Les contemporains d'un événement peuvent ils en comprendre le sens ?
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Par événement, on entend généralement ce qui advient en un lieu et une date déterminés et qui attire l'attention
par le changement qu'il introduit dans le cours des choses.
L'événement peut faire l'objet d'un récit, mais il faut
distinguer le récit d'un événement de la recherche et de la compréhension de son sens.
Donner sens à un
événement semble exiger de le renvoyer à un ensemble d'événements et à un contexte plus vaste, de l'intégrer
dans une chaîne de causes et d'effets : cette démarche est celle de la perspective historique.
On peut alors se
demander si les contemporains d'un événement peuvent effectuer une telle démarche : ont-ils tout particulièrement
la capacité de l'effectuer, en tant que témoins directs, qui perçoivent et vivent les détails de l'événement ? Ou bien
ne peuvent-ils qu'en faire le récit, parce que le sens de l'événement ne peut être appréhendé que
rétrospectivement, dans une prise de recul qui prend en compte ses conséquences à long terme ? Il convient ainsi
de s'interroger sur les conditions requises pour la compréhension du sens d'un événement, ainsi que sur la définition
même de l'événement : si l'événement se définit par le sens que lui donnent ses acteurs, on peut supposer que ce
sont les contemporains qui peuvent le mieux lui donner sens.
Mais si on ne peut décider ce qui a été un événement
que par les conséquences à long terme d'un fait, alors cela semble exiger un recul.
Après avoir dégagé les conditions
dans lesquelles une compréhension d'un événement par ses contemporains est possible, nous défendrons l'idée que
seule une vision rétrospective peut donner sens à un événement par rapport au cours global de l'histoire.
Nous
verrons alors que le sens que les contemporains donnent à un événement prend sens pour l'interprétation
rétrospective de cet événement.
1° L'historien cherche le sens d'un événement dont il est le témoin
Thucydide, dans La guerre du Péloponnèse, relate le conflit qui oppose les athéniens aux lacédémoniens, au
Vème siècle avant JC, dont il est témoin et acteur, en tant que stratège.
Dans la perspective de Thucydide, on ne
peut faire l'histoire que d'un événement dont on est le témoin direct.
Il oppose ce témoignage direct aux récits de
mémoire, qui selon lui ne peuvent être que peu rigoureux et peuvent facilement s'éloigner de l'exactitude des faits.
Cependant, il s'agit de mettre au point une méthode historique qui évite de ne faire que le récit d'un événement
sans chercher à en comprendre le sens, et de ne se fier qu'à ses propres impressions : en effet, celui qui vit
directement un événement court le risque de mettre en avant les aspects de cet événement qui l'ont le plus frappé,
et non ceux qui sont les plus pertinents pour le comprendre.
Pour éviter ces écueils, il faut procéder à des
vérifications des informations, même pour les événements dont on a été témoin, afin de toujours s'appuyer sur
plusieurs témoignages qui se corroborent mutuellement.
De plus, pour que la compréhension de l'événement puisse
être utile pour la compréhension d'événements de l'avenir, il faut non pas s'en tenir aux détails singuliers de
l'événement, mais en dégager les causes, à la fois profondes et immédiates.
Cette méthode doit rendre possible,
pour un contemporain, de dégager le sens, le pourquoi d'un événement.
2° Rapporter un événement au fil directeur de l'histoire exige une compréhension rétrospective
Il semble cependant possible de distinguer différents niveaux de compréhension d'un événement : on peut
ainsi penser que si les contemporains peuvent dégager les causes passées d'un événement, seule la connaissance
de ce qui suit l'événement permet de l'intégrer dans une vision plus large du cours de l'histoire.
Ainsi, dans la
perspective de Hegel, l'histoire suit un progrès qui lui donne sa direction et sa signification : il s'agit de l'avènement
progressif de l'Esprit, ou de la Raison de l'humanité, qui se traduit par une liberté croissante et une prise de
conscience de cette liberté.
Donner sens à un événement consiste alors à le situer comme étape dans cette
réalisation progressive de l'Esprit.
Il faut pour cela pouvoir replacer l'événement dans le cours de l'histoire universelle
qui lui donne son sens : or, cela ne peut être fait que de manière rétrospective : nous pouvons ainsi, à notre
époque, percevoir la Grèce antique démocratique comme la première manifestation de l'Eprit, et donc de la liberté,
mais une telle analyse ne pouvait être accessible aux contemporains de cette démocratie.
L'importance d'un
événement, ce qui donne à un fait sa pertinence pour l'histoire, ne peut donc être saisie que de manière
rétrospective, par rapport à ses conséquences.
On développera cette idée avec le texte de HEGEL ci-dessous:.
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