« Les Fables de La Fontaine sont plutôt la philosophie dure, froide et égoïste du vieillard, que la philosophie aimante, généreuse, naïve et bonne d'un enfant », écrit, en 1849, Lamartine dans la préface à la réédition de ses Premières méditations. Vous
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Lamartine se place sur un plan éducatif. Quoi de plus normal en apparence quand il s'agit d'apprécier des fables dont la vocation était, par définition, didactique? La sévérité de son jugement paraît dès lors fondée. Comment nier que La Fontaine dispense une morale pessimiste? Mais comment ne pas objecter à Lamartine que cette morale est aussi réaliste et généreuse ?
I. Une morale pessimiste
La leçon qui se dégage des Fables est souvent empreinte d'amertume et de tristesse, sans grand rapport avec le regard qu'un enfant jette sur le monde.
Une vision désenchantée de l'homme
Les Fables sont peuplées d'ambitieux (VIII, 25), de vaniteux (VIII, 15), d'avares (IX, 16), de fourbes (IX, 1), d'ignorants et de sots (VIII, 9 ; VIII, 10). C'est qu'au fond La Fontaine ne croit pas au progrès moral de l'homme. Il le considère comme incapable de s'amender et de se corriger. Le naturel finit toujours par revenir au galop, et il n'est guère flatteur (VII, 13 ; X, 14; XII, 16).
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Lamartine se place sur un plan éducatif.
Quoi de plus normal en apparence quand il s'agit d'apprécier des fables dont la vocation était,
par définition, didactique? La sévérité de son jugement paraît dès lors fondée.
Comment nier que La Fontaine dispense une morale
pessimiste? Mais comment ne pas objecter à Lamartine que cette morale est aussi réaliste et généreuse ?
I.
Une morale pessimiste
La leçon qui se dégage des Fables est souvent empreinte d'amertume et de tristesse, sans grand rapport avec le regard qu'un enfant
jette sur le monde.
Une vision désenchantée de l'homme
Les Fables sont peuplées d'ambitieux (VIII, 25), de vaniteux (VIII, 15), d'avares (IX, 16), de fourbes (IX, 1), d'ignorants et de sots (VIII,
9 ; VIII, 10).
C'est qu'au fond La Fontaine ne croit pas au progrès moral de l'homme.
Il le considère comme incapable de s'amender et
de se corriger.
Le naturel finit toujours par revenir au galop, et il n'est guère flatteur (VII, 13 ; X, 14; XII, 16).
Une vision désabusée de la société
La vie sociale n'améliore pas davantage l'individu.
La loi de la jungle y règne en maître.
Partout triomphent les puissants et les « habiles
».
À la cour, c'est à qui sera le plus cruel (VII, 1 ; VIII, 14; XII, 14).
Les forts imposent leur «droit» sans écouter la raison» des faibles, au
mépris de toute justice (VIII, 15 ; IX, I0; X, I).
Les «habiles» que sont les flatteurs, les hypocrites et les menteurs, survivent par leurs
ruses et souvent au détriment des plus humbles (VII, 15 ; VIII, 3).
Une vision sans panache de l'existence
Dans ces conditions, la prudence est de rigueur.
La Fontaine enseigne qu'il faut se méfier de ses ennemis (VIII, 22), fuir les puissants
(XII, 11), se contenter de peu et vivre à l'écart du monde dans une paisible retraite ( XI, 4).
Le fabuliste prône ainsi une morale utilitaire, fruit de l'expérience d'une vie, qui ne correspond guère à l'idéalisme et à la générosité que
Lamartine prête aux enfants.
II.
Une morale réaliste et généreuse
Lamartine dénie en fait toute valeur de contre-exemple aux personnages les plus négatifs des Fables de La Fontaine.
En outre, pour
favoriser son argumentation, il laisse de côté les fables, très nombreuses, qui incitent à la générosité et au respect des autres.
Des mises en garde utiles
La morale que dispensent les Fables est certes sans prétention.
Mais est-il préférable que les enfants les découvrent un jour à leurs
dépens? Vaut-il mieux forger des illusions ou les prévenir? Or La Fontaine ne prétend pas ériger en modèle les vaniteux, les ambitieux ou
les cupides, ni faire approuver par son lecteur les rapports de force sur lesquels fonctionne la société.
Il ne décrit pas le monde tel qu'il
devrait être, mais tel qu'il est avec ses vices et ses défauts.
En moraliste, La Fontaine constate, analyse, mais c'est pour mieux mettre en
garde.
Un éveil à la générosité
Le jugement de Lamartine ne s'applique pas en outre à toutes les fables.
Nombre d'entre elles encouragent les sentiments les plus
nobles qu'un enfant peut nourrir: la concorde et l'entraide (VII, 17), l'amitié (VIII, Il), le dévouement (XI, 8), le goût de l'étude (VIII, 19).
Les plus hautes vertus sociales ne sont pas davantage négligées.
La fable XI, 7 est un hymne à la liberté et à la dignité humaine.
Une école du respect
Les Fables appellent au respect de l'autre: il ne faut pas l'humilier (VII, 12), ni l'ignorer (VIII, 17).
De même il convient de ne pas
dégrader la nature (VIII, 10 ; XII, 16), ni faire souffrir les animaux, sous prétexte qu'ils ne sont plus d'une quelconque utilité (VIII, 12)
ou qu'ils sont malfaisants (X, I).
La Fontaine se montre un défenseur de la vie sous toutes ses formes et de l'environnement.
III.
Une opposition de tempérament
Plus que par l'oubli de certaines fables, la position de Lamartine s'explique par une différence de tempérament et par l'erreur qui consiste
à croire que La Fontaine n'écrivait que pour des enfants.
Idéalisme contre réalisme
Lamartine peut être qualifié d'idéaliste ; La Fontaine, de réaliste.
Selon le premier, seuls comptent les exemples positifs, que l'on peut
suivre à la lettre; pour le second, même la peinture d'un vice ou d'un défaut est instructive; elle montre ce qu'il ne faut pas faire.
La
Fontaine partage ainsi l'idéal classique de ses contemporains, qui était de corriger les moeurs en divertissant.
C'est pourquoi il insiste à
plusieurs reprises sur la valeur éducative de son oeuvre (Xl, 2; XII, 5).
Comment oublier que le Livre XII est dédié au petit-fils de Louis
XIV, alors âgé de 12 ans?
Des fables également pour des adultes
Lamartine semble enfin penser que la lecture des fables est exclusivement réservée aux enfants.
S'ils forment en effet le public premier
du fabuliste, il n'est et n'a jamais été le seul.
Ainsi, les Livres VII à XII orchestrent des thèmes plus propres à être compris des adultes..
ertaines fables sont politiques et traitent par exemple de la guerre de Hollande (VIII, 4; XI, I), d'autres sont plus franchement
philosophiques, comme l'important Discours à Madame de la Sablière (fin du livre IX).
Pour conclure, le regard de Lamartine sur les Fables est réducteur..
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