Les enfants sont fidèles à leur règle, alors que les hommes ne le sont pas... cela eût dépendu de celui à qui cela importait. HOBBES
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"Les enfants sont fidèles à leur règle, alors que les hommes ne le sont pas...
cela eût dépendu de celui à qui cela
importait."
Problématique:
L'examen de l'histoire des s ciences, comprise comme recherche de la vérité mise en oeuvre propos des différents
domaines d'études où elle peut se déployer, fait apparaître des différences sans doute significatives.
Les mathématiques
- et notamment la géométrie - semblent s'être constituées as sez vite, et avoir rencontré moins de « rés istances » de
type psyc hologique ou affectif, que d'autres connaissances, comme celles qui touchent plus directement aux intérêts et
aux désirs des hommes.
C omment en rendre compte ? Une réflexion sur les enjeux existentiels de la vérité - notamment
lorsque c e l l e - c i dérange, - peut éclairer c e constat.
L'étude d'un texte de Hobbes v a nous permettre d'engager la
réflexion sur ce point.
Hobbes, réputé pour sa conc eption pessimiste de la nature humaine, donne ici la preuve que c ette réputation est bien
fondée.
I l affirme en effet que l'intérêt égoïste perturbe aus si bien la recherc he d e la vérité que l'applic ation des
décisions rationnelles, et soutient que toute connaiss ance pouvant être utilis ée au profit d'une ambition (ou contre elle)
est faussée par son influence.
C hez l'homme, l'accès à la maturité s'indique, non s eulement par le développement de la force phys ique, mais surtout
par un comportement déterminé par l'intérêt égoïste.
L'enfance est préservée de l'intérêt: dans l'univers de ses jeux, la règle instaurée est respectée.
Parce que s ans doute le jeu reste sans conséquences
concrètes, et surtout parce que chez l'enfant ne se pose pas encore réellement le problème du pouvoir sur autrui (ce dernier point peut être discuté —
mais on peut confirmer que la règle ludique est bien reconnue comme telle).
L'adulte au contraire change de système de référence s elon l a c ause qu'il défend.
Droit coutumier ou habitudes alternent a v e c l e s lois rationnelles:
l'homme s e réfère ainsi selon s e s intérêts à des critères c ontradictoires.
(Illustration possible: on montre la différence entre le «droit du premier
occupant» et l'instauration d'une propriété légale.)
C ons équence ultime : même la notion de justice est ébranlée ; sa définition reste incertaine (on en discute «par la plume ») et le règlement des conflits
recourt à la violence («par l'épée »).
N.B.: on peut interpréter «par la plume e t p a r l'épée» comme désignant l e s p r o c è s e t les duels — où s e marque en effet l'opposition entre deux
conceptions de la justice, qui peut être «réclamée» ou «obtenue» par «la coutume» (le duel) ou par la «raison» (le système judiciaire).
La géométrie ne donne jamais lieu à un conflit.
L'interprétation traditionnelle des mathématiques souligne en effet leur caractère abstrait, formel et «vide», et la qualité rigoureusement a priori des
vérités qu'elles élaborent.
Elles feraient ainsi l'accord universel des esprits.
L'interprétation de Hobbes est toute différente: cet accord des esprits recouvre en fait le désintérêt des hommes pour ce type de vérité («dans c e
domaine, quelle peut être la vérité, les hommes n'en ont c ure ») dans la mesure où ces dernières ne peuvent ni servir ni contrarier les passions égoïstes.
A insi la vérité mathématique peut-elle être établie s ans discussion parce qu'elle n'apparaît intéress ante à personne (sauf, bien sûr aux mathématic iens
de profess ion, mais il s'agit alors d'un intérêt intellectuel, qui n'a rien à voir avec la lutte pour la puissance, et dès qu'ils sortent de leur travail, ils ne
savent sans doute pas plus que les autres en quoi consiste la justic e, et sont parfaitement capables de se battre en duel).
Si, par hypothèse, les théorèmes mathématiques avaient le moindre rapport avec la lutte pour le pouvoir, tous les traités de géométrie auraient été brûlés
! Solution radic ale, dans la mesure où Hobbes considère que les théorèmes ne peuvent être contestés en eux-mêmes: il sous-entend donc leur privilège
de rationalité — mais qui n'empêcherait auc unement la volonté de les occulter pour peu qu'ils gênent un pouvoir.
C e qu'affirme ainsi Hobbes, c 'est qu'aucun savoir n'est protégé des pas sions : l'activité intellectuelle es t soumise aux intérêts.
C ette vis ion pessimiste
n'est pas aussi singulière ni outrée qu'il peut sembler dans un premier temps.
Dans le cas des débats s ur la justice, il n'es t pas difficile de trouver ici une anticipation des positions de Nietzs che : la c urios ité est orientée par l'intérêt,
et les «valeurs » ne sont jamais neutres, mais résultent bien des c onflits entre groupes différents.
C 'est en fait la lutte pour le pouvoir qui influence les
concepts et la pensée n'est pas indépendante des intérêts qui la suscitent.
E n d'autres termes, toute théorie es t liée à une idéologie, ou la «lutte des c l a s s e s » (pour Hobbes, c e l l e des individus) s e reproduit dans les
superstructures intellectuelles.
Relativement au mythe de la connaissance désintéres sée et du plaisir de la théorie pure, le texte est donc quelque peu s candaleux.
Il n'a cependant rien perdu de sa pertinence: le xxe s iècle a fourni des exemples caricaturaux de ce qu'il affirme.
A insi le stalinisme a suscité l'oppos ition,
stupide mais politiquement «effic ace», entre «science bourgeoise» et «science prolétarienne» — et le régime nazi a de s on côté tenté d'élaborer une
science «aryenne», pure de toute influence juive ou cosmopolite, qui devait justifier son pouvoir.
L a s c ienc e ne se déploie pas à l'écart des enjeux sociaux.
Elle constitue aujourd'hui un domaine dont la dimension politique, ou idéologique, n'est pas
contestable.
D'où la possibilité permanente de s es dérives au service du pouvoir en place.
HOBBES (Thomas).
Né à Malmesbury en 1588, mort à Hardwick en 1679.
Il fit ses études à O xford et devint précepteur du jeune comte de Devonshire qui, plus tard, devait lui confier aus si l'éducation de son propre fils.
Il fit deux
longs voyages en Europe, vécut à Paris de 1640 à 1651, y fréquenta le P .
M ersenne, puis rentra en A ngleterre.
La C hambre des C ommunes exigea qu'il ne
publiât plus aucun livre, après avoir vivement attaqué Léviathan en 1 6 6 7 .
L a fin de la vie d e Hobbes fut o c c u p é e par des controverses avec les
mathématiciens.
— L'oeuvre de H o b b e s e s t une théorie et une apologie fort logiques du despotisme.
T outes les substanc e s s ont corporelles e t l a v i e e s t
mouvement.
Le désir, fondement du monde animal, est égoïste et guidé par l'intérêt.
Il n'y a ni amour ni accord possible entre les hommes ; ceux-ci sont
naturellement insoc iables et méchants.
L'état de nature, c'est la guerre de tous contre tous.
M ai les hommes, qui considèrent que la paix es t le plus grand des
biens, confèrent tous leurs droits à un seul souverain.
Ils remplacent l'ordre mécaniste naturel par un ordre mécaniste artificiel, qui leur convient mieux : c'est
l'État.
Le salut de l'État s'identifie avec le salut du souverain.
La souveraineté absolue d'un seul homme c rée un déséquilibre qui assure la stabilité.
Le
souverain établit les lois et définit la justice, se plaçant ainsi au-dessus d'elles.
Le bien et le mal dépendent de ses déc isions ; la vraie religion est celle qu'il
autorise.
A insi, les hommes sont libres et heureux, puisqu'ils peuvent agir à leur gré dans le cadre des lois .
Le souverain absolu n'est pas un tyran arbitraire le
tyran est l'esc lave de s es passions, alors que le souverain en est délivré par le caractère absolu de son pouvoir.
C ar les passions résultent de la finitude
humaine.
En somme, le pouvoir du souverain est légitime parce qu'absolu.
La pensée de Hobbes a eu une influence incontestable s ur H egel..
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