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Les drames de l'histoire nient-ils l'idée de progrès ?

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« Constater un progrès, c'est enregistrer une amélioration qualitative ou quantitative entre un moment x et un moment y.

Or l'histoire de l'humanité n'est pas seulement constituée d'avancées scientifiques, techniques ou morales, mais également de drames dont la récurrence semble introduire une absurde discontinuité : n'est-ce qu'un moment ou une négation radicale ? Deux notions se doivent d'être questionnées corrélativement : celle d'histoire, au sens où la lire comme un processus linéaire, cyclique, dépendant d'une immanence, d'une transcendance, ou de l'homme seul, influence notre interrogation sur cette idée de progrès.

Vu communément comme un processus régulier, le progrès ne s'effectue-t-il pas par bonds, puisant dans la négativité évoquée ? Dès lors, des notions métaphysiques, tel le libre arbitre humain, se trouvent évoquées : si l'homme est créateur de conflits, n'est-ce pas également à lui qu'incombe la responsabilité de son traitement ? I. LES DRAMES DE L'HISTOIRE NE CONSTITUENT QUE DES MOMENTS NEGATIFS D'UN PROGRES UNIVERSEL… Il s'agit de s'appuyer sur une lecture de l'histoire telle que celle que livre Hegel dans La Raison dans l'Histoire : les passions des hommes, y compris celles qui sont menées dans le plus noir dessein, et qui débouchent à des situations de conflit, ne sont en fait que des ruses de la Raison afin de se réaliser pleinement.

« La définition générale du progrès est que celui-ci constitue une succession d'étapes de la conscience » : en ce sens, les drames de l'humanité ne sont que des moments de négativité dont le dépassement contribue au déploiement du progrès de la Raison. Si Hegel utilise une lecture de l'histoire comme étant guidée par un principe immanent, il est possible de justifier l'existence de cette nécessaire négativité par des raisons purement anthropologiques : Kant identifie les conflits entre les hommes comme un moteur au progrès.

L'insociable sociabilité humaine est synonyme d'oscillation entre concorde et discorde, à la fois entrer en communauté, et résister aux autres. «J'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes, c'est-àdire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée par une répulsion générale à le faire, menaçant constamment de désagréger cette société.» Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (1784). • Kant dit bien la tension interne qui règne dans le tempérament humain et, du coup, dans la société.

D'un côté, les hommes tendent à s'associer, de l'autre, ils y répugnent.

L'homme est ambivalent, et la société est traversée à la fois par des forces qui la maintiennent, et des forces qui la mettent en danger. • Cependant, l'effet de ces forces est, lui aussi, ambivalent.

Car Kant voit dans cet égoïsme naturel des hommes, dans leur vanité et leur désir de domination, un aiguillon qui les pousse à développer leurs talents.

Sans cela, la société baignerait «dans une concorde, une satisfaction et un amour mutuel parfaits», qui serait, en fait, moins profitable à l'espèce que cette émulation.

L'égoïsme a donc paradoxalement aussi son rôle à jouer dans le développement de la société. « L'homme a un penchant à s'associer, car dans un tel état, il se sent plus qu'homme par le développement de ses dispositions naturelles.

Mais il manifeste aussi une grande propension à se détacher (s'isoler), car il trouve en même temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout diriger dans son sens ; et de, ce fait, il s'attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu'il se sait par lui-même enclin à résister aux autres. C'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à surmonter son inclination à la paresse, et, sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, à se frayer une place parmi ses compagnons qu'il supporte de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer.

L'homme a alors parcouru les premiers pas, qui de la grossièreté le mènent à la culture dont le fondement véritable est la valeur sociale de l'homme […] .

Sans ces qualités d'insociabilité, peu sympathiques certes par elles-mêmes, source de la résistance que chacun doit nécessairement rencontrer à ses prétentions égoïstes, tous les talents resteraient à jamais enfouis en germes, au milieu d'une existence de bergers d'Arcadie, dans une concorde, une satisfaction et un amour mutuel parfaits ; les hommes, doux comme des agneaux qu'ils font paître, ne donneraient à l'existence plus de valeur que n'en a leur troupeau domestique […].

Remercions donc la nature pour cette humeur non conciliante pour la vanité rivalisant dans l'envie, pour l'appétit insatiable de possession ou même de domination.

Sans cela toutes les dispositions naturelles excellentes de l'humanité seraient étouffées dans un éternel sommeil.

» Kant.. »

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