Les images nous parlent-elles comme les mots ?
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Vocabulaire:
IMAGE - IMAGINATION - IMAGINAIRE
L'image est, en psychologie, une représentation mentale d'objets non présents.
L'imagination est, dans la
psychologie classique, une activité de l'esprit qui fabrique des combinaisons nouvelles d'images.
Pour Sartre (qui nie
comme Alain la réalité de l'image mentale, reflet passif du réel) l'imagination, ou fonction imageante, n'est qu'une
manière de viser un objet réel : le viser, l'« intentionner » comme n'étant pas là.
Est dit imaginaire, tout produit de
l'imagination, en tant qu'il se distingue du réel.
L'esprit humain est doué de diverses facultés, l'intuition sensible,
l'entendement et l'imagination : celle-ci permet aux hommes de se représenter mentalement des objets non
présents, autrement dit de les imaginer.
Elle joue également un rôle essentiel dans l'invention, c'est-à-dire dans la
production de fictions.
Mais quelle est la puissance créatrice de l'imagination ? Il semble que l'imagination est limitée
aux objets que nous avons antérieurement perçus.
MOT (n.
m.) 1.
— Élément du discours, signe d'une idée distincte.
2.
— Unité linguistique composée et
fonctionnant de manière relativement autonome : « Segment de la chaîne parlée ou du texte écrit tel qu'on le puisse
séparer de son contexte en le prononçant isolément ou en le séparant par un blanc des autres éléments du texte et
lui attribuer une signification et une fonction spécifique » (MARTINET).
3.
— Au pluriel, souvent synonyme de
paroles.
Image: du latin imago, représentation, image, portrait; représentation matérielle d'un objet; représentation
mentale de ce qui a déjà été perçu.
Introduction
Les mots, semble-t-il, donnent à voir et la désignation constitue, du moins à première vue, le motif principal de la
parole.
Pourtant, le destin de la signification s'achève-t-il dans la seule vision ? Signifier, est-ce seulement donner à
voir ? La parole en effet répond davantage au souci de se déprendre de l'image visuelle, on parle dès lors qu'il s'agit
de se dégager d'un rapport immédiat à la vision.
Signifier n'est pas représenter, mais commenter plutôt ce qui est
proposé en représentation.
Toutefois, quelle est la pertinence d'une signification qui se trouve abstraite, démarquée de tout support visuel ou
de toute désignation assignable ? La signification peut-elle avoir une valeur quelconque en dehors de toute
perspective sensible ? Pouvons-nous seulement signifier sans voir ? En ce cas, et non moins problématiquement,
alors les images nous parleraient mieux que les mots.
Comment parvenir à une thèse ?
Le mot « image » interpelle deux registres sémantiques distincts sinon contraires : eidos et eidolon.
La distribution
conceptuelle pourrait se faire de la façon suivante.
L'image se dit de l'eidolon, le mot ou la parole de l'eidos.
Il est
facile de conclure que la parole dit plus que l'image dès lors qu'elle signifie non pas l'apparence des choses mais
l'idée ou l'essence.
Notre thèse pourrait donc ici être platonicienne.
L'argument à cette thèse fait pourtant défaut,
le rappel d'un auteur ne constituant pas en soi une justification philosophique.
Quel argument trouver ?
On peut songer à la méditation heideggérienne de la parole poétique et à l'originalité de celle-ci en regard de l'usage
essentiellement informatif et descriptif qui est fait du discours courant.
À propos du poète Georg Trakl, Heidegger
nous prévient : « La parole du poète n'est pas une exaltation mélodique du parler courant.
Renversons la
proposition.
C'est bien plutôt celui-ci qui n'est plus qu'un poème oublié, fatigué par l'usage, et d'où à peine encore
se laisse entendre un appel » (Dialogue avec Heidegger, III, Minuit, 1974, p.
78).
L'emploi élémentaire du discours
est « un affaissement de la parole ».
À ce titre, l'image peut aisément suppléer à une parole affaissée, qui se serait
renoncée à elle-même dans son usage non poétique.
Quel serait le sens de cet usage poétique de la parole ?
« Je dis : une fleur ! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les
calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets.
» Ainsi pour Mallarmé, le mot
(fleur) dit plus et au-delà que son image ou la représentation de telle ou telle fleur.
La parole suggère l'idée (idée
musicale et sucrée de la fleur) dans l'absente de tout bouquet.
Là où l'image se borne à recopier la chose dans son
apparence superficielle et contingente, le mot la suggère dans son intemporalité.
S'agissait-il d'une expérience
distincte lorsque Socrate demandait à Hyppias ce qu'était que la beauté, ce qu'était l'idée de celle-ci dans la visée
absente de toutes les jolies filles d'Athènes ? Généralisons.
Retour à la thèse
La parole atteint l'idée par l'absence.
Pour l'ignorant, voir c'est savoir.
Or, comprendre ne se tient pas dans la
description seule.
« L'essence ne se montre pas du doigt » disait déjà Aristote dans les Seconds Analytiques, II.
C'est parce qu'on cesse de voir qu'on s'efforce d'expliquer et de construire un raisonnement.
Or, l'image nous prive
de cet accès à l'intelligibilité si elle devait parler comme les mots.
Elle n'a pas, et pour cause, accès à l'absence ;
l'image est impropre de fait à exprimer la négation et la contradiction, elle ne dit pas la question car elle tient la
conscience « imageante » dans l'illusion qu'elle sait à mesure de ce qu'elle voit, elle est incapable de faire naître
cette même conscience à l'évocation de ce qu'elle ignore.
L'image n'induit aucune recherche.
Les images ne parlent pas comme les mots, en manquant la négation, elles ne nous donnent pas de parvenir à la
conscience de notre ignorance, elles n'accomplissent aucun débat ou aucun dialogue.
Limage méconnaît l'épreuve
de la réfutation, tandis que la parole argumente, et sur la base de l'absence qu'elle évoque, elle idéalise aussi..
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