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Les intérêts de l'Etat justifient-ils le recours a des pratiques immorales ?

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« Introduction La raison d'Etat, ou l'appel aux intérêts supérieurs de l'Etat, est invoquée par les politiques lorsqu'ils veulent justifier le recours à des pratiques immorales.

On fait alors valoir que si la morale garde sa valeur du point de vue des relations interpersonnelles, la défense des intérêts de l'Etat concerne la collectivité toute entière et peut exiger, à ce titre, de sacrifier temporairement celle-ci afin d'assurer la continuité de l'Etat et la survie « de tous ». Pourtant, la raison d'Etat peut précisément aboutir à l'injustice exercée à l'égard d'un individu ou d'un groupe particulier.

Alors ce dévoile le mensonge qui sous-tend la raison d'Etat : « L'Etat, c'est le plus froid de tous les monstres froids.

Il ment froidement, et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l'Etat, je suis le Peuple.

» (Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, I, « De la nouvelle idole »).

Si la défense des intérêts de l'Etat ne coïncide donc pas avec la protection de tous, peut-on encore l'invoquer pour justifier un acte qui déroge à la morale ? Première partie A/ Si la philosophie se caractérise par la recherche de la vérité, dès Platon, elle justifie le recours exceptionnel au mensonge, à la fois envers les « ennemis » de la cité et vis-à-vis des « citoyens » eux-mêmes.

Celui-ci, toutefois, est réservé « aux chefs de la cité » et doit servir à défendre « l'intérêt de la cité » (La République, III, 388d). Platon, dans La République, pense que le pouvoir doit appartenir aux meilleurs, à ceux qui disposent des plus grandes vertus intellectuelles et morales, c'est-à-dire aux philosophes. Ainsi que le rappelle Léo Strauss en tête de son ouvrage « La cité et l'homme », la tradition tient Socrate pour le fondateur véritable de la philosophie politique.

Cicéron aurait dit de lui qu'il « fut le premier à faire descendre la philosophie du ciel pour l'établir dans les cités, pour l'introduire également dans les foyers, et pour l'obliger à faire des recherches sur la vie et les manières des hommes aussi bien que sur le bien et le mal ».

en ce sens, il n'est pas d'histoire de la pensée politique qui ne doive commencer avec ce livre majeur que constitue la « République ». Rédigé par Platon, ce livre expose la conception de la justice de Socrate.

Tout y est présenté sous la forme habituelle mais hautement complexe du dialogue.

Répondant aux questions de ses interlocuteurs, Socrate développe une image de la cité idéale.

Socrate n'est-il que le porte-parole de Platon, un simple personnage dont le philosophe se sert pour exprimer ses propres idées tout en restant masqué ? A l'inverse, Platon n'est-il rien d'autre que le fidèle secrétaire du maître dont il se contente de noter scrupuleusement la pensée ? Et dans ce jeu mobile et contradictoire où s'enchaînent et s'entraînent questions et réponses sans que l'ironie soit jamais totalement absente, est-il seulement légitime de dégager une doctrine ? Derrière la fausse simplicité d'une conversation entre philosophes, l'art du dialogue soulève d'insurmontables difficultés qu'il nous faudra ici ignorer pour tenter de cerner l'image du politique qui se dégage de la « République ». Dans cet ouvrage, Socrate présente donc l'idée qu'il se fait de la cité idéale.

Il décrit une société fortement hiérarchisée au sein de laquelle les « gardiens » forment une classe dans laquelle règne une communauté parfaite. Au livre V, Glaucon, qui est l‘un de ses principaux interlocuteurs, demande à Socrate si une cité aussi parfaite que celle qu'il a décrite peut exister dans la réalité.

Avec beaucoup de prudence, car il sait ce que sa réponse peut avoir de ridicule et de scandaleux, Socrate répond qu'une seule réforme est nécessaire à qui veut changer radicalement la société: il suffit que se conjuguent le pouvoir politique et la philosophie.

Socrate déclare : « Tant que les philosophes ne seront pas rois dans les cités, ou que ceux qu'on appelle aujourd'hui rois et souverains ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes ; tant que la puissance politique et la philosophie ne se rencontreront pas dans le même sujet ; tant que les nombreuses natures qui poursuivent actuellement l'un ou l'autre de ces buts de façon exclusive ne seront pas mises dans l'impossibilité d'agir ainsi, il n'y aura de cesse, mon cher Glaucon, aux maux des cités, ni, ce me semble, à ceux du genre humain, et jamais la cité que nous avons décrite tantôt ne sera réalisée, autant qu'elle peut l'être, et ne verra la lumière du jour. Voilà ce que j'hésitais depuis longtemps à dire, prévoyant combien ces paroles heurteraient l'opinion commune.

Il est en effet difficile de concevoir qu'il n'y ait pas de bonheur possible autrement, pour l'Etat et pour les particuliers.

» Socrate va s'attacher à justifier une proposition qui, aux yeux de ses interlocuteurs, ne peut être reçue que comme un insoutenable paradoxe. Pour ce faire, il entreprend de construire une définition de la philosophie.

En ce sens, la « République » est autant un traité de la philosophie qu'un traité de la politique.

Par là même se marque combien, aux yeux de Platon, sont indissociables ces deux dimensions : celle du savoir et celle du pouvoir. Encore faut-il s'entendre sur ce que sont les « vrais philosophes ».

Socrate les présente comme « ceux qui aiment le spectacle de la vérité ».

Mettant en place l'opposition, fondamentale dans la doctrine Platonicienne, entre la science et l'opinion, il oppose les vrais philosophes à ceux qui, amoureux des apparences, sont incapables de s'élever jusqu'à la vision du Beau et du Juste, et qui ne méritent pas le nom de « philosophe » - «qui aime la sagesse » - mais celui de « philodoxe » - « qui aime l'opinion ». C'est aux philosophes et non aux philodoxes que doit revenir le gouvernement de la cité.

Au début du livre VI, Socrate trace des premiers un portrait particulièrement élogieux : le philosophe est « par nature, doué de mémoire, de facilité à apprendre, de grandeur d'âme et de bonne grâce » ; il est « parent de la vérité, de la justice, du. »

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