit se métamorphoser pour maintenir son
identité : « Si tu savais changer de nature avec le temps et les choses, ta fortune ne changerait pas ! ».
Comme le profit, le pouvoir est « à prendre ».
Rien n'y prédestine, rien ne le procure que la volonté de le
posséder.
La différence entre celui qui exerce le pouvoir et celui qui en est privé réside dans le fait que l'un a osé et l'autre
non.
Si nulle science des choses, ni l'histoire, ni la géographie, ni l'économie ne peuvent révéler une loi de la dévolution
du pouvoir politique, c'est la volonté de l'homme qui en reste la source.
Cette volonté nue de régner coupée de tout
système représentatif a reçu le nom de « virtù » : « ...
les désirs de l'homme sont insatiables : il est dans sa nature
de vouloir et de pouvoir tout désirer, il n'est pas à sa portée de tout acquérir.
» (« Tite-Live », II, avant-propos).
»
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