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Les compétences techniques peuvent-elles fonder l'autorité politique ?

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« Introduction Platon s'interrogeait sur les compétences requises pour être un bon politique, s'attachant ainsi à déterminer ce qu'était, en propre, l'art politique.

Ainsi, dès ses origines, la philosophie politique affirme que celui qui a les prétentions de diriger la cité doit d'abord posséder une techne spécifique.

Mais de quelle nature doit-elle être ? Celle-ci serait-elle la même à toutes les époques ? Pour Machiavel, la qualité essentielle du prince n'est pas la possession d'une technique particulière, qui serait l'art de gouverner, mais plutôt de faire preuve de virtù, un mélange d'habileté, de ruse et de force.

Mais ne doit-on pas considérer, avec Auguste Comte, qu'il s'agit là d'une définition dépassée de la politique ? L' « âge du positivisme », marqué par l'avènement des sciences modernes et la toute-puissance de la technique, ne nous oblige-t-il pas à fonder l'autorité politique sur la compétence technique ? Première partie - Selon La République de Platon, le véritable politique n'est pas le sophiste, qui maîtrise la technique de la persuasion, mais plutôt le philosophe, qui connaît le Bien et peut ainsi diriger la cité en vue du bien commun (« roisphilosophes », La République, V, 473a-474a).

Ce n'est pas dire que le politique ne possède aucune compétence technique, mais la techne propre à la sphère politique diffère de l'art du médecin ou du charpentier : l'art politique trouve plutôt son modèle dans le tissage, qui mélange des fibres distinctes pour former une représentation d'ensemble, ou dans le pilotage, qui amène son équipage à bon port. - Mais le modèle grec n'est-il pas dépassé (révolution copernico-galiléenne ; développement au XIXe d'une polizeiwissenschaft ou « science de gouvernement » qui inclut la démographie, la statistique (étymologiquement « science de l'Etat »), l'urbanisme, la « médecine sociale » (santé publique), l'économie, etc.

– cf.

M.

Foucault, Sécurité, territoire et population) ? Si la techne grecque s'apparentait encore à un art, les Modernes inventent les « sciences politiques », qu'on enseigne dans des écoles spécialisées (Sciences-Po, ENA, etc.) La surreprésentation d'énarques dans la sphère politique ne démontre-t-elle pas que l'autorité politique se fonde désormais principalement sur une compétence technique ? On confirme alors les thèses positivistes d'A.

Comte : les sociétés industrialisées seraient en réalité technocratiques. Seconde partie - Mais n'est-on pas ici victime d'un sophisme, qui nous fait conclure du fait au droit ? L'origine de notre erreur ne réside-t-elle pas dans la mécompréhension de ce que signifie réellement l' « autorité politique », et par conséquent dans l'incapacité d'analyser ce qui pourrait être son fondement ? - Nous avons en effet confondu l'autorité politique avec l' « art de gouverner » ou la « science politique ».

Or, la qualité du prince n'est pas de maîtriser une technique quelconque, mais réside dans quelque chose de bien plus difficile à déterminer, que Machiavel appelait virtù (Le Prince), c'est-à-dire une sorte de capacité instinctive à saisir le cours des événements et à affronter la fortuna (destin, hasard).

Cette sorte de « ruse » ne s'apprend pas, contrairement à un savoir technique qui peut faire l'objet d'une pédagogie. La fortune est femme. C'est au chapitre 25 du « Prince » : « Ce que la fortune peut dans les choses humaines et comment on peut lui résister », que l'on retrouve la formule : « il est meilleur d'être impétueux que circonspect, car la fortune est femme, et il est nécessaire à qui veut la soumettre de la battre et la rudoyer ». Machiavel utilise le terme fortune dans son sens traditionnel de puissance aveugle, régie par le hasard, qui dispose du cours du monde et de la vie des hommes.

Il s'agit donc de s'interroger sur ce que peut l'homme et plus précisément l'homme politique confronté à la prétendue fortune. Le chapitre 25 débute de la sorte : « Je n'ignore pas que beaucoup ont été et sont dans l'opinion que les choses du monde soient de telle sorte gouvernées par la fortune et par les dieux, que les hommes avec leur sagesse ne puissent les corriger (…) Cette opinion a été plus en crédit de notre temps à cause des grands changements qu'on a vus et voit chaque jour dans les choses, en dehors de toute conjecture humaine.

» Cette opinion commune, alimentée par les malheurs du temps, l'instabilité politique propre à l'Italie de la Renaissance, amène à une sorte de désespoir. L'action humaine serait vaine et réduite à l'impuissance face à la Providence et à ses desseins impénétrables (la Providence répond à cette idée que le cours de l'histoire est régi par la volonté divine) ou encore face à la puissance aveugle et hasardeuse de la fortune.

Or cette conception ruinerait toute tentative machiavélienne et plus radicalement tout essai de penser l'action politique et ses conditions. Ce chapitre s'inscrit donc au cœur de deux préoccupations propres à Machiavel.

D'une part il s'agit comme dans tout le « Prince » de proposer les conditions d'une action politique efficace, et d'une stabilité politique qui fait cruellement défaut à l'Italie.

D'autre part, Machiavel balaye toute différence entre histoire sacrée et histoire profane. »

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