Les limites de la raison ?
Extrait du document
«
A.
L'au-delà du savoir.
Dans le domaine de l'étude scientifique des phénomènes, rien ne saurait remplacer la raison et on peut même aller jusqu'à affirmer
que «l'inexplicable» n'est qu'un provisoirement inexpliqué.
Mais comme Kant l'a montré, la raison est impuissante à rendre compte de
l'Être lui-même.
Nous ne pouvons connaître la réalité qu'à travers les formes « a priori» de la sensibilité (l'Espace et le Temps), sortes
de structures mentales qui sont la condition de notre perception des choses, et les formes « a priori» de l'entendement (catégories).
La raison peut atteindre, dans le réel, ce à quoi elle donne elle–même sa forme.
«Nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes.» Kant, Critique
de la raison pure (1789).
• La «révolution copernicienne» opérée par Kant est la suivante: le réel connaissable n'est pas
indépendant de l'esprit, c'est l'esprit qui lui donne sa forme.
Nous ne sommes pas passifs face au
monde: c'est nous qui lui donnons les formes sous lesquelles nous le connaissons.
Dans la Critique de la Raison Pure, Kant compare sa méthode à celle de Copernic.
Le savant
polonais mit enfin l'astronomie sur la voie de la science moderne lorsqu'il plaça le soleil au centre
de son astronomie et en délogea la Terre (héliocentrisme).
Kant compare le décentrement opéré
par Copernic au sien propre: jusqu'alors, on a cherché à résoudre le problème de la connaissance
en faisant tourner le sujet autour de l'objet.
Décentrons l'objet, replaçons au centre le sujet qui
connaît et mettons l'objet connu à la périphérie.
Ainsi, affirme Kant, nous pourrons savoir en quoi
la connaissance consiste au juste et quelles en sont les limites.
• Dans cette perspective, Kant distingue la raison de l'entendement: l'entendement est l'ensemble
des catégories qui façonnent le réel.
Tant que la raison se borne à connaître le réel selon les
catégories de l'entendement, elle reste dans les limites dans lesquelles la connaissance est
possible.
Mais la raison peut aussi s'aventurer à spéculer en-dehors de ces catégories.
Elle sort
alors des limites de la connaissance et construit des raisonnements qui ne peuvent pas être
vérifiés (par exemple sur l'existence de Dieu...).
D'où le désordre et les débats sans fin entre les
philosophes.
Le but de Kant dans la Critique de la raison pure est d'examiner les limites de la raison et de mettre fin à ces débats.
C'est pourquoi, seuls les phénomènes (l'apparaître) nous sont accessibles.
Au-delà du savoir, il y a donc un monde des noumènes
(choses en soi) qui nous échappe.
Lorsque la raison tente de dépasser l'apparence pour essayer d'atteindre l'absolu, elle tombe dans
d'inévitables contradictions, antinomies et paralogismes.
Une métaphysique est impossible comme science.
En particulier, la raison ne
saurait prouver la liberté de notre volonté, l'immortalité de l'âme, l'existence de Dieu.
B.
Opposition foncière de la raison et de l'existence
La raison est médiate, discursive.
C'est pourquoi, selon Bergson, elle peut faire obstacle à l'intuition, à la vision immédiate du vrai.
Elle
peut aussi empêcher le libre exercice de l'imagination.
Elle peut aussi, en voulant s'emparer de la sphère du subjectif ou des
expériences esthétiques, morales, religieuses, entraver la vie.
En ce sens, Kierkegaard n'a pas tort de railler la « triste figure » du
professeur dont « le moi abstrait se défait comme on dépose sa canne ».
Selon lui, le penseur
abstrait cesse d'être un homme parce que « la langue de l'abstraction ne montre pas réellement la
difficulté de l'existence et de l'existant », parce que « penser l'existence...
abstraitement, c'est
essentiellement la supprimer ».
Pour Kierkegaard, la vie individuelle et tout ce qui s'y rapporte,
l'angoisse, le doute, l'ironie, la mort, l'amour échappent à tout système rationnel.
L'existence est,
en effet, une aventure, un pari et comporte une grande part d'irrationnel.
Il est impossible de saisir l'existence dans un système, car le système est par définition un monde
clos et achevé, tout le contraire de l'existence qui est une totalité en mouvement, ouverte sur le
devenir.
L'existence pourrait être un système du point de vue absolu de Dieu, mais non point pour
l'esprit humain.
Elle est une donnée de fait, immédiate, objective, concrète et pour la penser
comme un système, il faudrait précisément la supprimer comme existence pour en faire quelque
chose d'abstrait, de général, d'idéal, bref d'inexistant.
Alors que le propre du système est de relier
les choses dans une totalité close, l'existence tend au contraire à affirmer et maintenir des
distinctions et des différences.
Penser systématiquement, c'est se maintenir dans l'illusion
contemplative, faire comme si nous n'étions pas existants, c'est-à-dire fils d'une époque, d'un
milieu donné, d'une culture et d'un temps.
Alors que l'universalité systématique de la pensée
dénature et étouffe l'individu par l'effort d'abstraction et de déréalisation, Kierkegaard est le
premier philosophe à proposer une pensée de l'existence.
L'homme est un être apparu dans le mystère de l'existence.
Bien avant d'être savant, le
philosophe est homme, existant de manière unique et singulière, sa philosophie est l'expression de
sa propre existence.
Kierkegaard exprime le souci de rendre à la philosophie une vérité qu'elle a
occultée dans le travers de la connaissance objectiviste.
Ce qui est premier n'est pas l'objet à connaître, car connaître signifie
objectiver, éclairer, rationaliser, comprendre en évacuant le mystère originel.
Ce qui est premier, pour tout homme, c'est le sujet
existant, nous-mêmes, les autres et tout ce qui est proche de nous.
Seule l'existence permet au sujet une intimité avec l'être ; la
reconnaissance de l'existence, en deçà de tout système de pensée clos, est la reconnaissance de notre appartenance à l'être et à son
mystère.
Le philosophe doit changer d'attitude : cesser de produire une réalité qu'il définit comme objective, inerte et morte, en laquelle la
pensée peut ensuite établir tous ses rapports de raison, pour se tourner en soi-même afin de saisir ce miracle, de coïncider avec ce
mystère qu'est l'existence..
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