Les lacunes de la conscience justifient-elles l'existence de l'inconscient ? (Problématique et textes)
Extrait du document
«
1) Oui, les lacunes de la conscience justifient l'hypothèse de l'inconscient
a) Le moi est pas le maître dans sa propre maison (Freud).
« Tu crois savoir tout ce qui se passe dans ton âme, dès que c'est
suffisamment important, parce que ta conscience te l'apprendrait alors.
Et
quand tu restes sans nouvelles d'une chose qui est dans ton âme, tu admets,
avec une parfaite assurance, que cela ne s'y trouve pas.
Tu vas même
jusqu'à tenir « psychique » pour identique à « conscient », c'est-à-dire connu
de toi, et cela malgré les preuves les plus évidentes qu'il doit sans cesse se
passer dans ta vie psychique bien plus de choses qu'il ne peut s'en révéler à
ta conscience.
Tu te comportes comme un monarque absolu qui se contente
des informations que lui donnent les hauts dignitaires de la cour et qui ne
descend pas vers le peuple pour entendre sa voix.
Rentre en toi-même
profondément et apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendras
pourquoi tu vas tomber malade, et peut-être éviteras-tu de le devenir.
C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi.
Mais les
deux clartés qu'elle nous apporte : savoir, que la vie instinctive de la
sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus
psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et
subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine,
équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison ».
FREUD, « Essais de psychanalyse appliquée ».
Freud va être amené à concevoir que bon nombre de maladies, mais aussi
d'actes quotidiens s'expliquent si l'on admet l'hypothèse de l'inconscient.
Il y aurait en nous un « réservoir » de
forces et de désirs (ou pulsions) dont nous n'aurions pas conscience, mais qui agiraient sur nous..
Pour le dire
brutalement, en ce sens, l'homme n'agirait pas (ne choisirait pas ses actes e toute connaissance de cause, dans la
clarté), mais serait agi (c'est-à-dire subirait, malgré lui, des forces le contraignant à agir) : il ne serait pas « maître
dans sa propre maison », il ne serait pas maître de lui.
Empruntons à Freud un exemple simple.
Un président de séance, à l'ouverture dit « Je déclare la séance fermée » au
lieu de dire « Je déclare la séance ouverte ».
Personne ne peut se méprendre sur ses sentiments ; il préférerait ne
pas être là.
Mais ce désir (ne pas assister au colloque) ne peut s'exprimer directement, car il heurterait la politesse,
les obligations sociales, professionnelles, morales du sujet.
Notre président subit donc deux forces contraires : l'une
parfaitement en accord avec les obligations conscientes, l'autre qui ne l'est pas et qui ne peut s'exprimer
directement, ouvertement.
Il y a donc conflit, au sein du même homme, entre un désir conscient, conforme aux
normes morales et un autre désir plus « gênant ».
Or, dans notre exemple, ce second désir, malgré la volonté de
politesse du président, parvient à s'exprimer, mais de façon détournée, anodine : on dira que « sa langue a fourché
».
Ici, l'exemple est simple dans la mesure où le président a sans doute parfaitement conscience qu'il ne veut pas être
là.
Mais dans bon nombre de cas, quand ma langue fourche, je ne sais pas pourquoi, c'est-à-dire que j'ignore moimême ce qui me pousse à dire tel mot plutôt qu'un autre.
Or pour Freud le cas est exactement identique et
s'interprète de même, comme le conflit entre deux désirs dont l'un est gênant et peut être ignoré par le sujet.
Il n'y
a pas d'actes innocents ou anodins.
Tous sont révélateurs d'un affrontement en moi de deux forces.
L'hypothèse Freudienne de l'inconscient revient à dire que bon nombre d'actes « normaux » (oubli, actes manqués,
rêves), mais aussi « maladifs », pathologiques (névroses, psychoses, obsessions) s'expliquent en gros selon le même
schéma.
L'individu subirait un conflit psychique (dans son âme), conflit parfois extrêmement violent entre les normes
conscientes (morales, esthétiques, sociales) et des désirs qui bousculent et négligent ces règles.
Ce second groupe
de désirs, le sujet les trouverait, s'il en avait conscience, tellement monstrueux, qu'ils ne peuvent parvenir à la
conscience que sous une forme voilée, déformée, indirecte : le lapsus, le rêve, ou le symptôme maladif.
Le symptôme est donc un compromis entre le désir inconscient et inavouable que je subis, et les normes
conscientes et morales que j'accepte.
« Le moi n'est pas maître dans sa propre maison » signifie que je n'ai pas
conscience et que je ne maîtrise pas, ne contrôle pas une bonne part de ce qui se passe en moi-même, ce conflit,
ce symptôme.
L'hypothèse de l'inconscient est donc qu'une bonne partie de ce qui se passe en moi (dans mon âme, ma psyché) ne
m'est pas connu, m'échappe, et cependant influe sur moi.
C'est ainsi qu'il faut comprendre notre passage : la
psychanalyse se propose de « montrer au moi qu'il n'est seulement pas maître dans sa propre maison, qu'il en est
réduit à se contenter de renseignements vagues et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience,
dans sa vie psychique ».
La plupart des choses qui se passent dans l'âme échappent à la conscience.
Pour Freud, on a surestimé le rôle de la conscience dans la vie de l'âme, et ainsi on s'est privé des moyens :
• De comprendre bon nombre de phénomènes comme les lapsus et les rêves ;
• De soigner un certain nombre de maladies, qui ne peuvent s'expliquer que par le conflit psychique qui agite le
patient.
Adopter l'hypothèse de l'inconscient permet de comprendre et de guérir, c'est un gain de sens et de pouvoir.
Le but
de la psychanalyse est alors de faire en sorte que l'individu, au lieu de subir les forces qu'il ignore et ne contrôle pas
, puisse recouvrer sa liberté..
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