Les connaissances scientifiques peuvent-elles être à la fois vraies et provisoires ?
Extrait du document
«
éléments de réflexion
• Essayer de saisir pourquoi l'on peut être amené à affirmer que les connaissances scientifiques sont à la fois
provisoires et vraies.
Peut-on concevoir le progrès des connaissances scientifiques comme un développement continu du savoir par
complexification croissante, par adjonctions? Mais ne serait-ce pas un refus de prendre en compte l'histoire
réelle des sciences dans leurs révolutions théoriques? Bachelard soutient longuement dans ses livres sur la
physique et la chimie l'idée qu'il y a dans l'histoire des sciences des « sauts », des « bonds », des « failles », «
des ruptures ».
Autrement dit il n'y aurait pas progression par accumulation simple et élargie (cf.
la révolution
théorique opérée par Einstein, par exemple, en physique).
• Peut-on concevoir ce progrès, non comme une accumulation, mais comme un développement à partir de
principes intangibles, comme déploiement dans le temps de virtualités que le travail des scientifiques
accomplirait ?
Peut-on soutenir cette conception lorsque l'on remarque, encore une fois, les révolutions théoriques opérées
dans les sciences, lorsqu'on note que les sciences, en raison même de leur progression, ruinent leurs principes
initiaux.
« Les sciences, dit Bachelard, ne partent pas de leurs principes, elles y vont.
»
•
« Les événements de la science s'enchaînent dans une vérité sans cesse accrue » écrit Bachelard dans Le
Matérialisme rationnel (PUF, p.
86).
(Ce qui ne signifie nullement qu'il s'agisse d'une accumulation simple,
continue ou d'un déploiement à partir de principes intangibles.) « Sans cesse accrue » ? Pourquoi ? Comment ?
Cet accroissement ne saurait être une accumulation, nous l'avons vu ; cet accroissement s'opère de façon
discontinue ; quel sens cela peut-il avoir ?
• Voir, par exemple, les caractéristiques de l'évolution des théories sur la lumière.
1670 : Newton; théorie de l'émission corpusculaire.
Cette théorie permet d'expliquer des phénomènes comme
la propagation rectiligne, la réflexion, la réfraction.
1690 : Huygens; théorie ondulatoire simple.
La théorie de
diffraction.
Huygens en rend compte par la théorie ondulatoire.
Newton explique mal les phénomènes de
1822 : Fresnel; théorie ondulatoire des vibrations transversales.
Cette théorie explique en plus les
phénomènes de polarisation et de double réfraction entre autres.
Elle permet également de déduire de
nouveaux faits que l'expérience confirme (par exemple : inégalité de la vitesse de la lumière dans l'air et dans
l'eau).
1870 : Maxwell; théorie électromagnétique.
La théorie ondulatoire, remaniée, est étendue à l'ensemble des
ondes électromagnétiques.
La lumière n'est plus qu'un cas particulier du champ des ondes électromagnétiques.
1900 : Planck ; retour à la théorie de l'émission corpusculaire.
La théorie de Maxwell ne rend pas compte de
certains faits.
Max Planck, à la suite d'expériences sur les corps noirs, est amené à affirmer que les faits
observés exigent une interprétation corpusculaire.
D'où la théorie des quanta : l'énergie lumineuse varie de
façon discontinue.
1924 : Louis de Broglie; la mécanique ondulatoire.
Théorie faisant la synthèse (sur un autre plan) de la
théorie continuiste et ondulatoire de Maxwell et de la théorie discontinuiste et corpusculaire de Planck : à
chaque photon est associée une onde de probabilité qui exprime algébriquement la probabilité de présence de
ce photon.
Nous pouvons maintenant appréhender à quel point il Serait erroné de penser le progrès des sciences comme
une accumulation de faits ou de lois découverts, ou comme un déploiement à partir de principes intangibles.
L'histoire du progrès scientifique c'est l'histoire de contradictions surmontées, une histoire de révolutions
théoriques s'enchaînant les unes les autres et telles que l'on rende compte de façon de plus en plus précise
d'un nombre grandissant de phénomènes.
• Bien voir que ce qui est en jeu dans le sujet précis posé c'est de savoir « s'il y a contradiction à dire que les
connaissances scientifiques sont à la fois provisoires et vraies » ?
• La réponse à la question ne dépendrait-elle pas, en dernière analyse, de l'appréhension que l'on peut se faire
de « la vérité » ?
• Méditer à ce sujet le texte suivant de Engels extrait de Ludwig Feuerbach.
citation
« Par là, on avait repris le côté révolutionnaire de la philosophie de Hegel, et on l'avait débarrassée, du même
coup, de ses chamarrures idéalistes qui, chez Hegel, en avaient empêché l'application conséquente.
La grande.
»
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