Les différentes formes de la croyance ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
Croyance:
Du latin credere, « avoir confiance en », «tenir pour vrai ».
Attitude de l'esprit qui affirme quelque chose sans pouvoir en donner de preuve (synonyme : opinion).
Adhésion de l'esprit à des
vérités qui ne sont pas connues par la raison (synonyme : foi).
• Paradoxalement, La croyance n'est pas l'apanage des « croyants ».
Dans la mesure où l'on ne peut produire la preuve de la nonexistence de Dieu, l'athéisme est aussi une forme de croyance.
• La doctrine kantienne de la moralité admet l'existence de Dieu, la
liberté de la volonté et l'immortalité de l'âme à titre de simples « postulats » de la raison pratique : l'existence de Dieu relevant de la
croyance et non de la connaissance.
Croyance et opinion: «croire à»
L'opinion représente la croyance dans ce qu'elle a de plus douteux: elle relève du préjugé (au sens propre de «pré-jugé»: ce qui est
affirmé ou cru avant d'être jugé); et s'exprime sous la forme: «je crois à»; par exemple, «je crois à l'inégalité des races».
Loin que le
verbe «croire» indique ici une prudence dans le jugement (« je crois, mais je n'en suis pas sûr»), le propre d'un tel préjugé est d'être
difficilement déracinable et de résister à sa réfutation.
Aussi la tradition philosophique, depuis Platon, a-t-elle fait de l'opinion un
obstacle à la connaissance, ce dont il fallait d'abord s'arracher pour entreprendre la difficile
conquête de la vérité.
Mais peut-être est-ce précisément la recherche même de la vérité qui est discutable? Le sophiste
Protagoras disait que «l'homme est la mesure de toute chose», ce qu'on pourrait traduire par: «à
chacun sa vérité».
Ce relativisme peut-il être dépassé? Oui, répond Platon, car il se contredit luimême, puisqu'il s'affirme...
comme une vérité.
La vérité se définit par sa permanence et son
universalité et ne doit nullement se confondre avec la relativité des opinions humaines.
C'est au
contraire contre celles-ci qu'elle doit le plus souvent se construire.
La croyance, une vérité par défaut: «croire que»
En un deuxième sens, presque opposé au premier, la croyance est une vérité supposée, une
affirmation consciente de son incertitude.
Il s'agit ici de «croire que» et non de «croire à», c'està-dire: affirmer quelque chose sans en être certain et en sachant qu'on n'en est pas certain.
Loin
d'être un préjugé, la croyance est en ce sens l'expression d'un jugement réservé et non
dogmatique.
La question est alors de savoir si nos connaissances portant sur le monde peuvent prétendre à
autre chose qu'à des croyances de cet ordre; autrement dit, si nous ne prenons pas pour des
vérités certaines, de façon trop dogmatique, ce qui ne devrait être, en toute rigueur, affirmé que
comme croyance.
Ainsi, dit Hume, nous sommes enclins à tenir pour absolument vrai que le soleil
se lèvera demain; mais nous n'en avons justement pas la preuve certaine, puisque l'affirmation
contraire est toujours concevable: ce n'est là qu'une croyance très fortement enracinée, née de
l'habitude provoquée en notre esprit par la répétition de l'expérience passée.
Hume raisonne ici en sceptique.
Et la question que pose
le scepticisme est la suivante: nos connaissances peuvent-elles espérer atteindre un degré de
vérité autre, au mieux, qu'une grande probabilité? Faut-il renoncer, en d'autres termes, à l'idéal
d'une certitude absolue?
Croyance et foi: «croire en»
Le problème des rapports entre croyance et vérité rencontre aussi la question de la foi religieuse.
Celle-ci n'est ni une certitude ni une simple opinion (« croire à») ni une croyance consciente de
son caractère incertain (« croire que»): c'est une conviction («croire en») c'est-à-dire un
engagement à la fois total et incertain et éventuellement, de ce fait, générateur d'angoisse.
La foi
postule en ce sens l'existence d'un ordre de vérités au-delà des vérités de la raison et de
l'expérience, ce que Pascal appelait les «vérités du coeur».
Une tradition rationaliste issue de la philosophie des Lumières (incarnée de façon exemplaire par
Condorcet) a voulu réduire les croyances religieuses à de simples préjugés.
Mais c'est
méconnaître le sens spirituel de l'expérience religieuse, qui est une façon de donner un sens à
l'existence et ne peut être ni contredit ni confirmé par les vérités de la science ou du sens
commun.
CITATIONS:
« Je dus [...] abolir le savoir afin d'obtenir une place pour la croyance.
» Kant, Critique de la
raison pure (2e éd.), 1787.
Croyance : « C'est le mot commun qui désigne toute certitude sans preuve.
» Alain, Définitions, 1953 (posth.)
« Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances.
[...] Ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans
les affaiblir et une avalanche de malheurs et de maladies se succédant sans interruption dans une famille ne la fera pas douter de la
bonté de son Dieu ou du talent de son médecin.
» Proust, Du côté de chez Swann, 1913.
« Les mots doute et croyance, comme on les emploie d'ordinaire, sont usités quand il est question de religion [...].
Je les emploie ici
pour désigner la position de toute question grande ou petite et sa solution.
» Charles S.
Peirce, Textes anticartésiens, 1984
(posth.).
»
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